1. NOUVELLE GOUVERNANCE ECONOMIQUE EUROPEENNE – DE L’ENGAGEMENT A LA CONTRAINTE
Entre le Traité de Rome (1957) et l’Acte Unique européen (1986), la construction de l’Union européenne est allée de l’avant par petites touches. Une conjonction d’éléments va favoriser l’accélération et le développement de l’Union dans un sens très particulier :
• Le décès de De Gaule a levé le veto français à l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne (1973) celle-ci est dirigée par Margaret Thatcher et les économistes du parti conservateur, entièrement acquis à l’idéologie économique de l’école de Chicago. Les maîtres-à- penser de ce courant sont les économistes néolibéraux Milton Friedman et Friedrich Von Hayek. Au Chili, leurs disciples expérimenteront leurs recettes en réduisant à néant les conquêtes sociales et économiques apportées par le gouvernement Allende, en conseillant la dictature de Pinochet sur les privatisations du secteur public et la libéralisation du marché privé.
• C’est sous la présidence britannique de l’Europe en 1981 que sera présenté le projet d’« Acte européen » visant à améliorer les mécanismes institutionnels (ce qui deviendra l’Acte Unique en 1986). Un des objectifs déclarés de l’école de Chicago est d’abolir le corpus législatif apporté par les politiques keynésiennes après le Krach boursier de 1929 en matière de régulation financière et d’activité bancaire [1], mais également de mettre fin aux interventions de l’état (ou de les modifier dans un sens favorable au marché) dans la sphère économique [2].
• Ce courant néolibéral anglo-saxon va trouver des alliés au sein des institutions européennes, influencés par les économistes ordo-libéraux [3] qui alimentent depuis des décennies les orientations de politique économique de la CDU en Allemagne. Ces derniers sont, entre autres, à l’origine de la politique d’autonomie et anti-inflationniste de la Banque centrale d’Allemagne, qui servira de modèle à la Banque centrale européenne (BCE).
• L’autonomisation des Etats pétroliers vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, notamment à travers une politique de nationalisation des ressources pétrolières, et la coordination de leur politique des prix pétroliers par le biais de l’OPEP ont conduit aux deux crises pétrolières des années ’70. Les coûts de productions, particulièrement dans les industries des pays les plus avancés (USA, UE, Japon), ont considérablement augmenté et le chômage conjoncturel est parti à la hausse particulièrement en Europe.
• L’épouvantail soviétique se fissure de plus en plus, à la fois sous les coups de butoir de la corruption de la bureaucratie et l’énormité du poids sur le budget de la course aux armements. La chute du mur de Berlin en 1989 et la dissolution de l’URSS en 1991 en sont les étapes ultimes. Par contrecoups, la social-démocratie occidentale, se retrouve fragilisée à la fois dans ses références idéologiques et dans son rapport de force avec les puissances financières et industrielles.
Les étapes de la remise en cause du compromis social de l’après guerre : un pouvoir supra national et néolibéral en construction.
1.1 L’avalanche des Pactes et Traités
Comme cette liste le montre parfaitement, l’Union européenne est passée à la vitesse supérieure depuis 2010 en adoptant une série de Pacte en très peu de temps :
1957 Traité de Rome
1965 Traité de fusion
1986 Acte unique européen
1992 Traité de Maastricht
1995 Pacte de stabilité
1997 Traité d’Amsterdam
1997 Pacte de stabilité et de croissance
2001 Traité de Nice
2005 Traité constitutionnel (échec)
2007 Traité de Lisbonne
Juin 2010 Pacte de réforme structurelle
Mars 2011 le Pacte « Euro-plus » ou « Pacte de compétitivité »
Décembre 2011 Pacte de stabilité et de croissance renforcé [dont le « Six pack »]
2012 [dont le Semestre européen (1re mise en œuvre)]
1er juillet 2012, entrée en vigueur, Mécanisme européen de stabilité économique
Janvier-mars 2013 Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ou Pacte budgétaire européen dont « la Règle d’or ».
Les étapes de la remise en cause du compromis social de l’après guerre : un pouvoir supra national et néolibéral en construction.
L’Acte Unique en 1986 relance très activement la dynamique européenne en mettant en œuvre des décisions politiques ayant pour but de « libéraliser » [4] à moyen terme le marché intérieur de l’Union.
Le Traité de Maastricht (février 1992) (Signé en février 1992 et en vigueur depuis novembre 1993)
Il établit des procédures de coopération renforcées entre les Etats membres en créant l’Union européenne (dimension politique) au côté de la Communauté économique européenne (dimension économique). Ce traité fixe aussi les objectifs et les conditions de réalisation d’une monnaie commune, ce qui deviendra l’Euro. Il précise les « fameux » critères de convergence (source de la future « Règle d’or ») nécessaire à l’union monétaire dans les 12 Etats-membres :
• un endettement public inférieur à 60% du PIB ;
• un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB ;
• un taux d’inflation ne pouvant pas excéder de plus de 1,5% celui des trois pays membres ayant les plus faibles taux d’inflation.
Ces trois éléments deviendront le credo de la Banque Centrale Européenne (BCE) crée le 1er juin 1998. L’Europe passe de 12 à 15 en 1995.
Le Traité d’Amsterdam (1997) renforce principalement la structure politique de l’Union et la collaboration des Etats-membres en matière de sécurité.
