Sommaire
p. 3 Sortir du nucléaire, c’est possible, c’est nécessaire
p. 4 L’EPR : une fin de série inutile, coûteuse et dangereuse
p. 8 Baisse des coûts, précarité et sous-traitance
p. 11 Pour un service public sans nucléaire
p. 16 En sortir le plus rapidement possible !
p. 21 Lexique
p. 23 Pour en savoir plus...
Sortir du nucléaire, c’est possible, c’est nécessaire
Risques d’accidents aux conséquences gravissimes, effets de la radioactivité sur la santé, production de déchets hautement nocifs, difficultés du démantèlement des centrales, pollution des rivières indispensables au refroidissement des réacteurs, production d’armes nucléaires... les raisons de sortir du nucléaire sont multiples.
Et pourtant, qu’il s’agisse du nouveau réacteur EPR, du projet ITER ou de l’enfouissement des déchets dans la Meuse, le lobby nucléaire est toujours aussi puissant en France, bénéficiant d’appuis politiques à droite comme dans une partie de la gauche.
Le choix du nucléaire est révélateur d’un système productiviste dans lequel ni la sécurité, ni les dégradations environnementales, ni le gaspillage, ni l’évaluation des conséquences à long terme des choix présents ne sont pris en compte. L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence (achevée en 2007) accentue les risques, tant pour la population que pour les salariés des centrales, ces derniers voyant leurs conditions de travail se dégrader de jour en jour.
L’avenir sans nucléaire que nous voulons construire passe par une rupture avec le modèle énergétique actuel et les modes de production et de consommation développés par le capitalisme. Partie prenante des combats antinucléaires depuis les années 70, la LCR défend la nécessité d’un service public de l’électricité, tant pour assurer des missions sociales (égalité dans l’accès à l’énergie) qu’environnementales (sortie du nucléaire) ; un service public radicalement transformé, qui réponde à la fois aux besoins des salariés et des usagers, rompant avec les pratiques d’EDF, de ses concurrents et de ses filiales, qui poussent par exemple à toujours plus de consommation électrique, et participent à la privatisation de l’électricité dans les autres pays...
Les menaces que la privatisation d’EDF fait peser sur tou-te-s doivent faciliter les convergences entre les salariés du nucléaire, les mouvements antinucléaires et les usagers de l’électricité, à travers des luttes menées en commun. N
L’EPR : une fin de série inutile, coûteuse et dangereuse
La commande du « nouveau » (dans les cartons depuis 10 ans et déjà dépassé) réacteur EPR est un cadeau de plus de 3 milliards fait par la collectivité à Areva-Framatome-Siemens et leurs actionnaires. Et encore, ces 3 milliards sont vraisemblablement sous-estimés et directement liés à la vente effective de réacteurs de ce type... si nos VRP du nucléaire (gouvernement, industriels et financiers) y parviennent ! Bien entendu, ni le coût du traitement des déchets (ceux issus de l’EPR seront plus radioactifs pendant une plus longue période) ni le démantèlement des centrales ne sont pris en compte dans l’évaluation des coûts. Par contre l’EPR va servir de support à la relance du programme nucléaire français. Or, la France, championne du monde du nucléaire avec ses 58 réacteurs sur 19 sites, sa production électrique à 78 % d’origine nucléaire, produit déjà, du fait même du choix de cette filière, 15 % d’électricité de trop - soit la production de 12 réacteurs - en production de base.
Pourquoi Flamanville ?
A Flamanville existent déjà deux réacteurs qui produisent assez d’électricité pour toute la Basse-Normandie et la Bretagne. Alors, quel est l’intérêt de construire l’EPR à cet endroit si éloigné des lieux de consommation ? En outre, cela va nécessiter d’ajouter aux couloirs existants un couloir de ligne à très haute tension de 400 000 volts qui va traverser tout le département de la Manche et les départements voisins sur plus de 250 kilomètes, engendrant des nuisances supplémentaires et des pertes d’énergie importantes pendant le transport d’électricité.
L’argument de l’emploi
Dans cette zone, les taux de chômage sont très élevés. A La Hague et à Flamanville se sont succédés deux grands chantiers (l’usine de retraitement des déchets et la centrale) qui ont laissé derrière eux cette situation de chômage malgré les aides dites d’« après grand chantier ». La mono-industrie du nucléaire semble faire le vide autour d’elle. Les promoteurs pas vraiment désintéressés omettent de préciser que les appels d’offre les plus importants se feront au niveau national et européen, et que, de toutes façons, pour les travailleurs locaux, il s’agit d’emplois non durables. Or, toutes les études convergent pour démontrer qu’à investissement équivalent, il y aurait plus d’emplois durables dans le secteur des énergies renouvelables : l’Allemagne a déjà créé 35 000 emplois dans l’éolien et en prévoit 120 000 de plus d’ici 2010 ; et une étude commandée par le réseau « Sortir du nucléaire » évalue à environ 11 000 emplois créés la réaffectation vers les énergies renouvelables du budget initial de l’EPR.
