On voit déjà les premiers succès des mouvements contre le projet de Constitution européenne. Le NON français et néerlandais a contraint les gouvernements de l’Union Européenne à interrompre le processus de ratification et à faire une pause de réflexion. Si on ne veut pas que ce temps de réflexion soit mis à profit pour concocter des moyens d’appliquer quand même ce projet, il faut réfléchir à des alternatives possibles à ce projet.
D’une part, de telles alternatives doivent partir des structures de l’Union, y compris les rapports de force qui la traversent : il ne s’agit pas d’élaborer des chimères constitutionnelles. D’autre part, il faut tenir compte de l’inversion du rapport de forces, consécutif aux succès des référendums et aller plus loin que le projet constitutionnel en proposant des alternatives claires et des améliorations démocratiques. Penser signifie aller plus loin.
Le groupe de travail Europe du Conseil Scientifique présente une proposition alternative pour lancer la discussion au sein d’ATTAC et au-delà.
1. LES CRITERES POUR UNE PROPOSITION ALTERNATIVE
Des propositions alternatives doivent s’appuyer sur des critères ou des justifications rationnelles. Il ne s’agit pas de traiter ici toutes les variantes possibles des raisons avancées (en particulier les réflexions ayant trait à la philosophie de l’État). Malgré tout, on avancera quelques critères :
– Il faut partir du principe que s’appliquent à l’Union Européenne les mêmes échelles de valeur et critères que celles qui s’appliquaient aux États-nations. Un courant largement répandu (surtout parmi les juristes) conteste l’idée que l’Union européenne soit un État, ce qui ferait que les exigences opposables à un État en matière de droit constitutionnel ne le seraient pas à l’Union Européenne. On ne peut discuter ici, en détail de ce point de vue. Néanmoins, on sait que l’État n’est pas une entité matérielle établie pour toujours et délimitée dans l’espace, mais plutôt un assemblage de telles entités, auxquelles on attribue alors le nom d’État. Bref, l’État est une construction sociale, essentiellement juridique, à laquelle ont été attribuées des frontières : frontières entre le dedans et le dehors, entre le public et le privé et entre le pouvoir ou le non-pouvoir de décision.
Ces frontières bougent sans cesse et n’ont cessé de bouger à l’intérieur même des États-nations, depuis la fondation de la Communauté européenne, puisque des fonctions étatiques lui ont été transférées. Cette accumulation de fonctions étatiques, reconnue même en droit, justifie que l’on qualifie d’Etat l’institution qui a les a accumulées. En outre, les États membres et l’Union elle-même, qui ont proposé le projet de constitution et choisi comme titre « Constitution de l’Europe », ont franchi le pas qui menait d’une communauté d’États, d’une fédération d’États à un État. Historiquement, les constitutions ont été obtenues de haute lutte contre des États pour en limiter la puissance. L’argument, selon lequel une dénomination erronée ne suffirait pas à créer un État dans la mesure où ses conditions d’existence ne sont pas remplies, n’est pas convaincant.
Donc on peut - au minimum - appliquer à la Constitution de cet État les mêmes exigences que celles formulées et imposées lors des luttes sociales dans le cadre des États-nations. Parmi ces conquêtes on trouve, au premier rang, le principe de l’État de droit incluant la garantie des droits fondamentaux de l’individu, la démocratie, l’État social et, en outre, en Allemagne, l’obligation de maintenir une politique de paix.
– Les constitutions sont considérées comme un contrat social, dans lequel on peut distinguer deux conceptions : une individualiste et une plutôt pluraliste-collective. Selon la conception individualiste, chaque citoyen passe un contrat sur les règles de la vie en commun. Les Constitutions doivent donc pouvoir recueillir l’approbation de l’individu, si on veut que ce dernier accepte le renoncement à la violence comme en faisant partie de manière implicite. Selon nos critères modernes, l’acceptation individuelle suppose que la Constitution offre un choix d’options permettant à chacun de réaliser ses intérêts individuels, ses valeurs, ses préférences et donc de pouvoir jouer un rôle dans ce sens sur la société.