Le Pacte de stabilité et de croissance (juin 1997) (Adopté par le Conseil européen en décembre 1996 et en vigueur depuis juin 1997)
Cinq ans après le Traité de Maastricht, afin de renforcer ces critères, les pays de l’UE ont signé le Pacte de Stabilité et de Croissance, comprenant deux dispositions importantes :
• la surveillance multilatérale, disposition préventive : les États de la zone euro présentent leurs objectifs budgétaires à moyen terme dans un programme de stabilité actualisé chaque année. Un système d’alerte rapide permet au Conseil Ecofin, réunissant les ministres de l’Économie et des Finances de l’Union, d’adresser une recommandation à un État en cas de dérapage budgétaire ;
• la procédure de déficit excessif, disposition dissuasive. Elle est enclenchée dès qu’un État membre dépasse le critère de déficit public fixé à 3% du PIB, sauf circonstances exceptionnelles. Le Conseil Ecofin adresse alors des recommandations pour que l’État mette fin à cette situation. Si tel n’est pas le cas, le Conseil peut prendre des sanctions : dépôt auprès de la BCE qui peut devenir une amende (de 0,2 à 0,5% PIB de l’État en question) si le déficit excessif n’est pas comblé.
Le Traité de Nice (2002) fusionnera en un seul corpus les traités de l’Union européenne et ceux de la Communauté européenne, par une réforme des institutions approfondissant les dispositions du traité d’Amsterdam et préparant l’ouverture à l’intégration des Etats de l’Est européen (passage à 25 en 2004, et à 27 en 2007).
Au 1er Janvier 2002, l’euro commence à remplacer les monnaies nationales dans les pays de la zone euro.
Le Traité constitutionnel européen (TCE 2005)
Première tentative de forger un cadre législatif pur pour la doxa néolibérale, avec comme objectif de rendre inamovible les orientations économiques (politique monétaire déflationniste) de l’UE. Ce traité fut mis en échec suite aux « non » lors de référendum en France et aux Pays-Bas.
Le Traité de Lisbonne (2007)
Sorte de « TCE réformé », le président de la Commission européenne voit son indépendance à l’égard des États renforcée. Le Conseil européen choisit un « candidat » à la majorité qualifiée (et non à l’unanimité, comme c’était le cas avant le traité de Nice de 2001), lequel doit ensuite être élu par la majorité du Parlement européen. La Commission européenne dispose du monopole de l’initiative législative (art. 9D2 TUE). La Commission n’est ainsi plus responsable devant le Conseil européen, mais devant le Parlement.
Le titre de « ministre des Affaires étrangères de l’Union » a été supprimé. La fonction sera appelée « Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité », chargé de la politique européenne de sécurité et de défense.
Le Conseil européen (sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres) n’est désormais plus qu’une institution parmi d’autres de l’UE. Son président – actuellement Herman Van Rompuy – n’est plus élu à l’unanimité, mais à la majorité qualifiée.
Rappel de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne concernant la primauté du droit de l’Union.
Article 123 : « Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d’accorder des découverts ou tout autre type de crédits aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres. L’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. » L’article 123 reprend l’article 104 du traité de Maastricht.
Le Pacte de réforme structurelle (2010)
Ce pacte met en place des mesures de contrôle et de discipline économique et financière s’imposant aux États membres concernés par la zone euro (les 17 qui y sont déjà, plus ceux qui sont candidats à y entrer). Pour le Pacte de réforme structurelle, chaque État-membre doit établir un « plan national de réforme » (PNR) d’objectifs à atteindre, dont un « taux d’emploi » de 75% (et non plus de 70%). Sans véritable politique de création nette d’équivalent temps-plein, la « création d’emploi » passe nécessairement par un accroissement de la concurrence des travailleurs (subsides à l’emploi, baisses de cotisations, etc.) entre eux afin de faire baisser les salaires (le discours de la compétitivité). Comment ? Par le recul de l’âge de la retraite, les restrictions à l’accès aux prépensions, la chasse aux chômeurs... entre autres. Mais comme si cela ne suffisait pas, la Commission fourbit d’autres armes, après un « Livre Vert » [5] sur le marché du travail dans l’Union, elle se prépare à sortir un « Livre Blanc » dans lequel elle stigmatise le contrat de travail à durée indéterminée comme « la principale rigidité » du marché du travail « empêchant la mobilité des travailleurs »...
Le Pacte de « L’Euro Plus », ou Pacte de compétitivité (mars 2011)
Ce Pacte poursuit quatre objectifs officiels :
• stimuler la compétitivité ;
• stimuler l’emploi ;
• contribuer à la durabilité des finances publiques ;
• renforcer la stabilité financière.
Ce qui conduit à une cinquième dimension : la coordination des politiques fiscales. Chaque année, les dirigeants des pays de l’euro-plus devront présenter des objectifs en rapport avec ces thèmes. Il est précisé : « [Les pays] adopteront, dans le respect des traditions de dialogue social, des mesures destinées à assurer que l’évolution des coûts salariaux reste en ligne avec la productivité ».
Ces actions sont déclinées en neuf intentions :
• rendre le travail « plus attractif » ;
• « aider » les chômeurs à retrouver un emploi ;
• « lutter » contre la pauvreté et promouvoir l’inclusion sociale ;
• investir dans l’éducation et la formation ;
• « équilibrer » sécurité et flexibilité ;
• « réformer » les systèmes de retraite ;
• attirer des capitaux privés pour financer la croissance ;
• stimuler la recherche et l’innovation ;
• permettre « l’accès à l’énergie » à un coût abordable et renforcer les politiques en matière d’efficacité énergétique.