Aucune avancée majeure en matière de sécurité
Le risque s’accroit avec l’augmentation de puissance du réacteur. La solution apportée pour contenir le cœur en fusion est loin d’être convaincante. Il peut paraître séduisant de concevoir sous le réacteur une espèce de cendrier, mais cela ne vérifie pas que l’on maîtrise tous les éléments du problème : le risque de fusion demeure avec un autre danger, celui d’explosion ; tout comme rien de prémunit contre le crash d’un avion de ligne ! Plus fondamentalement, la conception de la sécurité est basée sur l’électronique, un système informatique complexe supposé contrôler 300 000 pièces et de nombreux raccordements entre elles. Cette sécurité dite active, de conception dépassée, est l’un des maillons faibles de l’EPR. Un tel système a été à l’origine d’une grave défaillance : le blocage de descente des barres d’arrêt d’urgence le 10 mai 2000 à la centrale nucléaire allemande de Neckarwestheim.
Un pollueur de l’industrie nucléaire de plus
Faut-il rappeler qu’en fonctionnement « normal », l’industrie nucléaire rejette des gaz et liquides chimiques et radioactifs ? A Flamanville, parmi les rejets, ceux du tritium oscillent déjà entre 96 et 99,8 % des doses officiellement admises (moins en 2005 du fait de deux arrêts de tranches). Qu’en sera-t-il avec le plus gros réacteur de la série ? EDF a déjà demandé de nouvelles autorisations plus importantes de rejets.
Les premiers « bénéfices » au privé ; les pertes immédiates et à venir au public.
Areva recherche depuis longtemps une position de leader mondial sur l’ensemble de la filière nucléaire. La politique commerciale d’Areva commande la politique énergétique du gouvernement. EDF et ses usagers en assurent le coût du développement, le risque commercial, tous les risques en fait. L’EPR est donc bien représentatif de la logique du système capitaliste, qui draine un maximum de profits dans le court terme pour les actionnaires, laissant durablement à la charge de la société toutes les conséquences sociales, économiques, environnementales et de santé des choix faits pour se tailler une place sur le marché.
ENCADRES
Civil ou militaire : un risque et une prolifération nucléaire accentués
L’atome civil est issu du développement de l’atome militaire, il lui a servi de caution, de support, et lui a fourni de la matière première. C’est le même organisme (le Commissariat à l’Energie Atomique - CEA) qui depuis l’origine développe nucléaire civil et militaire, parfois à partir des mêmes sites et des mêmes techniques (réacteurs de sous-marin nucléaire) ; le plutonium, issu de la transformation de l’uranium dans les centrales, est l’élément principal des bombes nucléaires. Le nucléaire civil fournit aussi l’uranium appauvri dont l’usage s’est banalisé au cours des derniers conflits (Afghanistan, Kosovo, guerre du Golfe). De ce point de vue, le discours de Jacques Chirac de janvier 2006 est inquiétant quand il évoque « une réponse ferme et adaptée qui peut être conventionnelle » mais aussi « d’une tout autre nature » contre « les dirigeants d’Etat qui auraient recours à des moyens terroristes », ce qui n’est pas sans rappeler les propos de Bush à propos de l’Irak. Par ailleurs, la vente de centrales à d’autres puissances permet à celles-ci de se lancer dans la production d’armement nucléaire ; cela révèle l’hypocrisie des signataires du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui contribuent au développement du nucléaire civil tout en prétendant en interdire les usages militaires. Enfin, la multiplication des sources radioactives et des transports de matières nucléaires rend de plus en plus possible la fabrication de bombes « artisanales » qui combinent, sans technologie compliquée, un explosif classique et de la matière radioactive issue de quelques-unes de ces 30 000 sources disponibles sur le territoire.
Quelques chiffres
Dépenses du nucléaire militaire français des origines à 2000 : 230 milliards d’euros.
Prévisions pour 2000-2010 : 60 milliards d’euros.
Budget militaire français global en 2005 : 33 milliards d’euros.
Prix du quatrième sous-marins nucléaire : 15 milliards d’euros.
