Miguel Segui – Comment la lutte a-t-elle débuté ?
Miguel García – La mobilisation a eu deux causes. La première, c’est la politique de réduction des budgets qu’a imposée le gouvernement valencien par un décret-loi dans le secteur de l’enseignement (2 500 suppressions de postes en 2012) entraînant une détérioration notable de la qualité de l’éducation ainsi qu’une baisse des salaires des travailleurs de l’administration publique de 15 à 25 %.
Face à ces attaques, les organisations syndicales du secteur public ont organisé des mobilisations pour demander le retrait du décret-loi. À ses mobilisations se sont jointes celles convoquées contre la nouvelle réforme du travail du gouvernement de droite.
La deuxième cause a été la répression policière contre les étudiantEs. Le 16 février le Sindicato de Estudiantes a convoqué une gréve générale contre le décret-loi. La veille, à Valence, la répression policière avait été très dure avec 26 étudiantEs détenuEs. La réponse à cette répression a été massive, et la mobilisation a concerné, au-dela des étudiantEs, tout le secteur de l’enseignement avec les profs, les instits et les parents d’èlèves. La force de cette mobilisation a obligé la police à se retirer des rues et, le 21 février, une manifestation a occupé durant huit heures le centre de la ville de Valence sans permission préalable.
Comment les jeunes s’organisent-ils ?
À partir des syndicats étudiants. Le Sindicato de Estudiantes base son activité essentiellement sur un noyau d’activistes et son implantation réelle par la base est réduite. Les autres syndicats comme le Sindicato de Estudiantes de los Països Catalans, Contracorrent ou le BEA sont plus implantés dans les universités.
Quand il y a des luttes, ce sont les assemblées générales traditionnelles dans le mouvement étudiant qui organisent les mobilisations. La manifestation massive du 16 février à l’origine du mouvement a été convoquée par l’AG des étudiantEs de la faculté de géographie et d’histoire.
Quelles sont les revendications ?
Le retrait du décret-loi, l’amélioration des conditions de travail, la fin des coupes budgétaires dans les services publics ainsi que des baisses de salaires, la démission de la déléguée du gouvernement central valencien, des responsables de la répression policière et le retrait des charges imputées aux étudiantEs interpelléEs.
Quelles sont les perspectives ?
Le gouvernement a accepté quelques concessions partielles, comme le retrait des forces de l’ordre pendant les manifs, le paiement aux centres publics de budgets différés et un appel aux syndicats pour négocier des modifications du décret-loi (et non son retrait).
La suite du mouvement sera déterminée par les propositions que fera le gouvernement.Si celui-ci parvient à rompre l’unité syndicale, la situation sera compliquée. Mais il se peut aussi que les propositions du gouvernement soient insuffisantes et dans ce cas l’unité de la lutte sera maintenue.
Le problème important sera de définir comment continuer la lutte (la première grande manifestation date du 21 janvier).
L’alternative possible aux grèves d’une journée paraît être celle d’une grève intermittente mais continue avec trois jours par semaine de grève et deux jours de travail. Cette option est en train de gagner des appuis mais son organisation est difficile, passer d’une situation de simples mobilisations avec des actions ponctuelles à une grève de cette nature représente un saut en avant d’importance.
Quel est le rôle de Izquerda Anticapitalista (Esan à Valence) ?
Positif, nos militantEs sont bien implantéEs et nous participons de manière active à l’organisation des luttes. Cependant IA-Esan est encore une petite organisation et cela réduit ses possibilités. Dans l’immédiat nous pouvons penser que le « Primavera Valenciana » a été une démonstration de la manière dont peuvent se developper les futurs combats, Cependant les attaques sont très dures et le défi qui se pose à la classe ouvrière est d’être capable d’y faire face dans un court laps de temps. Nous travaillons conscients de cette difficulté mais avec l’espoir que ce travail sera payant.
Le 29 mars, un grève générale est convoquée par les confédérations syndicales CCOO et UGT dans tout l’État espagnol contre la Réforme du travail. Cette grève avait auparavant été appelée par les syndicats nationalistes en Euskadi, Galice et Canaries ainsi que par les syndicats étudiants. Elle peut servir à donner un nouvel élan aux luttes et ainsi rompre la tendance à la démobilisation.
Le problème vient du fait que les grands syndicats (CCOO et UGT) la prévoient avec comme seul objectif de pouvoir négocier avec le gouvernement central du Parti populaire et sans une perspective claire
de mobilisation permanente.
Après la grève générale du 29 septembre 2011, ils s’étaient assis à la table de négociations du gouvernement Zapatero et le résultat final a été la signature de la réforme des retraites et un pacte social désastreux. Les gens se souviennent de cet épisode et se méfient avec raison.
De toutes façons, dans la situation actuelle, cette grève a de grandes chances d’être un succès.
Propos recueillis par Miguel Segui