Le Pacte de stabilité et de croissance renforcé (Approuvé par les 27 États membres et le Parlement européen en octobre 2011 et en vigueur depuis décembre 2011)
dont le « 6-pack » (décembre 2011) et et le Semestre européen (en vigueur à partir de janvier 2012)
Le « 6-pack » est un ensemble de cinq Règlements et une directive qui ont pour objectif de renforcer et élargir la surveillance et la possibilité de sanctions. En effet, le 6-pack donne à la Commission des outils de contrôle et de sanctions en cas de dépassement du plafonnement des dépenses publiques. Elle peut ainsi imposer à un état de réduire sa dette publique chaque année au rythme de 1/20e de l’écart entre le PIB réel et l’objectif des 60%...
Le Semestre est à la fois la procédure à suivre et le calendrier de sa mise en œuvre.
1.2 Le 6-pack et le Semestre européen
1.2.1 Le 6-Pack
Pour le Pacte de stabilité [6], le 6-pack inaugure un contrôle à priori sur la politique de dépenses publiques, sur le rythme et les mesures politiques prises pour réduire à terme la dette publique. Pour atteindre ces objectifs, le 6-pack recommande le relèvement de l’âge de la pension (qui s’est déjà matérialisée chez nous par le relèvement de l’âge d’accès à la prépension et par une offensive sur les « régimes spéciaux »), l’interdiction de certains choix fiscaux, des politiques de contrôle des salaires (norme salariale impérative), une politique favorisant les investissements (maintien des intérêts notionnels par exemple). L’injonction, sur la façon de réduire dette et déficit, porte uniquement sur des perspectives de réductions des dépenses (sauf s’il s’agit de « sauver » les banques) et condamne d’éventuels projets de nouvelles recettes (en particulier s’il s’agissait d’augmentation d’impôts sur les revenus des capitaux). Cela a pris la forme d’une loi européenne, sans débat public. En résumé, l’austérité n’est plus un choix et n’a plus de limite dans le temps, elle devient la Règle de tout temps... La Commission transforme en loi le transfert grandissant des revenus du travail vers les revenus du capital.
La façon dont la Commission va mesurer les politiques des États membres pour veiller au respect des traités, se matérialise dans les dispositifs dits du « 6-pack » : le contrôle du risque de « déséquilibres macroéconomiques », c’est-à-dire le contrôle des éléments dont la Commission jugerait qu’ils peuvent nuire à la compétitivité. Pour cela, les États membres doivent mettre en place des outils de mesures économiques comparatives (Déséquilibre - Déficit - Dette) qui doivent être alimentés par plusieurs procédures :
– la Procédure renforcée de déficit excessif : s’enclenche quand les critères « 3% » et « 60% » sont dépassés.à partir de décembre 2011, si les pays qui sont en procédure de déficit excessif (PDE) (En décembre 2011, 23 pays sur 27 sont concernés) ne se conforment pas aux recommandations que le Conseil leur a adressées, le Conseil sur recommandation de la Commission européenne leur adressera des sanctions, sauf si une majorité qualifiée d’États s’y oppose.
– la Procédure renforcée de dette excessive : les pays qui ont une dette qui dépasse 60% du PIB feront l’objet d’une PDE (procédure de déficit excessif) s’ils ne réduisent pas d’un vingtième par an (sur une moyenne de trois ans) l’écart entre leur taux d’endettement et la valeur de référence de 60 %.
– la Procédure renforcée de déséquilibre excessif : si les pays présentent des déséquilibres importants, une procédure pour déséquilibre excessif peut être lancée et des sanctions pourront être prises à l’encontre des États. La procédure repose sur une série d’indicateurs :
* par ex. le niveau des salaires (c’est l’extension à l’échelle européenne du mécanisme de « norme salariale » que nous connaissons déjà en Belgique, par la comparaison de l’évolution salariale avec nos pays limitrophes établie par le Conseil central de l’économie à la veille des négociations d’un accord interprofessionnel patrons-syndicats) ;
* par le niveau de protection sociale (de quoi démultiplier les effets de la directive sur la « libéralisation » des services, ex-« Bolkestein », ou celle sur le détachement des travailleurs, dont on a encore pu ces derniers semaines voir tous les « effets dévastateurs » [7] à travers l’exploitation faites par les sociétés de transports de chauffeurs importés de l’Est, aux conditions de salaires et de cotisations revues à la baisse grâce à des sociétés fictivement basées dans leur pays d’origine) ;
On mesure les indicateurs notamment avec les éléments suivants :
* moyenne mobile sur trois ans de la balance des transactions courantes en pourcentage du PIB (dans une fourchette comprise entre +6 % et -4 % du PIB)
* évolution des parts de marché à l’exportation, mesurée en valeur (sur cinq années, avec un seuil de -6 %) ;
* évolution sur trois ans des coûts unitaires nominaux de la main-d’œuvre (seuils de +9 % pour les pays de la zone euro, de +12 % pour les Etats hors zone euro) ;
* variation sur trois ans des taux de change réels effectifs sur la base de déflateurs IPCH/IPC, par rapport à 35 autres pays industriels (seuils de -/+5 % pour les pays de la zone euro, de -/+11 % pour les pays hors zone euro) ;
* dette du secteur privé en % du PIB (seuil de 160 %) ;
* flux de crédit dans le secteur privé en % du PIB (seuil de 15 %) ;
* variations en glissement annuel des prix de l’immobilier par rapport à un déflateur de la consommation calculé par Eurostat (seuil de 6 %) ;
* dette du secteur des administrations publiques en % du PIB (seuil de 60 %) ;
* moyenne mobile sur trois ans du taux de chômage (seuil de 10 %)
Le 6-pack, c’est le bâton... mais personne ne sait où est la carotte ! En effet, grâce au 6-pack, la commission peut prendre des sanctions (amendes) en cas de non-respect des normes des traités :
• sanctions en cas de non contrôle des budgets :
* amende de 0,2% du PIB pour non respect des normes en cas de déficit excessif (déficit à plus de 3%) ;
* amende de 0,5% du PIB si la transmission des mesures communiquées à la Commission se révèle erronée.
