Licencions Sarkozy et restons vigilantes… !
Ce n’est pas le retrait de la mention Mademoiselle dans les formulaires administratifs, mesure symbolique qui ne peut que satisfaire les féministes, qui pourra exonérer Nicolas Sarkozy de sa politique sociale et économique, néfaste pour l’ensemble des travailleurs, particulièrement pour les femmes.
Les femmes, toujours les premières exposées...
On peut résumer la politique économique des gouvernements Sarkozy en peu de mots : rigueur et austérité pour les salarié.es, cadeaux aux riches, aux banques et au patronat.
Les principales attaques se sont concentrées sur les services publics : en 2007 le plan HPST (hôpital, patients, santé et territoires), en 2008 la RGPP (révision générale des politiques publiques). Résultats : diminution massive des postes de travail, transferts de pans entiers de services au privé, restriction et dégradation de l’offre de services publics.
– Faut-il rappeler que l’État est un des plus importants employeurs de personnel féminin (éducation, santé, services sociaux, administrations) ? Toute détérioration dans ce domaine nuit en priorité aux femmes.
– Les femmes qui sont encore majoritairement chargées des soins à la famille (enfants, parents, conjoint) sont particulièrement sensibles au maintien des services collectifs. Toute disparition de ces derniers risque de les éloigner de l’emploi et/ou de dégrader fortement leurs conditions de vie. En dix ans, le nombre d’enfants de 2 ans scolarisés dans le secteur public a été divisé par deux au profit souvent de « jardins d’éveil » payants ou d’une prise en charge familiale.
Ces dix dernières années plus de 150 CIVG ont été supprimés et combien d’autres sont menacés ; parallèlement le statut même des médecins contractuels pratiquant des IVG est dévalorisé. Les nombreuses et récentes luttes locales pour maintenir ici une école ou un poste d’institutrice, là un CIVG ou une maternité, révèlent l’ampleur des destructions mais aussi la demande et les résistances à ces disparitions.
Les dernières mesures de la réforme des retraites (dont l’allongement de la durée de cotisation et le recul des bornes d’âge) ne peuvent que renforcer les inégalités hommesfemmes.
Rappelons que l’écart entre les retraites des hommes et des femmes est de 40 %. Compte tenu des carrières plus courtes des femmes et du travail à temps partiel massivement féminisé, ces nouveaux dispositifs ne peuvent que renforcer les inégalités de genre.
La gestion de la précarité est tout aussi problématique. Le RSA (2009) remplaçant le RMI et l’API (allocation de parent isolé, majoritairement attribuée aux femmes) incite à prendre des emplois de mauvaise qualité, à temps partiel contraint et non qualifié, le plus souvent occupés par des femmes, tout particulièrement dans les services à la personne.
Par ailleurs le RSA est une prestation attribuée au couple qui ne peut qu’encourager les femmes à travailler moins, voire à se retirer du marché du travail, pour éviter de perdre le bénéfice de l’allocation à la famille.
L’obsession du pouvoir a été de supprimer la loi des 35 heures. D’assouplissement en défiscalisation et exonérations de cotisations sociales des heures supplémentaires, il y est quasiment arrivé. Les entreprises peuvent même s’affranchir des accords de branche. In fine, la France compte désormais près de trois millions de précaires, trois millions de salarié.es à temps partiel dont une majorité de femmes, cinq millions de chômeurs.
Les nombreuses autres décisions vont dans le même sens « libéral » et discriminatoire : signature du traité de Lisbonne, renforcement des liens avec l’Église catholique et le Vatican, lois sur l’immigration, TVA sociale… Quelles que soient ses promesses (même l’égalité salariale entre hommes et femmes en 2014 !), Sarkozy est disqualifié et ne mérite qu’une chose : le licenciement !
Les femmes doivent se mobiliser…
Mais la « gauche », qui devrait arriver au pouvoir, répondra-t-elle aux attentes et aux besoins des femmes ? Le collectif Féministes en mouvement qui rassemble de nombreuses associations sous l’égide d’Osez le féminisme a lancé un appel avec dix mesures prioritaires pour atteindre l’égalité, avec lesquelles nous ne pouvons qu’être d’accord. Il semble cependant que ce collectif se soit limité dans ses ambitions.
Peut-être pour ne pas trop heurter le PS qui, comme Hollande l’a promis, s’apprête à faire de l’austérité son maître mot. Pourtant, l’expérience de 1981 a montré que sans notre mobilisation, nos revendications essentielles seront sacrifiées.
Pour une réelle égalité entre hommes et femmes, nous devons nous orienter vers une rupture avec la logique des marchés et du profit. Il faut revoir tous les dispositifs sur la santé et pas simplement augmenter le nombre de CIVG.
