Un premier bilan sur le caractère de la révolution de 1949 peut être tiré. La Chine est entrée au début du siècle dans une crise globale de société et s’est trouvée confrontée à deux tâches proprement vitales : la libération nationale (anti-impérialiste) et la modernisation (“antiféodale “). Deux partis ont postulé, trois décennies durant, à la direction de la nation opprimée ; le Guomindang et le Parti communiste.
Le Guomindang a bénéficié d’avantages considérables tels que l’héritage prestigieux de Sun Yatsen, la puissance et les ressources matérielles, la reconnaissance internationale, l’assise urbaine. Il a eu dix ans pour consolider son pouvoir à l’échelle nationale en 1927-1937, huit ans pour faire ses preuves face à l’invasion japonaise. Il a eu droit à une dernière chance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, grâce à l’appui de Moscou et au soutien très actif des Américains. Il a échoué ; cet échec est celui d’une bourgeoisie incapable de diriger le double processus de libération et de modernisation [2].
Le Parti communiste chinois ne bénéficiait d’aucuns de ces avantages. Tout ce qu’il a obtenu, il l’a gagné dans la lutte, une lutte très difficile. Après trente années de combat, il n’y a pas d’explication accidentelle à la victoire du PCC qui tienne [3]. Le succès du PCC est celui d’une réponse révolutionnaire à la crise globale de société.
L’expérience chinoise éclaire la question tant débattue du rapport entre l’étape démocratique et l’étape socialiste du processus révolutionnaire dans les pays dépendants. Il y a eu une distinction nette en termes de tâches fondamentales entre la période de lutte de pouvoir et la période qui suit sa conquête. Il y a aussi eu des évolutions aléatoires impliquant des tâches et des alliances conjoncturelles. Mais, en termes de forces motrices et de direction politique, la lutte révolutionnaire apparaît comme un processus d’ensemble unique : deux étapes, ou deux phases [4] d’une même révolution et non deux révolutions séparées par une période historique de développement capitaliste. Le lien entre les deux étapes de la révolution est souligné par la rapidité avec laquelle la République populaire a pris des mesures anticapitalistes radicales et surtout – car ce n’est pas avant tout une question de rythme – par la continuité du processus de transition entre les tâches démocratiques et les tâches socialistes, comme par la façon dont elles se sont combinées après la victoire.
Le renversement révolutionnaire de l’ancien pouvoir de classe d’Etat et son remplacement par un autre apparaît clairement dans l’expérience chinoise comme le pivot qui permet la transcroissance de la révolution. Le nouvel Etat ouvrier [5] chinois joue en effet un rôle actif, extrêmement important, avec les mobilisations de masse, dans l’évolution des rapports de force entre classe et dans la transformation de la société [6].
La révolution chinoise accuse donc clairement les traits d’un processus de révolution permanente (ou révolution ininterrompue). Il est intéressant, de ce point de vue, de noter que les dirigeants du PCC se sont refusés à dresser une muraille de Chine entre le régime dit de “démocratie nouvelle” et celui dit de la “dictature du prolétariat”. Dans le rapport politique qu’il présente au nom du Comité central lors du VIIIe congrès du Parti communiste, Liu Shaoqi déclare en effet :
« Depuis la fondation de la République populaire de Chine, grâce à l’alliance inébranlable qu’elle a contractée avec des centaines de millions de paysans, la classe ouvrière a pris le pouvoir à l’échelle nationale ; le Parti communiste (...) est devenu le parti qui dirige le pouvoir d’Etat ; et la dictature démocratique populaire est devenue, de par sa nature même, une forme de dictature du prolétariat, ce qui permet à notre révolution démocratique bourgeoise de se transformer directement, par la voie pacifique, en une révolution socialiste. Par conséquent, la fondation de la République populaire de Chine marque l’achèvement, pour l’essentiel, de l’étape de révolution démocratique bourgeoise et le début de l’étape de révolution socialiste prolétarienne ; elle marque le début de la période de transition où s’effectue le passage de notre société du capitalisme au socialisme. » [7]
Retour sur le Parti communiste chinois
Mais y a-t-il eu véritablement processus de révolution permanente, c’est-à-dire constitution d’une société de transition au socialisme, dans un pays où le prolétariat ne représente qu’une partie infime de la population, n’a pas été directement à la tête des luttes, où le parti dirigeant s’est trouvé si profondément coupé des villes ?
