Après une première étape qui l’a conduite jusqu’à Ciudad Juárez en juin dernier [1], la Caravane pour la paix avec justice et dignité (CPJD), composée de 600 personnes réparties en 14 autobus, a parcouru, courant septembre, sept des principaux états du sud de pays.
Au cours de son trajet, la caravane a permis de mettre en relief une situation qui a peu à envier à celle du nord du pays, nombreux cas d’assassinats et disparitions forcées à la clé. Le passage de la caravane a rendu explicite une violence qui affecte, plus directement qu’au nord, les mouvements sociaux, historiquement plus nombreux et mieux enracinés au sud du pays. Si des mobilisations importantes ont été organisées pour recevoir la caravane menée par Javier Sicilia, des différences significatives sont apparues entre les organisations populaires et ce dernier.
Et la caravane passe…
Au Chiapas par exemple, une importante mobilisation a été organisée par plus de cinquante organisations, en vue de recevoir la caravane. Ces dernières, qui ont démontré une réelle capacité de convocation, n’ont cependant pas rejoint formellement le mouvement dirigé par Javier Sicilia. En effet, ce dernier avait décidé, contre l’avis des organisations locales, de rencontrer le Gouverneur du Chiapas. Dans l´État de Tabasco, plus de trente organisations ont reçu la caravane. Ces dernières, sans qui le passage de la caravane n’aurait sans doute pas eu le même impact, se sont néanmoins distancées du mouvement après s’être vu refuser la parole à la tribune par l’équipe de Sicilia.
Les exemples de ce type, auquels il faut malheureusement ajouter la disqualification systématique des dirigeant·e·s populaires par Sicilia et son équipe, ont été monnaie courante durant toute la durée de la caravane. Mentionnons également les insultes proférées au Chiapas, contre des journalistes qui questionnaient la stratégie de négociation adoptée par Sicilia face au Gouvernement de Felipe Calderón.
Un « abrazo » au gouvernement
L’attitude de Sicilia s’explique par sa volonté de se distancer de ce qu’il considère comme « la vieille gauche » ou « la gauche radicale », préférant négocier avec Calderón et sa bande de criminels. En bon catholique, il distribue allégrement des abrazos aux responsables de la mort de son fils. Cette « stratégie » a déjà produit son effet dans le Morelos, État de Sicilia et berceau du mouvement, où la mobilisation a été insignifiante, les activistes et « la vieille gauche » s’étant retirés. Et pourtant, aujourd’hui plus que jamais, il faut réaffirmer la nécessité pressante d’un mouvement large et pluraliste contre la militarisation, tout en tirant un bilan critique de cette dernière étape de la mobilisation. La voie à suivre doit être celle de l’unité la plus large possible entre les organisations populaires, syndicales, paysannes et de droits humains, qui seule sera capable d’entraîner l’immense majorité des gens qui souffrent de la stratégie criminelle de Calderón.
Héctor Márquez
Correspondant de solidaritéS à Mexico.
Victoire d’étape pour le Syndicat Mexicain des Électriciens
Plus de six mois après avoir occupé le Zócalo (Place de la Constitution) de Mexico, et à 23 mois de la brutale fermeture de la compagnie Luz y Fuerza del Centro (cf. solidaritéS no 189), le SME a finalement fait reculer le gouvernement de Calderón, en arrachant un accord qui lui donne satisfaction sur trois de ses quatre principales revendications. Notons tout d’abord que la direction élue du SME, avec à sa tête Martín Esparza, obtient enfin la reconnaissance juridique que s’obstinait à lui dénier les autorités. Corollaire de cette reconnaissance, la récupération de 21 millions de pesos de cotisations syndicales, bloquées jusqu’alors par le Secrétaire au Travail. Après les tentatives répétées du gouvernement de liquider le syndicat, ce dernier est à nouveau doté d’une personnalité juridique et de substantielles ressources, qui lui permettront de poursuivre la lutte. Autre point de l’accord, le gouvernement s’engage à résoudre la situation juridique, en vue d’obtenir la libération des douze membres du SME emprisonnés depuis plusieurs mois, sous l’accusation d’avoir participé à des débordements lors d’une manifestation ; lors de laquelle la police ainsi que des personnes infiltrées avaient multiplié les provocations. Le dernier point de l’accord concerne la principale demande syndicale, à savoir la réinsertion professionnelle dans le secteur électrique, des 16 500 travailleurs·euses qui ont refusé les propositions d’indemnisation gouvernementale et ont fait le choix de la résistance.
L’accord stipule qu’une solution devra être élaborée d’ici au 30 novembre au plus tard. Sur ce dernier point, Martín Esparza a déclaré que cet accord était une étape dans la lutte. Il a ajouté que s’il n’avait aucune confiance dans le gouvernement, il ne doutait en revanche pas de la capacité de mobilisation des travailleurs·euses, et que c’est uniquement grâce à cette dernière que l’accord pourrait se concrétiser. La lutte devra donc se poursuivre, mais la signature de l’accord est une preuve supplémentaire de la ténacité et de la combativité du SME face à un gouvernement de choc. C’est donc la tête haute que les travailleuses et les travailleurs du SME ont quitté le Zócalo le 13 septembre dernier… en étant prêt à y revenir si nécessaire.
HM