Martinique – Gloriye Septam 70 : un succès
Les organisations GRS , OPAM, PKLS, UFM avaient décidé d’évoquer ensemble cette page glorieuse de notre histoire, pour contribuer à la faire connaitre, honorer la mémoire des combattant-e-s et martyrs, faire le lien avec les luttes d’aujourd’hui. Le MPREOM, non signataire de l’appel, mais solidaire, participa à l’action.
Ce fut aussi pratiquement le cas de Robert Sae et du Kolé têt kolé zépol (qu’il anime depuis sa séparation des dirigeant-e-s du CNCP). Le secrétariat général de la CDMT, malgré sa sympathie pour l’initiative, ne put s’y associer faute de temps pour organiser une participation significative.
Le succès fut au rendez-vous. Une bonne couverture médiatique avec de nombreux passages de Gilbert Pago, reconnu à juste titre comme l’historien de cette insurrection, facilita le travail de préparation : tracts unitaires, suppléments gratuits de RS.
Le premier moment de cette mobilisation n’avait pas l’ambition de rassembler les foules mais de faire un premier marquage. Une quarantaine de camarades rebaptisa l’ex rue Blénac en « rue des insurgé-e-s de 1870 ». Hé oui, Blénac le fondateur de la ville capitale (au fait : « Qui a construit Thèbes ? » demandait ironiquement Berthold Brecht ! Et nous répondons, chez nous : ce sont les esclaves qui ont fondé Fort-de- France, assaini les marécages et payé cher en vies humaines pour le faire), Blénac donc fut d’abord un digne soudard du colonisateur dont la main ne trembla pas pour faire exécuter des esclaves en révolte contre les mauvais traitements. Nous n’effacerons pas Blénac de l’Histoire, mais nous décidons librement de choisir celles et ceux que nous voulons honorer. Voilà le sens simple de l’opération qui parait-il aurait indigné Roland Laouchez qui nous suggère une autre méthode pour changer le nom des rues. Petite question : que ne l’applique-t-il pas luimême grâce aux moyens non négligeables que lui donne sa télé ?
Après cette action symbolique et les prises de parole de J.P. Etilé, G.Pago, G.Arnauld, nous avons occupé la rue avec une retraite aux flambeaux jusqu’aux stèles érigées non loin du Polygone de tir où furent fusillés nos valeureux ancêtres. Nouvelles explications et émouvante prestation d’artistes.
Deux jours après le 22 septembre, à la salle Frantz Fanon de l’Atrium,
ce fut, de l’avis unanime, une manifestation inoubliable dont plus de 300 personnes ont bénéficié. La salle bondée ne put contenir les retardataires qui durent assister debout. Interventions politiques des organisateurs, présentation historique, débat nourri avec le public furent entrecoupés de parties artistiques de grande qualité.
En clôture, le premier chant authentique connu sur cette page d’histoire (La divinité) fut chanté dans sa version originelle non détournée, par la chorale de l’union des Femmes de la Martinique.
La soif de connaissances sur notre passé, élément important du sentiment national, s’exprima largement et ne put être bien sûr que très partiellement mais brillamment apaisée. À la sortie, tous les livres de Gilbert Pago amenés en table de littérature se sont volatilisés< ;
Le rendez-vous n’est pas pris pour l’année prochaine. Il est pris pour les jours prochains : le meilleur hommage à celles et sont qui ont fait le sacrifice suprême pour conquérir le droit de vivre dignement, c’est de continuer leur combat, ici, maintenant !
INTERVENTION DU GRS AU MEETING UNITAIRE DU 22 SEPTEMBRE
Impossible de commencer ce message sans une pensée pour un camarade qui il y a trois ans encore tenait meeting avec nous sur ce même thème à la maison des syndicats, Ti-jo Mauvois !
Malgré l’immense travail des historiens, en particulier les recherches passionnées de Gilbert, beaucoup de connaissances nous manquent encore. Que lisait l’instituteur Vilar ? (Le Manifeste de Marx-Engels, de 1848 était encore peu connu !) Que disaient-ils dans les réunions secrètes des cercles d’insurgé-e-s ? Ont-ils/elles eu des disciples dans les décennies qui ont suivi ? Quels rapports vraiment entre les chefs et les masses ?
On en sait peu et il est inutile d’ajouter la légende à l’Histoire ! Les légendes nous égarent alors que l’histoire doit nous éclairer pour les combats d’aujourd’hui.
L’histoire, de Septembre 1870 est déjà, en elle-même, suffisante pour nous exalter ! C’est le mouvement social et politique le plus radical de tout notre passé : par le nombre des combattant-e-s et sympathisant-e-s, par le niveau d’affrontement dans cette lutte à mort, par le caractère global de la contestation du système en place, par la frayeur des Dominants et la férocité bestiale de la répression ! Gloire éternelle à celles et ceux qui ont osé si vaillamment ! Sur notre drapeau il y aura toujours une goutte de sang des martyrs de 70 !
Aujourd’hui, la tâche n’est de faire ni un nouveau Septembre 70 ni un nouveau 22 mai 1848. Mais nous avons des leçons à tirer : sur le caractère central de la revendication de la terre, rien n’a changé sinon que la question est devenue plus aigue ; sur le lien étroit entre la question de la dignité, du racisme et celles des institutions (justice, État, municipalités..) ; sur le caractère décisif de la participation populaire (dans tous les grands mouvements de notre histoire le nombre a submergé les équipes dirigeantes aussi fondamental soit le rôle de celles-ci) ; sur la place déterminante que doit tenir, pour la victoire, le mouvement prolétarien.
Cantonnée pour l’essentiel au sud du pays, la révolte n’a pas été coordonnée avec le petit peuple de Saint-Pierre et Fort-de-France dont l’organisation n’existait pas en tant que telle. Retenons aussi l’importance du contexte international : la défaite française à Sedan et la proclamation de la République ont été des éléments clés dans la dynamique du mouvement malgré l’éloignement et l’absence totale de liens. On pourrait rêver sur ce qu’aurait été la situation si l’insurrection avait éclaté juste quelques mois plus tard lorsque les masses parisiennes de la Commune se lançaient "à l’assaut du ciel".
En ce début du 21e siècle, il nous reste à mettre la fierté d’hériter de tels
aînés au service des luttes d’aujourd’hui, dans le contexte d’aujourd’hui, pour une émancipation aussi nécessaire qu’en 1870 !