Il faudrait, pour tenter de répondre pleinement à cette question, analyser la Chine des années 1949-1987 et montrer que ses caractéristiques fondamentales, ses contradictions propres, sont bien celles d’une telle société de transition, mais cela dépasse le cadre de cette étude [8]. On peut néanmoins éclairer le problème en revenant sur l’analyse du Parti qui dirige cette révolution.
Le PCC n’est pas un parti bourgeois. Il s’est constitué et a poursuivi son combat contre la bourgeoisie chinoise et internationale – quand il a voulu la suivre, elle s’est retournée contre lui et l’a écrasé. Le PCC a utilisé son pouvoir d’Etat pour briser la puissance politique et économique de la bourgeoisie.
Le PCC a agi dans et avec la paysannerie. Pourtant, malgré le pronostic de Trotski (et de quelques autres), il n’est pas devenu un parti paysan ou agrarien. Il se fait le porte-parole de la revendication paysanne, mais il élabore son orientation en fonction d’objectifs et de considérants qui dépassent radicalement l’horizon social et idéologique de la paysannerie (un projet de société industrielle, la perspective de la collectivisation, l’appréhension des rapports de forces internationaux et de l’évolution de la situation à l’échelle nationale). Il encadre la mobilisation paysanne, s’oppose parfois à elle, de façon à la canaliser, l’orienter. Il réaffirme un projet urbain dès qu’il pense pouvoir centrer son action dans les villes.
Le PCC serait, pour Roland Lew notamment, le parti de l’intelligentsia révolutionnaire. Devant la gravité de la crise et l’incapacité de la bourgeoisie comme du prolétariat à y apporter une solution, cette couche sociale se serait cristallisée dans le parti, avançant son propre projet de société, instrumentalisant la mobilisation rurale, se transformant ultérieurement en nouvelle élite sociale et nouant une alliance avec l’aristocratie ouvrière [9]. Cette analyse a l’intérêt de suivre de près la trajectoire historique du PCC. Elle a l’inconvénient majeur de déboucher sur deux questions apparemment bien difficile à résoudre dans cette perspective : la nature de la nouvelle société et la signification mondiale du développement contemporain de telles révolutions (de la révolution russe aux révolutions cubaine et nicaraguayenne).
Malgré son aspect à première vue paradoxal, la caractérisation du Parti communiste chinois comme parti ouvrier me semble correspondre le mieux à son histoire et à la nature de la révolution qu’il dirige. Il n’y a pas d’explication sociologique simple à l’existence d’un parti comme le PCC. Il faut tenir compte d’un faisceau de facteurs nationaux et internationaux, politiques et sociaux, parmi lesquels :
• La profondeur de la crise globale de société que traverse le pays [10]. Cette crise exerce une pression dynamique et puissante sur les acteurs révolutionnaires qui, par sa durée, leur donne le temps de réajuster progressivement leur orientation.
• L’impact de la révolution russe et l’existence de l’URSS qui, en dépit du stalinisme, rendent plus crédible la possibilité d’un développement non capitaliste et donnent force matérielle à la référence marxiste. Des partis retrouvent des éléments révolutionnaires sous la gangue bureaucratique qui entoure le marxisme officiel.
• L’apparition d’un nationalisme moderne et de masse, populaire, dans un pays dépendant, qui peut fusionner avec un projet socialiste contemporain.
• Les origines du PCC qui, avant d’être rejeté dans les campagnes, a acquis un véritable caractère de masse prolétarien et les leçons politiques qu’il tire de l’expérience de 1924-1927. Ces leçons, et l’appareil de cadre, contribuent à assurer une continuité entre le mouvement communiste des origines et celui de la période maoïste.
