Des milliers de fondamentalistes catholiques ont manifesté samedi à Paris contre la « christianophobie » et environ 200 ont prié près du Théâtre de la Ville où se joue une pièce qu’ils jugent « blasphématoire » et contre laquelle ils protestent depuis plus d’une semaine.
En début de soirée, les manifestants (1.500 selon la police et 5.000 selon les organisateurs) se sont rassemblés place des Pyramides (Ier arrondissement), au pied de la statue de Jeanne d’Arc.
Aux cris de « christianophobie, ça suffit ! », le cortège s’est ébranlé vers la place André-Malraux, près du Palais Royal, derrière une banderole proclamant « La France est chrétienne et doit le rester ».
Parmi les manifestants, des prêtres en soutane et des croyants de tous âges exhibant crucifix, drapeaux du Sacré cœur, puis brandissant cierges et flambeaux, une fois la nuit tombée.
Place André-Malraux, ils ont ont prié et chanté agenouillés sous la pluie. Ils se sont ensuite dispersés en lançant pour mot d’ordre : « Tous au théâtre », en allusion au Théâtre de la Ville, place du Châtelet, où se joue une pièce de l’Italien Romeo Castellucci intitulée « Sur le concept du visage du fils de Dieu », qu’ils jugent offensante.
Dans la soirée, quelque 200 protestataires se sont retrouvés face à un cordon de police près du Théâtre de la Ville. Tentant de repousser les forces de l’ordre, ils se sont résignés et ont continué à chanter et prier sous la pluie, scandant « Le blasphème ne passera pas » ou encore « Discriminés, on en a plus qu’assez ».
Depuis plus d’une semaine, une poignée de fondamentalistes catholiques protestent chaque soir devant le Théâtre de la Ville pour perturber le spectacle.
Ils crient à la « christianophobie » à cause des dernières minutes où un visage géant du Christ semble souillé par des excréments, écho de la souffrance des deux personnages, un vieillard incontinent et son fils qui le lave et le change.
« Nous sommes là pour dénoncer la christianophobie au sens large et nous allons mettre une accent particulier sur le spectacle blasphématoire qui se joue en ce moment », a dit à l’AFP Alain Escada, secrétaire général de Civitas, à l’origine de la manifestation.
Civitas, qui revendique un millier de membres, est proche de la Fraternité Saint-Pie X fondée en 1970 par l’intégriste Mgr Marcel Lefebvre (1905-1991).
Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, a condamné samedi lors d’un entretien à Radio Notre-Dame les agissements d’« un groupuscule qui se réclame de l’Eglise catholique sans aucun mandat » et qui « fait de la foi un argument de violence ».
« On est en face de gens qui sont organisés pour des manifestations de violence et pour obtenir ce qu’ils ont obtenu d’ailleurs, une place dans les journaux », a-t-il dénoncé.
Le maire de Paris Bertrand Delanoë a exprimé sa « consternation » et son « inquiétude » face à ces tentatives de perturbation. Il a prévenu que la Ville de Paris et le Théâtre de la Ville déposeraient « systématiquement » plainte contre toute personne qui tente d’empêcher les représentations de la pièce.
Sortant du théâtre sous les huées de fondamentalistes, Thomas Ivernel, 41 ans et Christine Pinto, 30 ans, se sont étonnés de l’« ampleur » de la contestation. « Certes, c’est blasphématoire, c’est provocateur, mais on a vu bien d’autres choses pires », a estimé Thomas Ivernel.
La manifestation s’est dispersée dans le calme vers 22H45, a constaté une journaliste de l’AFP.
AFP