Indépendance énergétique et néo-colonialisme
Pour faire fonctionner les réacteurs nucléaires actuels et l’ EPR, il faut « brûler » un combustible à base d’uranium enrichi. Cette matière fissile ne provient plus des régions françaises depuis longtemps. 100% du combustible est importé, principalement des mines d’Arlit au Niger. Là-bas, il n’y a pas de problème de visite médicale pour les travailleurs ni de couverture sociale. Lorsque la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), expert indépendant du lobby nucléaire, est venue enquêter, son matériel a été confisqué par les autorités du pays, suite aux pressions de la Cogema, multinationale française qui « gère » la mine. L’indépendance énergétique de la France, tant vantée, se fait au prix d’une exploitation néo-colonialiste des richesses d’un pays dit « pauvre ». En plus de diminuer le coût de la matière première, la France externalise les risques sanitaires liés à l’extraction (pollution radioactive des cours d’eau et des nappes phréatiques), qui engendrent de nombreuses malformations et cancers. Ces symptômes n’apparaissent que longtemps après la contamination, au grand bénéfice des multinationales qui prétendent ne pas voir le lien de cause à effet.
Baisse des côuts, précarité et sous-traitance
La déréglementation du marché de l’électricité a pour conséquence une mise en concurrence féroce des entreprises de ce secteur et une course aux gains de productivité. Pour la réduction des coûts, une des principales « variables d’ajustement » est évidemment la diminution des effectifs qui a touché la plupart des pays européens, alors même que la production d’électricité augmente [voir ci-dessous].
. | 1990 | 2001 |
Grande-Bretagne | 145.000 | 60.000 |
Allemagne | 218.000 | 126.000 |
Espagne | 55.000 | 280.000 |
Italie | 125.000 | 82.000 |
France | 146.000 | 138.000 |
A EDF, depuis l’introduction en bourse, la réduction des effectifs connaît une brusque accélération. Dans les trois ans qui viennent, La direction d’EDF compte réduire ces coûts de 7,5 milliards d’en agissant sur trois paramètres :
* Les économies sur la gestion des stocks.
* L’augmentation des tarifs.
* La réduction des charges de personnel à hauteur de 1,5 milliard.
Dans les dix ans, ce sont 55 000 agents EDF qui vont partir en retraite, notamment dans le nucléaire, dont 9 000 en 2006-2007. La direction d’EDF annonce une réduction d’effectifs de plus de 5 000 postes par le biais des départs en retraite. Dans les centrales, ce sont les personnes qui ont « démarré » le nucléaire qui partent. L’expérience accumulée n’est pas transmise puisque seulement une personne sur trois serait remplacée et souvent au dernier moment par de jeunes embauchés envoyés « au feu » avec très peu de formation.
Trois exemples
La recherche : la situation ne cesse de s’aggraver, car budgets et effectifs en recherche et développement (2 200 agents) baissent tous les ans, soit en huit ans une chute de 30 % (2000-2007).
La formation : EDF/GDF avait une longue tradition de formation professionnelle. L’objectif étant une réduction des coûts de formation, le volume de formation va diminuer, soit par disparition soit par externalisation. De plus la formation professionnelle s’oriente principalement vers l’évaluation du personnel.
Les études sur la conduite des accidents : Le service qui avait en charge l’élaboration des procédures de conduite en situation accidentelle est supprimé.
Fragilisation à la maintenance
La précarisation du travail par le développement des contrats précaires et de l’intérim (30 % des effectifs de la maintenance du parc), du temps partiel et de la sous-traitance est l’une des caractéristiques les plus fortes de l’évolution des situations de travail dans la dernière décennie.
Anticipant l’ouverture du capital, EDF a abandonné la gestion des centrales à de grands groupes privés. Qu’il s’agisse du travail autour de la cuve (chargement/déchargement du combustible, contrôle des circuits...) ou d’autres prestations (gestion du linge, nettoyage, décontamination...), la sous-traitance à ces groupes doit permettre à EDF d’atteindre son objectif de réduction des coûts de 30 % tous les 4 ans. Suez, Areva, Endel et bien d’autres se partagent donc ce marché, en dégradant fortement les conditions de travail. Lorsqu’à la centrale de Paluel, l’entreprise Polinorsud prend le marché à Endel, l’heure de salaire se réduit de 40 %, les primes, le 13e mois et les avantages de l’ancienneté disparaissent. A Fessenheim, 60 emplois ont été supprimés, dont 20 seulement ont été reclassés. 80 % de la maintenance du parc EDF étant sous-traitée, cela ouvre la porte à l’embauche de salariés issus de filiales à l’étranger (dans le droit fil de la directive dite Bolkestein), comme le pratiquent déjà Alstom, Endel, Nordon, Westinghouse qui font venir des salariés payés 3 à 5 fois moins cher.
