Les gigantesques pales et mâts blancs des éoliennes menacent-ils les oiseaux ? La question exacerbe le conflit entre pro et anti-turbines depuis des années. Un différend qui pourrait être tranché par une nouvelle étude, selon laquelle l’implantation d’éoliennes terrestres ne nuirait pas aux populations d’oiseaux sur le long terme, une fois leur construction achevée.
L’étude, menée par quatre ornithologues de la Royal Society for the Protection of Birds, du Scottish Natural Heritage et du British Trust for Ornithology, et publiée dans le Journal of Applied Ecology, s’est basée sur le suivi de dix des principales espèces d’oiseaux évoluant au Royaume-Uni.
Ses conclusions se déclinent en deux temps. Premier constat : les peuplements d’oiseaux peuvent coexister et même se développer en présence de parcs éoliens, après leur mise en service. Les scientifiques balaient ainsi les affirmations largement répandues selon lesquelles les turbines provoquent régulièrement de graves dommages pour les oiseaux sauvages, en raison de collisions avec les pales tournantes, du bruit et de la perturbation visuelle. En réalité, les oiseaux les éviteraient. Ces résultats vont notamment à l’encontre d’une étude de l’université de Loughborough, publiée en 2010 dans le European Journal of Wildlife Research, qui estimait que les insectes sont particulièrement attirés par la couleur blanche ou grise d’une éolienne, augmentant le risque pour les oiseaux et les chauves-souris qui les poursuivent de frapper les pales ou le mât.
Si les pales des éoliennes ne se révèlent pas dangereuses, les parcs s’avèrent par contre fortement préjudiciables pour certaines espèces pendant leur phase de construction. Le courlis, le plus grand échassier de Grande-Bretagne, a ainsi vu sa population décliner de 40 % dans un rayon de 800 mètres autour des éoliennes, pendant la construction de 18 parcs dans le nord de l’Angleterre et en Ecosse, du fait de l’abandon forcé de sites de nidification. Or, l’espèce n’a pas réinvesti ces territoires après la mise en exploitation des parcs. Au final, cette population a été divisée par deux depuis 1995 au Royaume-Uni, qui abrite un tiers de ses représentants en Europe, provoquant son inscription sur la liste orange des espèces menacées. Même constat pour les bécassines, dont la population a chuté de 53 % dans un périmètre de 400 mètres autour des sites.
Ces résultats inquiétants sont malgré tout compensés, selon les chercheurs, par la découverte que deux espèces, l’alouette et le tarier pâtre – qui préfèrent une végétation rase – ont prospéré pendant la phase de construction des éoliennes. Quant aux autres espèces étudiées – pipit farlouse, pluvier doré, traquet motteux, tarier des près, vanneau huppé et bécasseau variable –, elles n’ont pas montré d’évolution dans leurs modes de vie suite à l’installation de turbine.
« Nous avons été surpris de découvrir que les éoliennes avaient un impact sur les oiseaux pendant la phase de construction et non d’exploitation, assure le directeur de l’étude James Pearce-Higgins, cité par le Guardian. Nous devons maintenant réfléchir à la façon dont ces effets peuvent être minimisés. » « Le choix du lieu de construction des parcs éoliens, à des endroits où l’impact sur les espèces les plus fragiles est moindre, est absolument essentiel », complète le biologiste Martin Harper.
Les chercheurs, s’ils relativisent donc la littérature scientifique sur le sujet, n’ont toutefois pas étudié les effets sur l’aigle royal ni sur les chauves-souris, dont les opposants aux éoliennes dénoncent de fréquentes collisions avec les pales des turbines.
Audrey Garric