• sanction en cas de « déséquilibres macros excessifs » :
* entre 0,1% et 0,3% du PIB d’amende.
Pour avoir une idée de ce que cela représente pour la Belgique, il faut savoir que 0,3% de PIB équivaut à 1 milliard d’euros (soit le 1/13e de l’effort budgétaire belge en 2013 !).
Qui décide d’utiliser le bâton ? C’est la Commission européenne qui propose les amendes... et elles s’appliquent AUTOMATIQUEMENT, sauf... si 70% (majorité...) des États membres du Conseil européen votent contre... Autant continuer à croire au Père Noël...
Afin de ne pas devoir agir ainsi trop souvent, la Commission se voit dotée à travers le mécanisme du Semestre européen, d’un dispositif de surveillance renforcé des trois pactes (Pacte de stabilité et de croissance, Pacte de réforme structurelle, Pacte EuroPlus). Au départ, non contraignants, ces trois pactes s’articulent désormais autour de normes et de contraintes dont le non respect entraîne des sanctions quasi automatiques.
Tout cela est présenté dans les textes de l’Union comme une recherche d’une plus grande cohérence et coordination entre les politiques des États membres ; pourtant il y a une hiérarchisation évidente dans les choix qui peuvent être faits par les États. Les politiques sociales (fixation des salaires, mécanisme d’indexation, niveau de cotisations sociales, etc.) ne devant à aucun moment faire obstacle à la compétitivité. Et l’État, dont la Commission ne mesurerait pas une politique suffisamment proactive en la matière, se verrait sanctionné.
1.2.2 Le Semestre européen
Le « calendrier perpétuel » dans lequel le 6-pack doit être annuellement concrétisé commence au niveau européen. Le premier semestre européen a débuté en janvier 2012 et suit une chronologie stricte.
Il cadenasse et accélère l’agenda donnant à la Commission un droit de regard et de sanction mais cette fois dès la confection des politiques budgétaires nationales, confisquant ainsi une grande partie du choix démocratique national et du temps politique qu’il nécessite.
En janvier, la Commission adopte « l’examen annuel de croissance ». Ce document fixe les priorités économiques et budgétaires de la Commission européenne pour l’année à venir. En 2012, la Commission donne pour objectif aux États membres de renforcer leur gouvernance économique, de réduire les déficits publics (par l’assainissement budgétaire et la modernisation de l’administration publique) et d’augmenter les efforts faits pour remettre l’Europe sur la voie de la croissance et de l’emploi.
En février, la Commission a présenté au Parlement européen ses objectifs pour « l’examen annuel de croissance ». Ce rapport devant faire l’objet de discussions à l’Ecofin (Conseil des ministres de l’Économie et des Finances) et à l’Epsco (Conseil des ministres de l’Emploi et des Affaires sociales).
En mars, le Conseil européen (réunissant chefs d’États et/ou premiers ministres) formule les « orientations stratégiques » à suivre pour chacun des États membres.
En avril, sur base des « orientations stratégiques », les États membres élaborent une stratégie budgétaire (c’est le pacte de Stabilité) et de réforme structurelle (c’est le plan national de réforme).
En juin, à partir des projets de budgets et de réformes soumis par les États membres, la Commission prépare des recommandations par pays et en juillet, le Conseil européen finalise et adopte celles-ci.
Entre août et décembre, les parlements nationaux peuvent « débattre » de la façon dont les recommandations vont être transposées dans les législations nationales...
On ne peut que « tiquer » un certain nombre de fois à la lecture du paragraphe qui précède, car cela doit heurter notre définition d’une démocratie...
En effet, dans une démocratie, les choix budgétaires et les Règles qui permettent de les établir sont le résultat des choix politiques de citoyens qui, par des élections, ont composé des parlements chargés d’élaborer les budgets et les Règles, en fonction des programmes politiques sur lesquels ils ont été élus et de leur rapport de force au sein de ces parlements... Par le Semestre européen, les citoyens et leurs élus se retrouvent privés à la fois de la fixation des Règles et des choix politiques qui y président. Tout au plus leur laisse-t-on la possibilité limitée de déterminer les modalités d’application de Règles et de choix politiques fixés dans des instances manquant singulièrement de légitimité démocratique pour le faire. L’Union européenne vient par là d’ouvrir une nouvelle ère que l’on pourrait qualifier de post-démocratique...
Plus précisément pour la Belgique, on voit que les recommandations [8] faites par le Conseil européen en juin 2011 pour l’établissement de son « semestre » 2012 se retrouvent plus ou moins modulées dans la déclaration gouvernementale. Si le gouvernement ne s’est pas (encore) attaqué à l’âge légal de la retraite (qui en Belgique est déjà dans la fourchette haute), cette approche se traduit principalement par un relèvement de l’âge d’accès à la prépension. Par contre, les attaques sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi se sont massivement accrues.
De même, le débat sur l’indexation automatique risque de revenir rapidement à l’ordre du jour : la vraie question étant l’interprétation à donner au passage de la déclaration gouvernementale concernant l’Index, où l’on indique que le gouvernement préservera « le mécanisme de l’Index », ce qui n’empêcherait nullement de s’attaquer à sa composition, son mode de calcul, la périodicité de son application, etc.