Les conditions de travail et de sécurité pâtissent de cette situation : moyens de contrôle et de protection insuffisants, prise de risques pour les mesures de radioactivité, stress permanent, concurrence entre les salariés... Par ailleurs, le risque incendie est sous-estimé. Il n’a pas été pris en compte lors de la conception des centrales et il n’y a pas d’équipes de pompiers. Enfin, lors des périodes d’arrêt annuel, ce sont essentiellement des intérimaires qui interviennent. Les statuts d’emploi comme les conventions collectives de ces salariés sont multiples. Les conditions du travail de maintenance dispersent les salariés d’une même entreprise sur plusieurs sites, de telle sorte que les occasions de rencontres et d’actions collectives sont très rares, ce qui rend les initiatives syndicales difficiles.
ENCADRE
Sortir du nucléaire, pas sur le dos des salariés !
Nous voulons :
– l’arrêt des plans de suppressions d’emplois ;
– l’embauche des travailleurs du nucléaire en CDI pour garantir une protection et une sécurité efficaces pour eux-mêmes et pour la population ;
– un programme d’embauche de personnels qualifiés pour la lutte contre l’incendie ;
– le droit d’information des mouvements antinucléaires à l’intérieur des centrales ;
– zéro licenciement au moment des fermetures des centrales ;
– un programme de formation pour intégrer les salariés dans la production d’énergies renouvelables ;
– des embauches massives dans ces énergies ;
– l’utilisation des fonds d’EDF uniquement avec une finalité sociale et écologique.
Pour un service public sans nucléaire
La réponse aux besoins énergétiques est de même nature que pour tous nos besoins de base : eau, santé, éducation... Ils ne peuvent s’accommoder des aléas du marché, être livrés aux enchères du moment, nourrir un parasitisme financier vorace et dévastateur pour la planète.
Ce que l’Europe se dispose à faire depuis la directive de libéralisation de 1996 actée à Barcelone en 2002 (merci Chirac, merci Jospin), et en particulier en France, depuis juillet 2004 pour les entreprises, en juillet 2007 pour les particuliers, c’est de permettre à des opérateurs financiers de se servir des installations existantes de production et de transport d’électricité, pour acheter et vendre de l’électricité sans risque financier et se « payer sur la bête » EDF, un bénéficie stable sur le dos des usagers. En Angleterre et ailleurs, la libéralisation a abouti fort logiquement à une augmentation du prix du KW, et à des coupures scandaleuses comme en Californie. Au contraire, nous défendons la garantie de continuité du service, un égal accès pour tous et au plus juste prix à ce service de base qu’est l’électricité.
Il ne s’agit pas pour autant d’idéaliser EDF : lorsqu’elle était publique à 100 %, EDF s’est comportée comme une parfaite entreprise capitaliste, profitant de la privatisation de l’électricité en Amérique Latine par exemple. Ce sont les usagers qui ont assumé ses aventures financières : un vrai gâchis (900 millions d’euros en Argentine, au Brésil...). Pour éponger ses dettes, EDF a dû utiliser une partie des fonds qui auraient pu être consacrés au démantèlement des centrales. La privatisation d’EDF et le maintien de la filière nucléaire offrent un des exemples les plus frappants de socialisation des pertes et de privatisation des bénéfices. La satisfaction des besoins en électricité n’est pas soluble dans le marché.
Tant au niveau de l’entreprise qu’à celui de l’Etat, le choix pharaonique du « tout nucléaire » a été impulsé et soutenu dans les années 50 par la technocratie productiviste, soutenue dès le départ par l’appareil du PCF et de la CGT sous la bannière de la « l’indépendance nationale ». Cela a annihilé toute perspective de projet alternatif aux choix de l’entreprise. L’EPR et ITER sont de parfaites illustrations d’une gestion non démocratique.
Ce que la LCR revendique, c’est un vrai service public de l’électricité, débarrassé de l’énergie nucléaire, cogéré par les salariés et les usagers. Un tel service public aurait à évoluer d’un mode de production hypercentralisé (19 centres de production électronucléaire) à des productions décentralisées, avec une variété de sources d’énergie, des unités plus nombreuses et de taille plus modeste, soumises au contrôle démocratique des populations concernées. L’articulation entre régies locales et entreprise publique nationale, qui garderait la responsabilité totale du réseau de transport et de distribution permettrait de réaliser l’égalité dans l’accès à l’énergie sur tout le territoire. Un tel service public aurait aussi pour mission de centraliser l’évaluation des potentiels d’économies énergétiques et de mise en place d’énergies renouvelables, grâce à l’embauche de conseillers « info énergie » travaillant auprès des collectivités et des particuliers pour leur proposer les solutions correspondant à leurs possibilités et leurs besoins. Une coopération au niveau européen (vers un service public européen...) doit par ailleurs permettre une mutualisation des productions (éolien dans la Manche et au sud de la France, géothermie dans le nord de l’Europe, solaire dans le sud...) afin d’assurer un approvisionnnement constant. Enfin, le transfert gratuit de technologies des énergies renouvelables vers les pays du Sud, permettant un développement écologiquement viable, doit pouvoir être pris en charge par un tel service public.