• Les exigences d’un combat vital qui se poursuit sans interruption. La base de masse, la qualité des militants comme de la direction, deviennent des facteurs permanents de survie. Cela rend bien difficile l’abandon réformiste [11] et contribue à assurer la pérennité d’une réflexion révolutionnaire vivante.
• La nature de la formation sociale. Tout ce qui est dit précédemment ne vaut que si le PCC peut s’appuyer sur des couches sociales qui, même si elles ne sont pas proprement prolétariennes, peuvent être intégrées à une perspective de révolution permanente.
Retour sur la formation sociale
L’expérience de la révolution chinoise illustre la dialectique entre les données nationales et socio-économiques (les facteurs objectifs) et les acteurs politiques (le facteur subjectif) [12]. L’histoire du PCC permet d’élargir l’analyse de la pratique révolutionnaire dans le monde contemporain ; un aspect des plus stimulants pour un militant. Mais la révolution chinoise permet aussi de renouveler l’analyse des formations sociales dans les pays dominés. C’est un terrain difficile, surtout pour celui qui ne connaît pas de l’intérieur la société concernée et qui n’en parle pas la langue, car il réclame l’assimilation de nombreuses données empiriques [13]. Il faut aller au-delà des généralités en s’attachant à l’originalité de l’histoire du pays et de sa formation sociale contemporaine [14], ainsi qu’à la variété des situations régionales de façon à confronter la pratique politique aux milieux et conjonctures réels.
Sans prétendre mener un tel travail d’analyse, je voudrais en conclusion de cette étude situer certaines questions qu’une discussion sur la formation sociale chinoise peut éclairer.
• La base sociale du processus de révolution permanente
Le processus révolutionnaire chinois – et bien d’autres après lui – confirme au fond la théorie de la révolution permanente. Mais dans sa forme, il diffère profondément du modèle originel pour qui la classe ouvrière urbaine devait se trouver physiquement à la tête de la lutte, suscitant la naissance de ses propres organes de pouvoir (les conseils). Cette différence soulève des problèmes politiques (car la “forme” est tout aussi importante que le “fond” pour qui veut agir) et théoriques (qu’est-ce qui permet la continuité du processus révolutionnaire ?).
On a déjà évoqué la question de la paysannerie à la fois plus stable et apte à s’intégrer à une société de transition que la tradition ne le pensait. On a noté le rôle de l’intelligentsia militante et l’importance récurrente de la jeunesse scolarisée. Notons aussi la façon dont les déclassés, les déracinés, ont pu être temporairement ou durablement organisés dans le combat révolutionnaire ; le poids des villes rurales et leur impact sur la société environnante [15] ; l’existence d’un vaste semi-prolétariat des villes et des campagnes, comme le traditionnel tireur de pousse-pousse chinois, et non pas d’une, mais de classes ouvrières aux situations et traditions différentes. Rappelons encore la lutte des femmes rurales, plus constante et ample, dans la révolution chinoise, que celle du prolétariat urbain !
II y a surtout la façon dont ces diverses couches peuvent être organisées dans le combat révolutionnaire par une avant-garde militante et peuvent se lier les unes aux autres dans la lutte : le rôle de lien dans une politique d’alliance que peut jouer, par exemple, la mobilisation des femmes populaires ou celle des pauvres urbains, qui constituent de véritables carrefours sociaux entre la ville et la campagne, le prolétariat et les petites bourgeoisies.
L’analyse des formations sociales à la lumière des luttes révolutionnaires permet d’enrichir considérablement la conception des alliances sociales dans la révolution permanente [16]. L’expérience chinoise semble montrer que l’assise sociale d’un processus de révolution permanente est plus large que l’on pouvait le penser.
• La diversité des formations sociales dans les pays dépendants
La comparaison des formations sociales existant dans les divers pays dépendants éclaire l’originalité de chacune. La succession et la combinaison des tâches et des mots d’ordre, la forme du processus de transcroissance, ne peuvent être les mêmes dans la Chine paysanne et à Cuba, où domine l’économie de plantations ; pas plus qu’elles ne peuvent être les mêmes de l’Argentine urbanisée jusqu’à Timor oriental.