1.3 Le Pacte budgétaire européen et la fameuse « Règle d’or »
Aussi appelé « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » dans l’Union économique et monétaire (TSCG), globalement il durcit les critères de Maastricht, en particulier en abaissant le seuil maximum de déficit budgétaire toléré de 3% à 0,5% du PIB. De plus, ce pacte exige des États membres d’inscrire ces nouveaux critères (« Règle d’or ») dans leur Constitution au plus tard un an après son entrée en vigueur.
Ce pacte lie 25 des 27 États membres [9] de l’Union européenne quant à la convergence de leur « Union économique et monétaire » et doit en principe entrer en vigueur le 1er mars 2013. Il diffère de la logique ayant présidé à la mise en place du « Pacte de stabilité et de croissance », en ce qu’il est constitué sur une base intergouvernementale [10] et concerne d’abord les pays de la zone euro [11].
Angela Merkel a fait de l’adoption de ce pacte une condition à la poursuite de l’aide aux pays en difficulté à l’intérieur de la zone euro. Il donne un droit de regard à la Cour de justice de l’Union européenne sur la mise en œuvre par les États de la « Règle d’or », comme par exemple la limitation du déficit structurel à 0,5% du PIB. Au delà de ce niveau, des mécanismes rectificatifs doivent automatiquement s’appliquer. Et si les déficits dépassent 3% du PIB, les sanctions deviendront quasi automatiques.
1.3.1 Les points clés du pacte budgétaire européen
« Règle d’or » budgétaire : les pays s’engagent à un déficit structurel (hors éléments exceptionnels et service de la dette) – d’un niveau maximal de 0,5 % du PIB. Les pays qui affichent une dette en dessous de 60% du PIB, auront droit à un déficit structurel toléré de 1%. (Voir annexe)
Correction automatique : chaque État devra lui-même prévoir qu’un « mécanisme de correction soit déclenché automatiquement » en cas de dérapage important par rapport à cet objectif, avec l’obligation de prendre des mesures dans un certain laps de temps.
Inscription, « de préférence », dans la Constitution : la Règle d’or devra être inscrite « de préférence » dans la Constitution. A défaut, un texte de loi suffira si sa valeur juridique garantit qu’il ne sera pas remis perpétuellement en cause. L’Allemagne a dû accepter cette concession, car de nombreux pays refusaient de modifier leur Constitution. Malgré cette précaution, l’Irlande a annoncé la tenue d’un référendum sur le sujet.
Sanctions de la Cour de justice européenne : la Cour de justice européenne vérifiera la mise en place de la Règle d’or. Elle pourra être saisie par un ou plusieurs États (on se « surveille » les uns les autres...) et au terme du compte infliger une amende allant jusqu’à 0,1% du PIB du pays fautif.
Sanctions quasi automatiques pour les déficits jugés excessifs : la limite tolérée pour les déficits publics annuels reste à 3% du PIB. Ce dérapage doit être temporaire. Désormais un pays qui violera cette Règle sera exposé à des sanctions quasi automatiques.
Suppression de l’aide financière pour ceux qui n’adopteraient pas le Pacte : les pays qui décideraient de ne pas appliquer ce Pacte ne pourront pas bénéficier du mécanisme européen de stabilité (MES). Rappel : le MES entrera en vigueur le 1er juillet 2012. Il remplacera le Fonds européen de stabilité financière (FESF) [12]. Le MES et le Pacte budgétaire sont intimement liés dans le sens où un pays qui n’aurait pas ratifié le Pacte budgétaire ne pourra pas avoir accès aux fonds du MES. Voir plus loin.
1.3.2 Quand la Règle d’or va-t-elle entrer en vigueur ? Attention au « 2-pack » !
Le TSCG entrera en vigueur quand au moins 12 États membres de l’Union européenne l’auront ratifié. L’objectif est qu’il entre en vigueur le 1er janvier 2013. Il faut donc que les États lancent leur procédure de ratification très rapidement.
Après la Grèce, le Portugal, la Slovénie, la Suède, le Danemark, la Lettonie et la Roumanie, l’Irlande est le huitième pays à avoir ratifié le Pacte budgétaire européen et le seul à avoir choisi la voie du référendum. [13]
Attention au 2-pack !
Cependant, la Règle d’or va peut-être s’appliquer plus rapidement qu’on ne le pense. En effet, la Commission européenne a initié le 26 avril deux nouveaux projets de Règlements européens (2-pack) qui reprennent la Règle d’or. Ces Règlements sont en débat au Parlement pour l’instant et il semble que le Parlement européen va les voter en juin. Les 28 et 29 juin se déroulera le Conseil européen, au cours duquel la réunion des ministres des finances de la zone euro devrait valider ce vote. La Règle d’or deviendrait alors du droit européen pur et dur.
Le « 2-pack », initié par la Commission en avril 2012, soumis au vote du Parlement européen (PE) en juin 2012, validé par un vote ECOFIN fin juin 2012, répond à la crainte de la Commission et des gouvernements des États les plus favorables à l’austérité que des changements de majorité politique ne mettent à mal la ratification du TCSG et l’application de la Règle d’or. Cela représente à leurs yeux une avancée supplémentaire en matière de contrôle budgétaire (nous, nous pourrions parler de mise sous tutelle). Pour ce faire, le Parlement prépare deux rapports, l’un sur l’augmentation du pouvoir de contrôle de la Commission européenne sur les budgets nationaux, l’autre, plus spécifique, concernant les pays de la zone euro en graves difficultés financières. Ceux-ci doivent servir de source pour que la Commission puisse émettre deux Règlements européens [14].