ENCADRES
Pourquoi le nucléaire n’est pas une solution au dérèglement climatique ?
Un des arguments des pro-nucléaires est que cette énergie préserverait les équilibres climatiques. Ne remplaçons pas la peste par le choléra. A quoi servirait une terre avec un climat stabilisé si elle est inhabitable à cause des déchets radioactifs ? En France le nucléaire représente 78 % de l’électricité, mais seulement 16 % de l’énergie totale consommée. Au niveau mondial, sa part descend à moins de 5 %. Pour autant, la France a du mal à se conformer aux accords de Kyoto - pourtant peu contraignants - car le principal émetteur de gaz à effet de serre (GES), le transport routier (28 %), est en pleine expansion, sans même parler du secteur aérien, non comptabilisé pour les objectifs de réduction d’émissions de GES. S’il fallait remplacer le pétrole et le gaz par du nucléaire, il faudrait multiplier par plus de 10 le nombre de réacteurs actuels. Le risque d’avoir un accident nucléaire serait alors augmenté de façon exponentielle, et les réserves d’uranium actuelles ne permettraient de tenir que 6,5 années ! Les énergies renouvelables (hydraulique et éolien) produisent encore moins de GES que le nucléaire et les filières bois/gaz en absorbent plus qu’il n’en produisent. Mais l’énergie la moins polluante est évidemment celle qu’on n’utilise pas. La priorité doit donc être aux économies d’énergies !
Déchets nucléaires : ne pas enfouir, arrêter d’en produire
Le lobby nucléaire, relayé par les pouvoirs publics, veut réaliser l’enfouissement en grande profondeur des déchets nucléaires les plus dangereux [a]. C’est la recherche d’une voie définitive, rapide et peu coûteuse, qui guide ce choix, au mépris des risques pour les générations futures. En effet, il serait ruineux de mettre en œuvre la surveillance des déchets existants sur le long terme ainsi qu’une véritable recherche aboutissant à une solution acceptable. Cela discréditerait le caractère prétendument « bon marché » de la filière électronucléaire et compromettrait la relance de la nouvelle génération de centrales EPR. Une loi, adoptée en 1991 par une large majorité droite-gauche, ouvre la voie aux laboratoires d’enfouissement, en plus de deux voies de recherche prétendument alternatives : la réduction des déchets par transmutation [b] ou l’amélioration des conditionnements en surface. En fait, ces deux autres voies ne sont que des compléments à l’enfouissement. Après une longue procédure bien perturbée par les opposants, et au prix de copieux arrosages sonnants et trébuchants, la Meuse et la Haute-Marne ont été retenues : en 1999 c’est D. Voynet qui signe le décret de construction du « laboratoire » de Bure. Depuis, les affaires du lobby nucléaire vont bon train et nos députés se préparent à voter une nouvelle loi qui fera la part belle à la seule voie « économiquement » acceptable pour le capitalisme. Après la réussite de la manifestation du 24 septembre 2005 à Bar-le-Duc, la résistance continue.
a. Les déchets radioactifs sont classés en trois grandes catégories :
Déchets A à vie courte, de faible activité (durée de vie : quelques siècles - volume : 1 400 000 m3).
Déchets B à vie longue, d’activité moyenne (20 000 ans environ - 102 000 m3).
Déchets C à vie longue et haute activité (de centaines de milliers à plusieurs millions d’années - 6 400 M3).
Les déchets C concentrent 95 % de la radioactivité issue du nucléaire. Seuls les déchets B et C seront enfouis à Bure.
b. La transmutation est une technique qui vise à réduire la durée de vie et la toxicité des déchets radioactifs. Elle ne fonctionne malheureusement que pour une infime quantité de ceux-ci.
En sortir le plus rapidement possible !
La sortie du nucléaire ne peut se faire qu’en tenant compte de la problématique énergétique globale et doit donc viser à minimiser autant que possible le recours aux énergies fossiles. Cela doit résulter de la conjonction de deux facteurs ; d’un coté la baisse de la demande en électricité par une politique de sobriété (rénovation de l’habitat, refus du gaspillage...) et d’économies, et de l’autre coté un développement massif des énergies renouvelables (ER). Il est possible d’arriver en dix ans environ à une situation où la production d’électricité soit majoritairement issue des énergies renouvelables et où la part d’énergies fossiles soit stabilisée voire en légère baisse.
Ce scénario d’une sortie du nucléaire en une dizaine d’années nécessite une politique très volontariste. Le territoire français possède tous les atouts : énormes potentiels dans les domaines éolien (sur terre et en mer), le solaire, le bois, l’hydraulique, l’hydrolien, etc. D’après une étude du Réseau Sortir du Nucléaire l’ensemble des potentiels énergétiques permet largement de satisfaire tous nos besoins en énergie électrique.
