Notre responsabilité est collective pour fortifier et développer le mouvement de 20 Février (M20).
Conscient de la responsabilité historique de toutes les tendances de la gauche marocaine en ce moment historique du développement du mouvement de la lutte des couches opprimées de notre peuple contre la despotisme, le courant Al Mounadil-a lance cet appel aux forces de gauche pour prendre la responsabilité collective de fortifier et développer le M20 en se dégageant de toutes les formes de sectarisme et des pratiques antidémocratiques qui ont marqué les précédentes expériences de lutte.
On entend par la gauche marocaine les forces politiques qui s’opposent avec différents degrés aux choix politiques, économiques et sociaux imposés à notre peuple et qui n’ont jamais assumé la responsabilité d’appliquer ces choix dans le gouvernement de façade.
Nous nous adressons donc en premier lieu, aux forces de la gauche révolutionnaire convaincue que la rupture définitive avec le système capitaliste dépendant en place au Maroc dans toutes ses dimensions est l’unique voie pour réaliser les aspirations des classes laborieuses à la liberté, la dignité et la justice sociale. Il s’agit principalement de toutes les forces et groupes issus du mouvement marxiste-léniniste et les différentes composantes du courant basiste aux universités.
D’autre part, nous nous adressons aux forces de la gauche réformiste convaincue qu’il est possible de démocratiser le régime par l’accumulation de réformes et rendre plus sociaux les choix capitalistes en place, c’est-à-dire une espèce de social-démocratie, telle que définie historiquement dans les pays impérialistes avec la spécificité marocaine que cette gauche est issue d’un mouvement de libération nationale et non pas d’un parti ouvrier.
Ces diverses forces ont un rôle à jouer aujourd’hui dans la dynamique de lutte qui se déroule dans notre pays depuis le début du M20 en assumant, avec la jeunesse qui se politise dans le contexte du processus révolutionnaire en cours dans la région du Maghreb et arabe, la tâche de continuer la lutte au sein du M20.
Il ne fait aucun doute que la lutte du M20 est un acquis historique pour les classes laborieuses au Maroc et pour toutes les forces qui aspirent au changement. Il s’agit d’un mouvement de masse concrètement combatif qui a laissé de côté les méthodes stériles d’imploration spécifiques à l’opposition historique (Union socialiste des Forces populaires USFP, le Parti de l’Istiqlal PI et le Parti du Progrès et du Socialisme PPS), marche sur la voie d’une lutte démocratique de masse réelle, et porte des revendications sociales en contradiction avec les choix économiques et sociaux imposées par le despotisme.
Une des leçons les plus importantes des dix derniers mois c’est que seule la mobilisation populaire a forcé le régime à faire des concessions telles que la révision formelle de la Constitution qui a été sollicité pendant des décennies par l’opposition et les concessions matérielles n’ont jamais été de cette taille dans un délai aussi court [augmentation des salaires des ouvriers et des fonctionnaires, injection des fonds dans la caisse de compensation, emploi des jeunes, ...].
Ce qui offre des conditions favorables à ceux qui militent pour la démocratie et les droits sociaux, quelque soit leur vision stratégique, pour construire un mouvement de lutte populaire capable d’atteindre ses objectifs. C’est une occasion historique qui s’offre à la gauche marocaine pour confirmer son aptitude à diriger la lutte du peuple marocain pour s’émanciper de la dépendance et le despotisme. La gauche a vécu pendant des décennies un climat de répression et de liquidation physique, dans un isolement presque total par rapport aux masses populaires, et toutes ses stratégies souffrent donc de l’absence d’une base sociale effective. Aujourd’hui, et depuis le début du M20 et la vague de protestation populaire qui l’accompagne, la gauche peut enfin sortir de ses dilemmes historiques et construire un mouvement de lutte de masse fort.