1.3.3 Où en est-on avec la ratification en Belgique ?
Le Mécanisme de stabilité a été voté par le sénat belge la deuxième semaine de juin 2012.
La Belgique a signé le TSCG comme 24 autres États membres de l’UE le 2 mars 2012 lors du Sommet européen.
Aucune proposition de loi n’a encore été enregistrée au Parlement pour la ratification du Pacte budgétaire.
Le Parlement a cependant organisé le 13 mars un échange de vues sur le cadre budgétaire européen et la gouvernance économique européenne [15]. Dans cet échange de vues (exposé de Vanackere puis débat) on ne trouve aucune date pour la procédure de ratification. On y apprend plusieurs choses notamment : « En ce qui concerne l’instauration de la Règle d’or dans l’ordre juridique belge, on pourrait argumenter que, dans l’esprit de la jurisprudence de la Cour de cassation (l’arrêt du 27 mai 1971, l’arrêt franco-suisse le Ski) où le droit européen prime le droit interne belge, la Belgique en a assez fait en souscrivant au nouveau traité. Le vice-premier ministre estime cependant que cette interprétation ne suffira pas. La Règle d’or doit en effet s’accompagner d’un mécanisme de correction. »
Par ailleurs, le 14 mars, Ecolo a déposé une proposition de résolution concernant l’organisation d’une consultation populaire sur le TSCG [16]. Extrait : « Le gouvernement belge doit dès lors demander un véritable débat transnational qui permettrait des échanges entre les citoyens et citoyennes des États membres, comme ce fut le cas avec la Convention pour l’Avenir de l’Europe qui a précédé le Traité de Lisbonne. L’organisation d’une consultation populaire au niveau européen serait assurément un moyen efficace pour favoriser ce débat transnational et permettrait aux citoyens de l’Union de participer à la construction d’une Europe démocratique et de s’approprier les enjeux qui les concernent. Ce processus devrait se tenir dans tous les États membres, par l’organisation d’une large campagne d’information associant tous les acteurs concernés et sur la base de débats contradictoires, suivie de consultations populaires similaires et simultanées. »
1.3.4 Pourquoi la Règle d’or est-elle une Règle absurde ?
Les États ne pourront pas la respecter
Le gouvernement espagnol a déjà annoncé que le Pacte budgétaire soit ratifié ou pas, cela ne changerait rien au fait que, même avec un durcissement de la politique d’austérité, l’Espagne ne pourra pas respecter les critères. Fin 2012, le mieux qu’elle pourra faire, c’est un déficit de 5,8% ... (8,5% en 2011).
L’austérité est en train de plonger tout le Vieux Continent dans la récession économique
Le résultat du triptyque austérité/libéralisation/privatisation est limpide : il a produit exactement les effets inverses de ceux « officiellement » promis et a ancré de force le néolibéralisme dans le monde entier.
Premièrement, il faut faire le bilan de 30 ans de politiques « d’ajustement structurel » au Sud. Quels sont les résultats concrets de ces politiques ? Augmentation de la pauvreté et de l’exclusion sociale, explosion des inégalités, déstructuration du tissu économique et social... Le bilan au niveau de l’endettement n’est guère plus glorieux. La dette publique des PED (pays en développement) a en effet quadruplé, passant de 350 milliards de dollars en 1980 à 1.580 milliards de dollars en 2010.
Deuxièmement, il apparaît clairement que les mêmes remèdes qui sont appliqués dans les pays de l’UE avec différentes intensités vont produire les mêmes effets dévastateurs. Ils sont d’ailleurs malheureusement déjà très clairement visibles.
Exemple pour la Grèce : la dette a doublé en 3 ans tandis que l’économie du pays s’enfonce dans une profonde récession (-6,1% en 2011). La majorité de la population se paupérise à grande vitesse, les salariés et les retraités voient leurs revenus diminuer de 40% à 70%, le taux de chômage se rapproche de 30%. La dette espagnole a, elle, presque doublé entre 2008 et 2011, en même temps que son PIB ne cesse de reculer (-8,5% en 2011). Elle a également un taux de chômage qui est passé de 12 à 24% entre 2000 et 20121 [17].
Alors que les économistes sont de plus en plus nombreux à les mettre en garde et que les faits confirment les pires craintes, tous les gouvernements de l’Union européenne continuent à faire le choix de l’austérité. La Grèce a déjà appliqué 9 plans d’austérité depuis 2010, l’Italie en est à son 4e... Or, les pays qui ont expérimenté cette voie depuis un certain temps (Grèce, Portugal, Irlande) ont vu leur situation se dégrader fortement. Pourquoi en serait-il autrement pour la Belgique ? Avec une croissance de 0,6% en 2012 [18], et entre +0,8% et +1,7% en 2013, le FMI prévoit que le taux de chômage en Belgique atteigne 8% en 2012 (il était de 7,2% fin 2011) et 8,3% en 2013, ce qui représenterait 45.000 chômeurs supplémentaires.
Le déficit public n’est pas à bannir aveuglément
Même s’il est a priori souhaitable de financer le développement d’un pays via des ressources qui ne génèrent pas d’endettement, un État doit pouvoir s’endetter sous certaines conditions. Un endettement ou un déficit peut se justifier si l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des populations, par exemple en investissant dans des projets qui profitent à tous et pour plusieurs générations. Un État doit pouvoir emprunter pour investir dans l’éducation, la santé, la culture, des transports collectifs de qualité, l’accueil de l’enfance ou encore l’entretien du patrimoine commun culturel ou architectural.