L’argent public est aujourd’hui utilisé pour acheter très cher des kw renouvelables à Total, Shell... Nous défendons au contraire l’utilisation des fonds publics pour les infrastructures publiques, et non pour augmenter les profits de ces entreprises. Là encore, le service public est nécessaire pour que les choix d’implantation répondent à un développement harmonieux sur tout le territoire, évitant la concentration des éoliennes dans les zones ventées.
Les chiffres présentés ici montrent dans quels secteurs des économies d’énergies sont possibles et quels sont les potentiels en énergies renouvelables. Ils sont issus de la synthèse de différentes études [1].
Réduction de la consommation électrique (potentiel annuel atteignable dans 10 ans)
a) Les pertes en ligne : l’industrie nucléaire consomme une partie non négligeable de sa production, notamment du fait de son hypercentralisation. Un arrêt de la production nucléaire économiserait 30 TWh. On estime que 12 % de l’énergie électrique sont perdus dans les lignes haute tension et à cause des transformateurs en surchauffe. Ces pertes peuvent être réduites d’un tiers en dix ans par la baisse de la consommation, la modernisation de certains équipements (transfos) et la décentralisation des modes de production soit 28 TWh.
b) Exportation : l’arrêt progressif des exportations permettra de baisser progressivement notre production d’environ 70 TWh.
c) Chauffage : en France 30 % des foyers sont équipés de chauffage électrique (contre 5 % seulement en Allemagne). Pour beaucoup cela représente une charge financière considérable. Un vaste programme d’isolation de l’habitat, la production de poêles à granulés, l’usage de la géothermie, l’installation de chauffage central en cogénération (où la chaleur émise permet de produire en même temps de l’électricité) permettraient une économie de 30 TWh. Par ailleurs, 11 TWh peuvent être économisés en renforçant les normes des appareils électriques (réfrigirateurs, veille...) et en instaurant des primes à la casse permettant de financer l’achat d’appareils plus économes.
d) Eclairage domestique et public : une loi cadre pour les entreprises et les collectivités afin de les obliger à réduire leurs éclairages, et un démarchage envers les particuliers pour qu’ils s’équipent de lampes basse consommation (avec des tarifs spéciaux pour les bas revenus) doivent permettre une économie de 11,5 TWh. Au bout de quelques années l’usage des lampes basse consommation doit devenir systématique.
e) Industrie et commerces : bien qu’ayant fait certaines économies durant les années années 70/80, l’industrie tend à se remettre à trop consommer d’électricité notamment du fait de la tarification trop basse (accentuée par l’ouverture du marché de l’électricité) qui provoque du gâchis. Nous proposons la suppression immédiate des panneaux de publicité lumineux, des normes sur le froid industriel, la suppression progressive de la climatisation, l’amélioration de l’isolation des locaux anciens et la mise en place de normes bioclimatiques sur les nouveaux. Un relèvement des tarifs pour les entreprises sera un levier pour accélérer une politique de sobriété énergétique, de même que la mise en chantier de moyens de production propres (micro-éoliennes et panneaux solaires sur les toits des grandes surfaces...). L’économie potentielle est là de 15 TWh.
Offres en énergies renouvelables (potentiel annuel atteignable dans 10 ans)
a) Grand Eolien : ce secteur a connu des évolutions technologiques majeures. D’après l’ADEME, en moins de trois mois, une éolienne produit l’équivalent de l’énergie qu’il a fallu pour la fabriquer, l’installer et la démanteler ! L’exemple allemand montre qu’un rythme de 3 200 MW par an peut être atteint au bout quatre ans. On obtient alors en dix ans 25 000 MW, soit une puissance annuelle de 45 TWh pour un coût total de 2 milliards d’euros par an.
b) Eolien off-shore : le potentiel est gigantesque. Les vents en mer, plus réguliers et plus puissants permettent une production de 16000 MW en dix ans, soit 52 TWh, pour un coût de 2,2 milliards d’euros par an.
c) Micro-éolien : les petites éoliennes étant maintenant suffisamment silencieuses, il devient possible d’en installer sur les toits en milieu urbain ou sur des sites isolés. En systématisant l’installation de ces microcentrales (10 à 50 Kw) dans les constructions neuves, sur les toits des centres commerciaux, etc... on peut arriver à un apport de 3,5 TWh en dix ans.
d) Micro-hydraulique : les grandes installations (barrages) ne peuvent plus être développées sans mettre en péril les divers écosystèmes ainsi que les modes de vie des populations. Par contre l’implantation d’unités de production micro-hydrauliques (inférieurs à 1 MW) est encore tout-à-fait possible et permettrait d’installer jusqu’à 9 TWh [voir le rapport d’Yves Cochet, NDLM : ajouter la source].
e) Solaire : à moyen terme l’énergie solaire peut représenter une contribution importante à nos besoins en électricité. 100 km2 environ sont bâtis par an. Si on impose que toute construction neuve dispose de panneaux photovoltaïques (ou de chauffage d’eau), et ce sur un sixième des surfaces bâties pour des raisons pratiques (encombrement, accessibilité), on arrive à un total de 1,5 TWh installé chaque année (106 KWh par m2 et par an), après la période de démarrage de trois ans ; soit dans dix ans 14,3 TWh.