Il faut des embauches massives pour enrayer le chômage et pour répondre aux besoins de la population en services publics de santé, d’éducation, de transports, de logements… Il faut une réduction massive du temps de travail, sans annualisation, avec des contrats à temps complet. C’est la seule façon d’imposer une réelle répartition des tâches ménagères et familiales, d’avancer vers une société plus redistributive, plus égalitaire, où chacun.e puisse s’épanouir.
Ces choix de société devront être imposés, nous le savons. Et pour cela, nous avons besoin d’un mouvement féministe unitaire et pluraliste, indépendant de l’État, des partis politiques, des syndicats et des pouvoirs religieux et dont la priorité sera de défendre les intérêts des femmes qui veulent remettre en cause l’oppression patriarcale ; et, parmi elles, tout particulièrement celles qui subissent à la fois l’oppression de classe, de genre et le racisme.
Crise : Les femmes dans le chaudron européen
Les gouvernements d’Europe, avec l’appui du FMI, ont pris prétexte de la crise de la dette publique pour démanteler ou tenter de démanteler les acquis sociaux obtenus par les salarié.es et les chômeurs depuis plusieurs décennies.
Si les politiques d’austérité concernent à des degrés divers tous les pays de l’Union européenne, elles touchent pour l’instant, sous leurs formes les plus violentes, des pays où le droit à l’emploi des femmes est, encore moins qu’ailleurs, reconnu comme une évidence, et toujours considéré comme subordonné à leur rôle familial. C’est le cas des pays d’Europe du Sud, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, mais aussi de l’Irlande ou de la Grande-Bretagne. À l’autre extrémité des modèles économiques européens, c’est aussi le cas en Allemagne, pays non endetté mais où une politique très brutale d’austérité salariale et de précarisation de l’emploi a été menée depuis plusieurs années par les différents gouvernements, fragilisant encore plus la situation des femmes dans une société où l’absence de services publics de la petite enfance et l’idéologie patriarcale les empêchent d’accéder à l’autonomie.
Aujourd’hui, les politiques néolibérales menées en Europe ont des conséquences plus dures pour les femmes, à différents titres. Elles sont majoritaires parmi les travailleurs qui touchent le salaire minimum – quand il en existe un – et donc la diminution de celui-ci, de 22 % en Grèce, les pénalise tout particulièrement. Leur situation est encore pire quand elles sont à temps partiel : les emplois à temps partiel ont vu leur nombre exploser en Allemagne au cours de la dernière période, et une disposition du dernier plan d’austérité adopté en Grèce prévoit pour tous les emplois la possibilité de passage à temps partiel sur décision de l’employeur. Si, au début de la crise en 2008, le chômage a frappé davantage les hommes en raison des licenciements dans des secteurs majoritairement masculins (bâtiment, automobile, finance), ce n’est plus le cas aujourd’hui : le taux de chômage des femmes dans la plupart des pays tend à redevenir supérieur à celui des hommes : elles sont non seulement victimes des licenciements et des délocalisations dans différents secteurs mais aussi des effets directs de la précarité comme le non-renouvellement des CDD. Elles sont spécifiquement exposées à la remise en cause des systèmes d’indemnisation du chômage (seule la moitié des femmes au chômage y a accès en Allemagne) et à la diminution des pensions de retraite, alors que dans tous les pays d’Europe elles touchent déjà des retraites largement inférieures à celles des hommes.
Enfin, les femmes sont particulièrement touchées par les coupures dans les dépenses publiques et le démantèlement des services publics. Elles le sont comme salariées – majoritaires dans les emplois, surtout du bas de l’échelle, de l’éducation, de la santé, des administrations : tous ces secteurs connaissent des suppressions d’emplois massives comme en Grèce, des diminutions de salaires parfois avec augmentation du temps de travail comme en Espagne.
Elles le sont comme usagères, en raison de la division sexuelle et sociale du travail qui fait peser sur elles la quasi-totalité des tâches et des responsabilités familiales : elles payent ces dégradations des services publics d’une augmentation de leur charge domestique et parentale et d’une dégradation du partage des tâches.
