L’accord conclu entre le leadership du Fatah et du Hamas à Doha, au Qatar, au début du mois de février pour la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale, composé de « personnalités indépendantes » et dirigé par Mahmoud Abbas au poste de Premier ministre, est loin de faire l’unanimité, même au sein du Hamas. Le leadership du Hamas à Gaza a en effet critiqué l’accord sur de nombreux aspects.
En mai 2011, l’accord de réconciliation a été rendu possible grâce au contexte régional et au soulèvement populaire égyptien, provoquant le départ du dictateur Hosni Moubarak et de son chef du renseignement, Omar Suleiman, tous deux grands partisans de l’Autorité Palestinienne (AP). La révolution égyptienne a également suscité la mobilisation des jeunes palestiniens et palestiniennes dans les territoires occupés de Cisjordanie et de la bande de Gaza, qui revendiquaient principalement la fin de la division. La manœuvre tactique de rapprochement entre le Hamas et le Fatah avait donc également pour but de contrecarrer la montée du mécontentement palestinien.
Contrôler la bande de Gaza
Après l’accord de Doha, le Hamas a formulé de nouvelles exigences. Selon différentes sources, il aurait demandé à garder les ministères-clés, y compris celui de l’Intérieur, et à ce qu’aucun changement n’ait lieu dans la structure des services de sécurité de la bande de Gaza. Ces revendications démontrent qu’il entend bien garder la bande de Gaza sous son contrôle total. La double casquette de Mahmoud Abbas, Premier ministre et président de l’AP, contraire à la constitution palestinienne, n’était en revanche plus un problème pour les représentants du Hamas. Ces derniers se sont contentés de demander la désignation d’un adjoint de Mahmoud Abbas basé à Gaza et un vote de confiance au Parlement palestinien pour sa nomination en tant que Premier ministre.
Le Gouvernement d’union nationale était la première étape de l’accord de réconciliation conclu en mai 2011. Il devait également préparer les élections de l’AP en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en mai 2012, combiner les forces de sécurité contrôlées par les factions distinctes, et réactiver le Conseil législatif palestinien – dans lequel le Hamas est majoritaire depuis 2006. Or, les deux parties sont aujourd’hui très loin de ces objectifs.
Garder le pouvoir
Les élections n’auront sans doute pas lieu cette année. La Commission électorale palestinienne a d’ailleurs déclaré à maintes reprises qu’un délai supplémentaire était nécessaire pour organiser le scrutin. Il est également très probable qu’Israël ne permette pas aux Palestinien·ne·s de Jérusalem-Est de participer aux élections.
Le Fatah et le Hamas ont préféré consolider leur pouvoir en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, que mettre en œuvre l’accord de réconciliation. L’AP continue à collaborer avec l’Etat sioniste sur tous les plans et surtout en matière de sécurité, alors que ce dernier continue à coloniser le territoire et contrôle 60 % de la Cisjordanie. Ici, de nombreuses manifestations populaires ont eu lieu contre la flambée des prix, l’augmentation des impôts et les mesures d’austérité décidées par l’AP pour satisfaire les bailleurs de fonds internationaux.
Dans la bande de Gaza, le blocus illégal de l’Etat sioniste visant à affaiblir le Hamas a eu des conséquences exactement inverses ; ce dernier a renforcé son pouvoir politique, économique et militaire alors que plus de 70 % de la population palestinienne est toujours dépendante de l’aide internationale pour subvenir à ses besoins quotidiens. L’économie des tunnels, estimée par les hommes d’affaires de Gaza à plus de 700 millions de dollars, a renforcé la mainmise du Hamas. Une nouvelle génération d’hommes d’affaires liés au Hamas s’est développée.
Le programme des deux parties est de plus en plus difficile à différencier. Le Hamas a déclaré à maintes reprises sa volonté d’être reconnu par la communauté internationale et emprunte depuis quelques années déjà la voie du dialogue. En mai 2011, le chef du Hamas, Khaled Mechaal, affirmait, lors de la cérémonie officielle de l’accord de réconciliation, la volonté d’établir un état sur les frontières de juin 1967, base des négociations pour la communauté internationale et l’Autorité palestinienne.
Le Hamas a également depuis longtemps manifesté son désir d’abandonner la lutte armée ; depuis sa prise de pouvoir à Gaza en 2007, il a par ailleurs cessé toutes formes de résistance armée et s’y est même clairement opposé en arrêtant des groupes armés qui tentaient de lancer des roquettes sur Israël.
La seule option : une unité fondée sur le peuple
L’accord de réconciliation entre le Hamas et l’unité du Fatah est encore loin d’être mis en œuvre, en raison des intérêts partisans des deux parties. La question centrale est celle de la création d’un mouvement palestinien résistant. Une campagne, menée par nombre de militants palestinien·ne·s à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine, a commencé il y a un an, exigeant maintenant la re-démocratisation du Conseil national palestinien (CNP).
Cette institution, la plus élevée du corps législatif palestinien, représente tous les Palestinien-nes, réfugié·e·s ou non. Le CNP est l’organe qui décide des stratégies nationales et des politiques du peuple palestinien. Seul un CNP rajeuni et démocratiquement élu pourrait jeter les bases d’une représentation effective des droits de tous les Palestinien·ne·s, celles-ceux des Territoires occupés de la Cisjordanie et la Bande de Gaza, des territoires de 1948 (Israël), des réfugié·e·s et de la diaspora, y compris le droit au retour.
Tous les Palestinien·ne·s doivent être entendus. Le mouvement national palestinien doit aussi être relié aux mouvements populaires en cours dans le monde arabe. Leur collaboration renforcera la lutte du peuple palestinien et des peuples de la région contre l’Etat sioniste et l’impérialisme occidental.
Vive la Palestine libre et vive les Révolutions Arabes !
Joseph Daher