Des fermes solaires de puissance 5 à 10 MW (comme en Allemagne) viendront compléter ces installations dans des régions particulièrement bien exposées. Mais en raison du manque de silicium disponible immédiatement le décollage du solaire peut être assez long. Il suffirait pourtant de créer quelques usines pour réaliser ce programme. Le coût total est estimé à 5 euros le watt installé, soit un total de 1,6 milliards d’euros par an.
f) Energie de la mer : le potentiel est là aussi gigantesque. Il existe en France des projets très sérieux de développement d’hydroliennes (éoliennes sous-marines) qui permettraient d’utiliser les courants sous marins. L’Ecosse et l’Angleterre sont déjà au stade de la production d’électricité grâce à des « serpents de mer » qui utilisent l’énergie des vagues pour produire de l’électricité. Une évaluation de ce potentiel est pour l’instant difficile, mais son coût est deux fois moins important environ que l’éolien off-shore.
g) Cogénération : pour l’instant utilisée dans l’industrie et les grands réseaux de chaleur, la cogénération peut être développée, en particulier dans l’habitat grâce à des réalisations de puissance inférieure à 500 KW. La production de chaleur et d’électricité peut être obtenue par des moteurs à gaz ou diesel, des turbines à gaz ou à vapeur, et la pile à combustible. La cogénération peut également être produite à partir de bois ou de biogaz (potentiel de 18 TWh), ou de gaz diesel (potentiel de 35 TWh).
f) Filère Bois : le bois est une ressource largement sous exploitée en France et constitue un combustible alternatif au fioul ou gaz dans les chaufferies. Une bonne exploitation des forêts favorise leur régénération, participe à la lutte contre les incendies. Bien utilisé, avec des poêles à granulés par exemple, le chauffage au bois est un mode de chauffage écologique.
Le graphique ci-dessous permet de visualiser le moment où la production d’électricité issue du renouvelable et du parc thermique est suffisante pour se passer du nucléaire et fermer la dernière centrale. [Non reproduit ici]
Et l’emploi ?
La sortie du nucléaire ne se fera que si les travailleurs y trouvent leur compte : embauches massives, résorption de la précarité, requalification, reconversion, création de centres de formation et de recherche pour former les salariés du service public aux techniques d’implantation et de maintenance des énergies renouvelables... Globalement le nombre d’emplois créés serait au minimum de 622 500 [voir le tableau ci-dessous].
Secteur énergétique | Nombre d’emplois créés en 10 ans | Commentaires |
---|---|---|
Solaire phtovoltaïque et thermique | 160.000 [1] et 20.000 | Fabrication et pose (maintenance très faible) |
Grand éolien et offshore | 410.000 [2] | Construction, pose et maintenance (10 emplois/MW, au minimum) |
Bois | 17.500 à 25.000 [3] | Production de plaquettes, de poêles, distribution... |
Micro-hydrolique | 15.000 [4] | Installation, maintenance |
Notes sur les chiffres du tableau
1. A moins de 200 000 euros l’emploi créé d’après Tim Bruton, BP solar et al, A study of the manufacture at 500 MW per annum of crystalline silicon photovoltaic modules. 14th European Photovoltaic Conférence, Barcelona, July 1997.
2. Selon les associations professionnelles européennes EWEA, AEBIOM, EPIA et ESIF.
3. Chiffres basés sur les données en Autriche. D’après <http://solar-club.web.cern.ch> , ou d’après l’étude « Un courant alternatif dans le Grand Ouest », association Sept Vents du Contentin pour le Réseau Sortir du Nucléaire.
4. D’après nos évaluations sur la base d’un triplement des emplois actuels
Ces perspectives se basent sur des technologies actuelles, dont l’évolution rapide peut permettre une augmentation des rendements. Sortir du nucléaire est donc avant tout une décision politique qui implique de revenir sur les dernières décisions en la matière (enfouissement des déchets, lancement d’ITER, construction de l’EPR...), qu’elles aient été prises par la droite ou la gauche plurielle. Le financement des énergies renouvelables doit être assuré par des prélèvements sur les gigantesques profits des multinationales de l’énergie. Un tel objectif ne peut être atteint que par des mobilisations conjointes des salariés et des usagers.