Pourtant des résistances existent. À l’initiative de militantes du réseau grec de la Marche mondiale des femmes, l’« Initiative des Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité » à Thessalonique, capitale de la Grèce du Nord, a inauguré sa première apparition publique en organisant une manifestation pour le 8 mars 2011. En Italie, des mouvements féministes sont passés de la révolte contre les gouvernements Berlusconi et l’image des femmes dans les médias, à la mobilisation contre les politiques d’austérité du gouvernement Monti. En Espagne, en Grande-Bretagne, au Portugal, les femmes sont massivement de toutes les grèves et les manifestations contre l’austérité. Reste à fédérer ces résistances…
Créer les conditions pour l’abolition de la prostitution
Hostiles à tout système réglementariste [1], nous luttons, quant à nous, pour créer les conditions de l’abolition de la prostitution. Il ne s’agit pas de dénoncer le système prostitutionnel au nom d’une morale puritaine quelconque mais en fonction d’un projet de société où femmes et hommes seraient à égalité sur tous les plans, où aucune personne ne serait réduite à vendre « des services sexuels » pour survivre, où les maffias qui organisent internationalement les réseaux de proxénètes seraient poursuivies systématiquement, où ceux qui tirent les ficelles du monde ne pourraient plus imposer leur loi : tout s’achète et tout se vend…
Certain.es nous invitent à faire des distinctions subtiles entre la prostitution forcée, la traite qu’il faut combattre et… la vente de services sexuels en « indépendante ». Certain.es nous vantent même le caractère profondément « subversif » de la prostitution puisqu’elle permettrait à ces femmes « libres » de récupérer le fruit de leur « travail sexuel » auquel les autres femmes seraient habituellement assignées gratuitement, dans le mariage notamment. Que des personnes décident de se prostituer pour différentes raisons, cela les regarde. Mais nous contestons cette entreprise d’idéalisation de la prostitution. Pourquoi faudrait-il que les femmes choisissent entre la peste et le choléra : entre les mariages forcés, le viol et les violences conjugales d’un côté, de l’autre la pratique d’une sexualité vénale qui implique comme premier acte de « liberté » de renoncer à choisir ses partenaires sexuels auxquels on demande une seule chose, d’être « un bon client », c’est-à-dire « un client qui paye, qui arrive rapidement à être satisfait et ne s’attarde pas » [2]. L’accès des femmes à la contraception et au droit à l’avortement, remboursés, et l’accès à des études qui leur permettent une plus grande indépendance économique ont rendu plus facile pour un certain nombre d’entre elles le choix de leurs partenaires sexuels et/ou de leur conjoint. Que cette liberté soit inaboutie, voire en régression en raison notamment du développement de la précarité, de la pauvreté et des guerres dans le monde, de la persistance ou la montée des normes religieuses, c’est incontestable [3].
Mais ce n’est pas une raison pour nous résigner. Dans l’immédiat, nous reprenons à notre compte les revendications défendues par le Planning familial (cf. texte du 23 septembre 2011). Nous y ajoutons la régularisation de toutes les personnes sans papiers et le droit d’asile pour toutes les personnes persécutées en raison de leur sexe, genre, ou sexualité. Parallèlement, nous insistons sur l’importance de développer une éducation sexuelle dans les établissements scolaires, dès le plus jeune âge, pour lutter contre les violences sexuelles et promouvoir une sexualité fondée sur le libre consentement entre adultes, l’égalité entre hommes et femmes, le refus de toute discrimination des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre.
Concernant la pénalisation des clients, notre collectif est partagé : certaines considèrent que cela ne peut aboutir dans l’immédiat qu’à faire courir des risques supplémentaires aux personnes prostituées en raison d’une plus grande clandestinité et que c’est une diversion par rapport aux questions essentielles ; d’autres pensent que cela peut faire franchir un pas dans la lutte contre le système prostitutionnel comme le démontrerait l’exemple de la Suède. Le débat doit donc se poursuivre…
Le Front national et l’avortement
Le Front national contre le droit à l’avortement ? Non, assure sa candidate, cela ne fait plus partie de son programme. Marine Le Pen veut donner une image de son parti plus « fréquentable ».
Mais, dans sa campagne quotidienne, le discours est bien différent : le FN est ainsi parti en guerre contre le Planning familial, qu’il qualifie de « centre d’incitation à l’avortement » et qu’il veut « mettre au pas ». Et son directeur de campagne (et conjoint) Louis Aliot, pour séduire l’électorat catholique, n’hésite pas à parler « d’IVG de confort » et se lance dans la défense du « libre choix pour les femmes » de … « ne pas avorter ». Avec le déremboursement de l’IVG à la clé.
Ce que propose le Front national ?
« Une vraie politique familiale en France », c’est-à-dire une politique
nataliste, bien sûr. Et, pour diminuer le nombre d’avortements, Marine Le Pen propose l’adoption prénatale : d’après elle, une femme enceinte qui ne veut pas garder son enfant renoncerait à avorter si on lui donnait la possibilité de connaître les futurs parents adoptifs de son enfant. C’est
ignorer totalement les multiples raisons qui peuvent inciter des femmes à avorter !