En période de récession, la dépense publique peut également s’avérer nécessaire afin de relancer l’activité économique.
Il est par ailleurs fondamental que la politique d’emprunt soit transparente et démocratique, c’est-à- dire sous le contrôle des citoyens.
1.4 Mécanisme européen de stabilité économique (MES). [19]
Succédant au Fonds ESF (FESF) [20], le MES est une disposition européenne supplémentaire créée sous la forme d’un accord intergouvernemental en dehors de la structure propre de l’UE, ce qui évite à un certain nombre de pays de devoir passer par la voie référendaire pour faire adopter le MES.
L’intervention du fonds en faveur d’un État est conditionnée au respect de la « Règle d’or » c’est-à- dire du « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » (TSCG), par lequel les États bénéficiaires se sont engagés à prendre des mesures précises, faute de quoi l’octroi du prêt ou l’intervention sur le marché primaire de la dette (l’achat des titres de dette nouvellement émis) sera refusé : « Le MES peut fournir à un membre (...) un soutien à la stabilité, subordonné à une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi. Cette conditionnalité peut prendre la forme, notamment, d’un programme d’ajustement macroéconomique ou de l’obligation de continuer à respecter des conditions d’éligibilité préétablies. » [21] (c’est nous qui soulignons).
Le contrôle du respect des conditions strictes pour qu’un pays puisse bénéficier du Fonds d’aide européen est exercé par le FMI (Fond monétaire international). Le MES entrera en vigueur le 1er juillet 2012.
Les conditions de l’intervention du MES ont été clairement formulées par Jean-Claude Trichet (Président de la Banque centrale européenne de 2003 à 2011.) : « Si un pays n’applique pas suffisamment les accords, alors les autorités européennes doivent pouvoir prendre le pouvoir dans ce pays ». Trichet proposait en plus la mise en place d’un ministre européen des finances ayant un droit de véto sur le budget des États membres... Il faut mettre cette déclaration en parallèle avec celle de Mario Draghi (Vice-président de Goldman Sachs-Europe entre 2002 et 2005, puis gouverneur de la Banque d’Italie entre 2006 et 2011, désormais président de la BCE) ce 24 février 2012 : « Le modèle social européen est mort... » ... assassiné dans un grand silence.
Même si certains pensent qu’il peut soulever quelques espoir, le MES n’est pas un « mécanisme de solidarité européen ».
Si des éléments du MES permettent de contourner l’interdiction faite à la BCE, depuis le traité de Maastricht, de soutenir financièrement les États membres qui seraient en difficulté, cela n’enlève pas les effets négatifs du « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » (TSCG) dans l’Union économique et monétaire. Certains soutiens au MES (mais opposant au TSCG) tablent sur un rejet possible de ce dernier et sur une vie autonome du MES.
C’est à la fois irréaliste et irrecevable :
– c’est irréaliste parce que le TSCG ne sera pas rejeté dans l’état actuel du rapport de force gauche- droite entre gouvernements européens, et qu’une évolution rapide en la matière est totalement improbable ;
– c’est irrecevable parce que même si leur hypothèse se réalise, les traités et pactes précédents restent en vigueur, et donnent déjà les éléments nécessaires à transformer le MES en outil non démocratique de contrainte [22] sur l’élaboration budgétaire des États.
Se finançant sur les marchés internationaux des capitaux, le MES consacre déjà la mainmise de ceux- ci sur l’orientation des politiques économiques des États européens. Par exemple en alourdissant la dette publique des États contractants ces emprunts, sans certitude aucune que les montants prévus suffisent à « absorber » la crise actuelle.
Il faut y regarder de plus près les mécanismes même du MES. Pour que sa capacité à lever des fonds sur les marchés, en proportion des mises de départ des États, le soit dans une ampleur suffisante (au moins 4 fois) et à des taux relativement bas, il faut faire le pari risqué que les agences de notation lui accorderont un crédit favorable, durablement. Pour mémoire, elles avaient déjà dégradé la notation du Fonds européen de stabilité financière (FESF), l’un des deux « ancêtres » du MES...
Il faut rappeler le caractère conditionnel des « aides », défini par le triumvirat de la Commission européenne de la BCE et du FMI dont on connaît déjà la ligne uniquement orientée sur des politiques d’austérité.
Par ailleurs, la personnalité juridique du MES est pour le moins stupéfiante. Il « aura pleine personnalité juridique et aura pleine capacité juridique » [23]. C’est-à-dire que le MES pourra aller en justice, acquérir et aliéner des biens immobiliers et mobiliers ou passer des contrats. En outre, tous ses biens, fonds et avoirs bénéficieront d’une immunité totale. Sa propriété, son financement et ses actifs seront exempts de toute perquisition, réquisition, confiscation ou saisie. Ses archives, documents et locaux seront inviolables.
2. RESUMONS LE CERCLE VICIEUX DE L’AUSTERITE
Les politiques d’austérité sont en train d’entraîner toute l’Union européenne dans un cercle vicieux qui enracine la récession et fait monter le chômage. Bien que de nombreux éléments entrent en ligne de compte et que ceux-ci soient interdépendants, on peut schématiser le cercle vicieux de l’austérité de la manière suivante :
[Schéma non reproduit ici]
Après avoir sauvé les banques, les États voient leur dette augmenter.
Pour éviter une dégradation de la note, ne pas connaître un déficit budgétaire trop important et limiter l’augmentation de la dette, les États mettent en place des mesures d’austérité.
Cette austérité se traduit par une compression de la demande (provenant d’une baisse du pouvoir d’achat ou d’une perte de confiance des particuliers qui épargnent plutôt que de consommer).