Dans les pays les plus avancés, semi-industrialisés, la revendication prolétarienne peut être plus centrale. Dans les pays les plus arriérés, où les classes (modernes) n’ont pas fini de prendre forme, il est douteux qu’un processus de révolution permanente puisse exister sans, du moins, l’effet d’entraînement d’une lutte régionale (comme la Mongolie avec l’URSS ou la Chine).
Rien qu’en Asie orientale, la variété des histoires nationales, et donc des formations sociales contemporaines, est très grande [17]. Il faut aller au-delà des caractérisations générales pour faire progresser le débat de fond. Quelles leçons en effet tirer de l’expérience chinoise, dans ces conditions, sans réfléchir à la différence et non seulement à la ressemblance (l’état de dépendance, le poids du monde rural) ?
• Les formes du régime révolutionnaire
Il y a un éventail de formes de dictature du prolétariat. Cela s’explique aisément : un Etat ouvrier naît d’une lutte originale et en porte l’empreinte. Les facteurs historiques qui conditionnent la forme des régimes révolutionnaires sont multiples [18] et aucun d’entre eux ne détermine à lui seul le cours des événements, mais la formation sociale est certainement l’un des principaux, surtout si on l’entend dans sa globalité (la combinaison des formations socio-économique, politico-étatique et idéologico-culturelle).
La question centrale de la démocratie et de la légalité socialistes, par exemple, peut s’aborder sous deux angles complémentaires : programmatique et politique. L’expérience des soixante dernières années confirme à quel point, d’un point de vue programmatique, la démocratie et la légalité socialistes sont des besoins fondamentaux de toute société de transition au socialisme. Leur absence suscite des contradictions aiguës. Mais l’expérience montre aussi que le chemin qui mène à un tel régime politique ne peut pas être le même dans tous les pays. D’un point de vue politique (la détermination des tâches concrètes), il faut analyser les processus dans leurs spécificités.
Les acteurs politiques ont un libre arbitre dont dépend largement le succès ou l’échec de la lutte. La direction du PCC porte la responsabilité de ses choix pour le meilleur – la définition d’une orientation efficace, par exemple – comme pour le pire : des actes de répression que la situation n’imposait pas et qui violaient la démocratie et la légalité révolutionnaires. Je pense par exemple à la répression qui a frappé en 1942 des intellectuels radicaux, à Yan’an, et qui prélude à la crise des Cent Fleurs en 1956 [19], ainsi qu’à la répression qui s’abat sur les militants trotskystes.
Le 22 décembre 1952, les forces de sécurité du PCC ont arrêté entre 200 et 300 militants et sympathisants trotskystes. Ces arrestations secrètes n’ont jamais été publiquement justifiées et n’ont jamais donné lieu à des procès réguliers. On ne sait pas ce que sont devenus nombre d’entre eux. Un dirigeant trotskyste comme Zheng Chaolin n’a été libéré que le 5 juin 1979, à l’âge de 78 ans, après avoir passé plus de 25 ans en prison dans la République populaire de Chine, lui, qui en avait déjà passé six dans les geôles de Tchiang Kaï-chek (de 1931 à l937) ! [20].
La répression antitrotskyste n’a pas été menée de la même façon suivant les fractions du PCC. Les “28 bolcheviques” se sont trouvés, en ce domaine aussi, à l’unisson du Kremlin. Moscou a manifesté son mécontentement à l’égard de la direction maoïste [21]. Mais la face répressive de la direction maoïste existe, elle est incarnée par la sombre figure policière de Kang Sheng qui intègre la direction à son retour de Moscou, en 1937, et accable Chen Duxiu des pires calomnies. Il se fait l’exécuteur des basses œuvres durant la révolution culturelle. La fraction Deng Xiaoping revenu au pouvoir, il est, mesure exceptionnelle, expulsé à titre posthume du PCC (il est mort en 1975).
