Quelle est actuellement la situation des sans-papiers en Belgique ?
José Mukade - On estime notre nombre à une centaine de milliers, surtout des personnes à qui on a refusé l’asile. En Belgique, il n’y a que trois façons d’entrer légalement : l’asile, le regroupement familial et le statut d’étudiant. En fait, la situation est bloquée, même si quelques personnes bénéficient du regroupement familial. Hors de ces procédures, toute régularisation dépend directement du ministre de l’Intérieur. C’est ce qu’on appelle introduire une demande selon l’article 9-3.
France Arets - En ce qui concerne les contrôles d’identité, ils ne sont pas systématiques. En revanche, l’Office des étrangers peut enjoindre à la police de procéder à l’arrestation des familles chez elles, dès 5 heures du matin. Les familles sont envoyées en centre fermé, des centres de rétention « à ciel ouvert » qui se sont multipliés récemment et ressemblent à des camps de transit. Ils y envoient même des enfants. On peut y rester plusieurs mois sans procès et, une fois sur deux, on finit libéré, toujours sans titre de séjour.
Comment le mouvement actuel a-t-il émergé ?
F. Arets - Il y a eu un mouvement de régularisation en 1999-2000 : en quelques mois, une commission de régularisation, composée de magistrats et de représentants de la société civile, a statué sur plus de 50 000 dossiers.
J. Mukadé - Le problème, c’est qu’il n’y a pas eu de suites. Rien n’avait été prévu pour régler la situation de manière définitive. C’est pourquoi des gens motivés se sont rencontrés et ont décidé de relancer la lutte.
F. Arets - Tout a commencé par l’occupation de l’église Saint-Boniface, à Ixelles, au début de l’année. Cette occupation a abouti à la régularisation des 130 occupants. C’était une liste fermée, et ces régularisations ne sont que temporaires...
J. Mukadé - Mais cela a fait démarrer le mouvement des occupations. Celle de Glain a été la première à Liège, où il y en a trois.
Bienvenue Mbembo - On a commencé par occuper l’église elle-même, où on a tenu une conférence de presse. Puis, on a installé une cinquantaine de personnes dans la salle derrière l’église. On a aujourd’hui une liste de plus de 1 300 occupants. Puis, on a tenu une deuxième conférence de presse avec, cette fois, plus de 500 participants. Depuis, il y a un très fort intérêt des médias pour notre mouvement.
À l’heure actuelle, comment est organisée l’Udep ?
J. Mukadé - L’action est menée par l’Udep nationale, qui constitue un seul collectif pour la Belgique. Chaque section se concerte et prend des dispositions pour occuper les églises de son ressort, et obtenir le soutien des bourgmestres [maires en Belgique, NDLR]. La population nous soutient, mais il y a encore du travail à faire. Nous allons le plus souvent possible à sa rencontre et avons lancé une pétition. F. Arets - Le comité de soutien à l’Udep est constitué, outre le POS et le CRACPE, de députés de gauche et d’associations de la société civile et du mouvement ouvrier. L’engagement syndical, parti de la base, est aujourd’hui très fort. Les syndicats ont pris position pour défendre les travailleurs, en menant avec l’Udep une campagne d’affiliation symbolique des travailleurs sans papiers.
L’autre rôle du comité de soutien a été d’aider l’Udep à déposer un projet de loi, aujourd’hui défendu au Parlement par le Parti écologiste, pour concurrencer les autres projets, beaucoup plus restrictifs.
J. Mukadé - Le fond du projet est qu’il ne faut pas que le traitement des dossiers soit soumis aux caprices d’un seul individu. Nous exigeons une commission sur le modèle de celle de 1999-2000, mais permanente, où on pourrait se présenter avec un avocat et défendre les régularisations sur des critères clairs.