La diminution de la demande entraîne une diminution du PIB, ce qui provoque une chute des recettes fiscales.
La diminution de la demande provoque également une augmentation du chômage et donc un accroissement des dépenses publiques.
Les deux points précédents provoquent une augmentation du déficit budgétaire et donc de la dette.
Les agences de notation dégradent la note :
– entraînant une augmentation des taux d’intérêt ;
– et par ricochet, une augmentation des déficits et donc également de la dette publique ...
Les gouvernements n’ont pas d’autre choix que d’appliquer plus d’austérité, puisque la Règle d’or inscrite dans leur constitution ou bétonnée juridiquement les y oblige...
3. CONCLUSION ET REFLEXIONS : LA JUSTICE SOCIALE ET LA DEMOCRATIE SONT EN DANGER !
Fin 2011, à propos des orientations de la déclaration gouvernementale, Wouter Beke (président du CD&V) affirma : « Parler de gouvernement de gauche ou de droite n’a pas de sens puisque ce sera avant tout un gouvernement européen, un gouvernement qui sera contraint de faire ce que lui impose l’Europe. »
L’Union européenne, « austéritaire » jusqu’au bout des ongles...
« Austéritaire ». Voilà bien le néologisme approprié pour qualifier l’orientation générale des décisions politiques européennes face à la crise financière. Tout y est fondé à la fois sur l’austérité budgétaire dans tous les domaines et sur un contournement des dispositifs démocratiques d’un certain nombre d’États membres de l’Union européenne (UE) [24]. Par l’inscription dans les Constitutions nationales de l’équilibre obligatoire en matière de déficit budgétaire et de dette publique, les gouvernements européens piétinent la démocratie et décident de se soumettre définitivement aux règles du marché et à l’oligarchie financière.
En effet, le fait que les parlements nationaux élaborent les lois et votent les budgets nationaux constituent un principe démocratique de base. Avec ce Pacte, c’est la Commission européenne qui décidera des orientations budgétaires des États membres. Les élections nationales, permettant aux citoyens de décider d’un programme politique et de la société qu’ils veulent construire, deviennent donc inutiles.
De Merkosy à Merkollande... de l’austérité à la croissance ?
La proposition du gouvernement Hollande d’accompagner le pacte budgétaire d’un volet supplémentaire portant sur une politique de relance de la croissance, au contraire d’être salué comme une avancée significative, doit être dénoncée fermement.
Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, lui a rapidement emboîté le pas en proposant un nouveau « pacte pour la croissance ». En reprenant le mot d’ordre de la dernière manifestation européenne (« Pour l’emploi et la croissance ») initiée par la Confédération européenne des syndicats (CES), les tenants de cette proposition cherchent à amadouer la colère des peuples face aux politiques. Cependant, dès que l’on creuse un peu de quoi pourrait être fait ce « pacte de croissance », le masque tombe assez rapidement. En effet, M. Draghi continue de prôner « la « flexibilité » du travail et une saine gestion » Le président de la BCE veut le faire « non pas en relançant la demande européenne, (...) mais plutôt par la promotion de « réformes structurelles » (...) censées « faciliter l’entreprenariat, l’établissement de nouvelles entreprises et la création d’emplois » [25]. Il ne s’agit donc en rien de desserrer l’étau budgétaire mais de procéder à la mise en place de mesures visant à augmenter la concurrence interne entre travailleurs de l’UE. Pour ces défenseurs du pacte budgétaire, cet éventuel « pacte de croissance » ne pourra entraîner aucune dépense supplémentaire pour l’État.
Il s’agit donc de profiter de la crise pour renforcer les mesures néolibérales : travailler plus longtemps, augmenter l’âge de la pension, flexibiliser le marché du travail, faciliter le recours au travail à temps partiel et à l’intérim, supprimer les statuts, diminuer les cotisations sociales... La dernière proposition du gouvernement de procéder à une nouvelle diminution des charges patronales comme mesure de relance s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Tous, nous mesurons déjà l’ampleur de l’austérité imposée aux peuples par les mesures actuelles. Le Portugal, l’Espagne et surtout la Grèce nous donnent un aperçu de ce que produirait une austérité encore accrue...
Il s’agit donc, pour nous acteurs sociaux, de ne pas tomber dans ce piège consistant à tolérer la mise en œuvre de politiques d’austérité permanente, marchandée en échange de pseudo-plans de relance camouflant très mal des attaques supplémentaires contre les droits des salariés et allocataires sociaux en Europe. Le CEPAG l’affirme avec force : il n’y a pas de relance de l’activité économique possible sans une politique d’investissement public ambitieuse.
Par ailleurs, le pacte budgétaire ne se contente pas d’interdire tout déficit public, mais condamne a priori d’éventuelles mesures visant à augmenter les recettes fiscales. Une augmentation de la progressivité de l’impôt ou la mise en place d’une taxe exceptionnelle sur les grosses fortunes, taxe qui pourrait rapporter des dizaines de milliards d’euros à l’État belge et ainsi financer une politique de relance digne de ce nom, seront purement et simplement interdites par le Traité. La conséquence est évidente : l’équilibre budgétaire ne pourra se réaliser qu’en réduisant les dépenses. L’austérité ne sera plus un choix mais deviendra une règle qui s’imposera ad vitam aeternam.
Nous luttons pour la justice sociale, la justice fiscale et la démocratie. La CEPAG doit donc s’opposer à la mise en place de ce pacte budgétaire.
Brissa Didier & Bonfond Olivier, juin 2012
Nous mettrons dès que possible en ligne les copieuses annexes...