Pendant que dans l’hémisphère nord règne la canicule et la peur de l’envolée du prix de maïs, dans la partie sud c’est en principe l’hiver, dont le silence est interrompu par les tirs de la police sud-africaine le jeudi du 16 août 2012 : 34 mineurs de la mine de platine à Marikana sont tués, quelques 80 blessés et plus de 250 arrêtés. Bain de sang qu’on n’a pas vu depuis l’apartheid. Avec cette différence-ci que maintenant les tués et leurs assassins sont noirs, alors que les donneurs d’ordre et propriétaires des mines sont toujours les blancs.
Les mineurs sont tués parce qu’ils ont fait la grève, exigé l’augmentation de salaire de misère et refusé l’ordre de la direction de descendre dans la mine.
Donc, le capitalisme dépasse sa deuxième phase pourrissante sur toute la ligne et passe à la troisième, où le rapport salarial librement consenti redevient l’esclavage. Dans ce rapport de classe il n’y a qu’une nuance nouvelle : le pouvoir est toujours tenu par le capital blanc, mais par les sous-traitants noirs de l’ANC et syndicat majoritaire NUM, dont le chef est entré dans le conseil de direction de la mine de platine. Vous-vous souvenez comment les barons du capital allemand ont sous-traité les services des socialistes Ebert et Noske lorsqu’il fallait couper la tête à la révolution prolétarienne ? Et, voilà, c’est la même chose aujourd’hui en Afrique de Sud.
Bien que j’aie un frère dans ces lointaines régions de l’hémisphère sud, je me sens plus proche de mes frères noirs mineurs de Marikana, car le lien de classe est plus fort que le lien de sang. Je sais qu’aux stades de football à Zagreb, Belgrade, Varsovie et Moscou les hordes de supporters fascistes sifflent aux joueurs noirs comme s’ils étaient des singes, car ils se sont mis dans la tête qu’ils font partie de la race supérieure blanche, à cheveux blonds et sang bleu. Ils passent ensuite des sifflets à l’étranglement individuel des immigrés de couleurs dans le métro, comme le fait l’Aube dorée en Grèce (il serait plus juste de les appeler peste noire), mais si dans le pays il n’y a pas d’immigrés on peut toujours se rabattre sur les Tziganes autochtones. Puis on passe à l’organisation de formations militaires parallèles, à l’instar des tigres, aigles et loups serbes dans les guerres bosniaque et autres, pour devenir finalement la formation militaire régulière pour « tâches spéciales », « anti-émeute » ou « sécurité républicaine », aussi bien dans les petits pays balkaniques qu’ en Afrique de Sud.
Si le capitalisme est vraiment guidé par « la main invisible », alors c’est cette main blanche du capital en coulisse : pour les ouvriers désobéissants il y a suffisamment de chômeurs affamés de violence pour en faire les assassins en uniforme. Le président Zuma, commission d’enquête, les questions des journalistes « qui a tiré le premier » etc. – tout cela c’est du bla-bla pour divertir l’opinion publique, ils ont tiré sur l’ordre du capital blanc sur les mineurs noirs comme sur les moineaux.
Mémoire éternelle pour nos frères mineurs noirs de Marikana !
Radoslav Pavlovic