Si elle est responsable de ses décisions, la direction maoïste n’en est pas moins tributaire du cadre dans lequel elle combat ; les contraintes historiques pèsent ici de tout leur poids. Mao Zedong garde de sa jeunesse une veine populiste teintée d’accents libertaires. Mais il devient un homme de guerre, de fraction, d’autorité. L’influence du Comintem et le processus de lutte armée prolongée y sont pour quelque chose. La base sociale du parti aussi : le rapport d’un parti communiste à la paysannerie n’est pas le même qu’à la classe ouvrière [22]. Le thème central de la “ligne de masse” est à ce titre révélateur. Le parti est à “l’écoute des masses”, car les idées justes viennent en ordre dispersé des masses et doivent retourner aux masses après avoir été systématisées par le parti. Le Parti est le médiateur incontournable.
Une tradition humaniste existe en Chine, mais pas l’expérience séculaire de la démocratie politique qui plonge, en Europe, ses racines dans la tradition gréco-latine et le développement de villes libres bourgeoises, étouffée dans l’Empire du Milieu par la puissance de l’Etat centralisée.
La révolution chinoise est une grande révolution démocratique parce qu’elle libère d’une certaine forme d’exploitation économique, mais aussi parce qu’elle est un soulèvement pour la dignité humaine de la part de la femme rurale et du paysan pauvre qui sont méprisés, méprisables. La violence des “meetings d’amertumes” et l’explosion de haine contre les notables ne s’expliquent pas seulement par le souvenir de l’exploitation, mais aussi par celui des humiliations répétées. La révolution chinoise valorise le travail manuel dans un pays où le riche se laisse pousser les ongles longs pour bien montrer qu’il n’est pas obligé de travailler de ses mains. Le statut d’ouvrier permanent dans les entreprises d’Etat devient un emploi envié où un cadre place ses enfants.
Mais on a vu le poids de facteurs non démocratiques dans la révolution chinoise, depuis le conservatisme villageois jusqu’à l’influence soviétique stalinienne en passant par les exigences d’un dur combat militaire. Elle donne naissance à un pouvoir populaire et démocratique, autoritaire et bureaucratique tout à la fois. Le Parti et l’Etat sont largement confondus. Le PCC est soumis localement à la critique de masse – ce qu’un parti stalinien type ne saurait tolérer. Mais il gère souverainement l’Etat national. Il est enraciné dans une population mobilisée, mais il s’élève bien au-dessus des classes au nom desquelles il parle. C’est là l’une des principales contradictions internes du régime qui marque son évolution ultérieure.
Cette contradiction exige pour être résolue, de la part d’une avant-garde militante, un grand respect de l’auto-organisation de la population et une orientation pour le long et moyen terme : un projet de société qui comprend en son cœur la démocratie et la légalité socialiste ; un plan politique, le choix de moyens appropriés, qui donnent une forme concrète à la bataille antibureaucratique [23]. Les conditions objectives rendaient cette bataille particulièrement difficile à mener en Chine. Le pays est très arriéré sur le plan économique, il est largement isolé sur le plan international (il se heurte au blocus impérialiste, il ne peut compter sur une révolution en Occident, l’aide soviétique se paye politiquement cher) [24]. Les révolutionnaires ne peuvent comme en Occident s’appuyer, tout en les dépassant, sur les traditions démocratiques bourgeoises. La direction maoïste a tenté d’appliquer à la société de transition les principes de la “ligne de masse” qui lui avaient réussi dans la lutte de pouvoir. Malgré son échec, cette expérience mérite d’être étudiée de façon critique, car elle permet de rechercher les modes d’organisations et d’action adaptes à des conditions originales, les formes et sources nationales, qui permettent d’avancer réellement dans la construction d’une société de transition [25].
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L’expérience de la révolution chinoise confirme de façon vivante les éléments essentiels du programme marxiste-révolutionnaire pour les pays dominés. Mais elle soulève aussi bien des questions qui sont loin d’avoir été épuisées. Elle reste l’occasion d’une réflexion collective sur la pratique révolutionnaire et ses fondements, sur les conditionnements historiques auxquels toute révolution est confrontée et sur les moyens d’y faire face.
Il en va de même de l’expérience de la République populaire de 1949 à nos jours. Mais ça, c’est une autre histoire [26]”]].
Pierre Rousset