C’est de fait une véritable offensive contre les droits des femmes que le
FN a engagée. Les femmes se sont battues pendant des années pour
obtenir le droit à l’avortement et à la contraception, elles se battront pour les garder !
Solidarité internationale
Notre solidarité internationaliste ne se limite pas, c’est évident, aux femmes qui résistent aux politiques d’austérité en Europe. Nous nous sentons concernées par les luttes des femmes du monde entier et tout particulièrement actuellement par celles du monde arabe. Les femmes ont été en première ligne, y compris dans des pays où l’oppression patriarcale est particulièrement brutale, comme au Yémen par exemple. En Syrie, la répression sanguinaire en cours contre les quartiers ou les villes qui se sont soulevés contre le régime de Bachar El-Assad touche indistinctement hommes, femmes et enfants. Dans plusieurs pays, les femmes ont contribué très directement à la chute des dictatures, comme en Tunisie ou en Égypte. Pour participer à ces mobilisations populaires, elles ont dû faire face à des violences spécifiques de la part des policiers, des milices et parfois même de certains manifestants.
Aujourd’hui de nombreuses femmes mobilisées sont partagées entre la détermination, l’inquiétude et l’espoir.
Détermination à poursuivre le processus révolutionnaire pour continuer à déraciner l’appareil répressif et les privilèges économiques des classes dirigeantes. Inquiétudes pour les féministes (croyantes ou non) face au raz de marée des islamistes, lors des élections. Résultats prévisibles, certes, mais leurs résultats électoraux et leur arrivée à la tête de certains gouvernements, en Tunisie par exemple, peuvent faire craindre des retours en arrière concernant des droits acquis depuis 1959. Néanmoins, les féministes, dans ce pays, espèrent grâce à leurs mobilisations, faire avancer leurs droits et obtenir l’égalité pleine et entière, notamment leurs droits économiques et sociaux, y compris sur le plan constitutionnel [4].
Qui sommes-nous ?
Créé à l’occasion de l’écriture du livre Cahiers du féminisme, dans le tourbillon du féminisme et de la lutte des classes (1977-1998) publié en 2011 aux éditions Syllepse, notre collectif regroupe des anciennes rédactrices de la revue Cahiers du féminisme et des ami.es de générations différentes, avec des références diverses à la gauche radicale.
Nous nous définissons comme « féministes-luttes de classe ». L’oppression des femmes, on le sait, a existé dans des sociétés sans classes sociales ou dans des pays comme l’Union soviétique. Le capitalisme, quant à lui, se l’est réappropriée tout en la transformant pour s’assurer une main d’œuvre docile et bon marché et la reproduction à bas prix de la force de travail, sur la base de la division socio-sexuée du travail. Oppression des femmes et capitalisme
sont donc étroitement imbriqués. La lutte pour la libération des femmes nécessite donc de contester cette société dans laquelle l’accumulation du capital et la logique du profit dominent. En même temps, la société capitaliste s’appuie également sur d’autres rapports d’oppressions pour diviser et mieux exploiter. C’est le cas en particulier de l’oppression raciste qui prend en partie racine dans les conquêtes coloniales dès le XVe siècle, la domination néocoloniale, l’exploitation et la stigmatisation des travailleurs immigrés et de leurs familles.
De plus, parallèlement à une société largement ébranlée dans ses normes morales traditionnelles, d’une part par les mouvements de jeunesse, les mouvements féministes et homosexuels depuis les années 1960, et d’autre part par le développement de « l’industrie du sexe » dans les dernières décennies, on constate la persistance, voire la résurgence de normes morales réactionnaires.
C’est pourquoi nous affirmons qu’il faut lutter contre l’ensemble de ces oppressions qui s’articulent dans cette société d’ordre et de profits : nous luttons pour l’égalité réelle entre femmes et hommes, français et immigrés, jeunes de toutes origines, homos et hétéros, contre les humiliations subies par les personnes transexuel.les ou transgenres, etc.
Toutes ces luttes peuvent converger à condition que nous nous retrouvions autour d’un projet de société fondée sur la suppression de ces rapports d’exploitation et d’oppression.
Féministes, nous sommes favorables à une auto-organisation des femmes. Dans un contexte politique marqué d’une, part par un affrontement exacerbé entre classes sociales, d’autre part par un certain renouveau du féminisme qui n’exclut pas de fortes divergences, nous souhaitons continuer à participer au débat, par le biais de tracts, de réunions publiques et prochainement d’un site.
Pour nous contacter : cahiersdufeminisme2012 hotmail.fr