Pour assurer la continuité et le développement du mouvement de M20, on doit quand même se rappeler d’un héritage négatif de la gauche marocaine qui a déjà manqué des occasions à construire un véritable mouvement de lutte populaire. Et la première chose utile à souligner est, par exemple, l’expérience du mouvement des Coordinations contre la hausse de prix. Le mouvement a démontré des possibilités réelles de développement, en particulier dans certaines régions comme la ville de Bouarfa à l’est du Maroc, mais les forces de la gauche marocaine ont cherché à le contrôler par en haut, ce qui a contribué à l’avortement de cette expérience. D’autres expériences de lutte ont souffert de la présence de forces de gauche côté à côte et ont montré la difficulté d’une coopération fructueuse et une gestion des divergences au profit du mouvement de lutte ouvrier et populaire.
La pluralité des acteurs dans un mouvement de masse fait partie de la nature de ce mouvement, et l’unique solution pour assurer la continuité et le développement du mouvement réside dans la gestion démocratique des divergences, la pratique d’une large démocratie, et le respect du droit des sans appartenance politique à l’expression et la participation à la construction du mouvement. Et, malheureusement, la gauche marocaine n’a pas d’héritage crédible de pratiques démocratiques dans la conduite des luttes et la confiance dans l’initiative des masses populaires.
Les objectifs généraux pour lesquels le M20 a été lancé sont susceptibles d’unir tou(te)s les opposant(e)s au despotisme et l’injustice sociale dans une lutte commune où chaque partie garde son indépendance et la liberté d’exprimer son opinion sur le cours du mouvement, et le respect du droit des sans appartenance politique à l’expression et la participation.
Les accords complets et exhaustifs sur des objectifs précis du mouvement de la lutte populaire représenté par le M20 ne sont pas une condition pour la coopération des forces de la gauche marocaine à le construire. Et toute la polémique sur le plafond des revendications n’est qu’un obstacle artificiel pour détruire le mouvement, puisque les revendications sont finalement soumises à la dynamique du mouvement et renforcées par la lutte. Même la revendication de monarchie parlementaire, par exemple, très controversée parmi les forces de gauche, est impossible sans un mouvement de masse extrêmement puissant et combatif.
La lutte du mouvement de M20 durant ces dix derniers mois a montré que le rapport de force est toujours en faveur du régime en dépit de quelques secousses, et que la conscience politique des classes laborieuses est encore simple. Et donc le devoir de la gauche est de contribuer à l’organisation des masses sur leurs revendications immédiates découlant des besoins du peuple opprimé, afin de permettre le développement de leur expérience de lutte du partiel et local au global et national, c’est à dire politique.
Le devoir de la gauche aujourd’hui est de faire de sa présence dans les différents fronts de lutte étudiante, syndicale, dans le mouvement des droits humains et le mouvement de lutte contre le chômage, un levier de lutte pour renforcer quantitativement et qualitativement le M20. La gauche n’a pas d’existence en dehors de la lutte populaire, et la polarisation devrait se faire aujourd’hui sur la base d’une position claire envers le despotisme politique et économique. Le devoir de la gauche est d’élaborer ses positions sur des revendications qui permettront le plus la mobilisation et l’unification et de laisser au peuple la liberté de juger la pertinence de ces positions.
Faisons alors de ce moment historique une occasion pour un nouvel élan du M20 en bénéficiant des échecs et des réussites de ces derniers mois et en orientant notre critique et notre lutte contre le despotisme dans toutes ses variantes, contre l’impérialisme, et pour une souveraineté nationale et populaire pleine.
• la responsabilité collective exige la défense et le développement de l’acquis du M20
• la responsabilité collective exige l’instauration des relations de lutte commune saines entre les forces qui composent le mouvement de M20
• la responsabilité exige de prévaloir l’intérêt de l’évolution du M20 par la gestion saine des divergences, l’adoption de la démocratie la plus large, une profonde implantation dans les couches populaires, et la cristallisation de cette implantation dans des organisations propres.
• la responsabilité exige des syndicalistes de gauche d’assumer une politique indépendante de la bureaucratie qui collabore avec le régime afin d’impliquer effectivement la classe ouvrière dans la dynamique de lutte actuelle, comme étant la seule classe capable de changer le rapport de force.
Courant Al Mounadil-a
Le 01/01/2012.