1. Pour une politique ambitieuse de maitrise de consommation d’énergies dans les secteurs de l’industrie, du résidentiel et du tertiaire. ADEME ;
Document de synthèse sur les potentiels en énergies renouvelables. Réseau sortir du nucléaire, à paraître ;
Un courant alternatif dans le grand ouest. Les sept vents du Cotentin, pour le Réseau sortir du nucléaire.
L’usage du lexique en fin de brochure permettra une lecture plus facile, concernant notamment certaines technologies.
Lexique
Biomasse : source d’énergie produite à partir des matières organiques, c’est-à-dire le bois et les déchets végétaux, le biogaz (énergie issue de la fermentation des déchets biologiques), les biocarburants.
Cogénération : la cogénération est un système de production énergétique qui permet de produire simultanément de la chaleur et de l’électricité. En produisant localement l’électricité, la cogénération permet d’économiser jusqu’à 40% d’énergie.
Fission : principe de fonctionnement des premières bombes, dites A, et des centrales nucléaires. Des atomes aux noyaux très lourds se fissionnent et dégagent de l’énergie.
Fusion : principe de fonctionnement des bombes H. Des petits noyaux fusionnent et dégagent de l’énergie. Ce phénomène dégage beaucoup plus d’énergie que la fission et reste difficilement contrôlable.
Géothermie : utilisation de l’énergie de la terre (de proximité ou en profondeur) pour produire de la chaleur ou de l’électricité.
Hydraulique : énergie produite par les barrages.
Hydrolien : énergie des courants marins (sortes d’éoliennes sous-marines).
ITER : International Thermonuclear Experimental Reactor. Tentative de produire de l’énergie par le phénomène de fusion qui a lieu dans les étoiles. Il s’agit d’un projet dangereux (instabilité des plasmas donc risque d’explosions et de libération de tritium radioactif et de litium extrèmement inflammable), qui ponctionne tous les crédits de recherche (coût total de 10 milliards d’euros) pour des résultats jugés improbables par beaucoup de scientifiques (notamment Masatoshi Koshiba ou Pierre-Gilles de Genne tous deux prix Nobel).
Normes bioclimatiques : dans la construction de bâtiments neufs, l’orientation et la conception des bâtiments doit permettre un usage quasi-direct de l’énergie solaire, limitant ainsi la consommation électrique pour le chauffage et la lumière.
Poêles à granulés : poêles qui utilisent de la sciure de bois dans des inserts, sans déperdition de chaleur.
Radioactivité : émission de particules par les noyaux atomiques. Les radiations ainsi émises perturbent le fonctionnement des cellules vivantes, pouvant provoquer cancers, malformations, voir décès en cas d’irradiations très fortes.
Solaire photovoltaïque : électricité produite à partir du soleil.
Solaire thermique : eau chaude et chauffage produits à partir du soleil.
Wh (wattheure) : énergie produite en une heure. KWh : kilowattheure (mille) ; MWh : mégawattheure (1 million) ; GWh : gigawattheure (1 milliard) ; TWh : terawattheure (1 000 milliards).
Pour en savoir plus...
Associations
– Abolition 2000 (réseau de 2000 organisations pour l’abolition de l’armement nucléaire) :
www.abolition2000.org
– ACDN (Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire)
http://www.acdn.net
– Amis de la Terre
www.amisdelaterre.org
– Greenpeace
www.greenpeace.fr
– GSIEN (Groupement des Scientifiques pour l’Information sur l’Energie Nucléaire)
http://resosol.org
– Réseau Action Climat - France
www.rac-f.org
– Réseau Sortir du nucléaire
www.sortirdunucleaire.org
Sur les énergies renouvelables
– ADEME (Agence gouvernementale De l’Environnement et la Maitrise de l’Energie)
www.ademe.fr
– Association Négawatt
www.negawatt.org
– CLER (Comité de Liason sur les Energies Renouvelables)
www.cler.org
– Sur le micro-hydraulique
http://www.econovateur.com/rubriques/anticiper/voir0403micro.shtml
– Sur le solaire
http://www.manicore.com/documentation/solaire.html
– Sur l’énergie maritime
http://www.brest-ouvert.net/article1991.html
http://www.ifremer.fr/dtmsi/colloques/seatech04/mp/article/1.contexte/1.1.ECRIN-OPECST.pdf
www.ifremer.fr/dtmsi/colloques/seatech04/mp/proceedings_pdf/presentations/1.%20contexte/ECRIN.pdf
– Sur le bois
http://www.amisdelaterre.org/article.php3?id_article=1817
– Rapport Cochet
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/014000086/index.shtml