Cela exclut que la Constitution crée des minorités structurelles en garantissant ou refusant des privilèges ou des droits liés au statut social, à la religion, à l’ethnie ou au sexe. Cependant, on peut voir apparaître des minorités structurelles du fait de dispositions de la Constitution qui rendraient impossible la réalisation des intérêts individuels, des valeurs ou des préférences dans la société ainsi constituée. Dans ce cas, la Constitution restreint tellement le cadre des options possibles d’une politique, elle se limite si étroitement à un système de valeurs qu’elle devient inacceptable pour une grande partie de la population. C’était là un point central de la critique au projet constitutionnel européen : il n’est pas suffisamment ouvert sur l’avenir, pour que, à partir de ses principes/valeurs de base, différentes conceptions politiques trouvent une majorité et la mettent en œuvre. Par conséquent, une des exigences adressées à la Constitution serait d’être acceptable pour une large majorité de la société, ce qui suppose une très grande réserve quant aux choix politiques de demain. En bref, et dans cette perspective, la Constitution doit déterminer les règles du jeu politique, fixer le cadre des conflits politiques mais ne pas prendre elle-même de décisions a priori dans les domaines essentiels de la vie politique : elle doit rester ouverte sur l’avenir.
Cette conclusion s’impose encore plus clairement si on comprend la Constitution comme un contrat social en un sens pluraliste-collectif. Vue sous cet angle, la Constitution apparaît comme une ligne de compromis entre des conflits pluralistes d’intérêts, comme un compromis de classe ou une ligne d’armistice dans les conflits sociaux. Ceci suppose, en premier lieu, que les parties soient tombées d’accord sur un armistice, c’est-à-dire qu’elles aient renoncé à la violence et qu’elles aient accepté de régler leurs différends ou conflits dans le cadre légal tracé par la Constitution. Mais, cela signifie également que la Constitution doit laisser un espace ouvert pour ces conflits, un espace où peuvent se confronter différentes conceptions de la société, différentes politiques avec l’espoir de pouvoir un jour les imposer. Ceci peut se résumer d’une formule : ouverture sur l’avenir.
Ce qui donnait à la loi fondamentale (la Constitution allemande, ndt) son caractère de compromis, c’était essentiellement sa neutralité dans le domaine de la politique économique (ceci ayant été maintes fois confirmé par le Tribunal constitutionnel). Un des points centraux de la critique contre le traité constitutionnel, c’est qu’il n’est pas ouvert sur l’avenir, c’est-à-dire qu’il ne permet pas à différents projets de politique économique de trouver une majorité. Le projet porte l’empreinte néolibérale des traités européens et n’est donc pas acceptable d’un point de vue pluraliste.
De ce point de vue, que le traité soit ouvert à diverses orientations politiques renvoie à une ouverture à diverses conceptions de politique économique, ce qui ouvre la voie à la nationalisation et au contrôle démocratique d’importants secteurs de l’économie. C’est sur la base de ces critères : État de droit, démocratie, État social, obligation d’une politique de paix et ouverture sur l’avenir, qu’on peut formuler les exigences d’une Constitution qui serait acceptable pour l’Union européenne. Pour repérer les points de jonction avec le présent projet de traité - c’est de lui que nous partirons - avec les institutions qu’il propose, et pour formuler nos exigences, nous distinguerons entre exigences minimales et exigences à plus long terme.
2. EXIGENCES MINIMALES
Les exigences minimales sont :
– La suppression pure et simple de la partie III du présent projet constitutionnel, c’est-à-dire le renoncement à une orientation néolibérale univoque de la politique de l’Union [1]. Les objectifs politiques et les recommandations, très détaillés pour certains d’entre eux, seront remplacés par des règles claires sur la compétence et les procédures de décision, qui permettront des orientations politiques différentes.
• La 3e partie de la Constitution est au centre de la critique. Elle détermine jusque dans le moindre détail les objectifs et les moyens mis en œuvre dans les différents secteurs politiques. Ainsi, par exemple, les articles III-177,178 et 185 mentionnent l’obligation de se soumettre au principe de « l’économie de marché et de la libre concurrence », ce qui revient à fixer à la politique économique un objectif clairement néo-libéral.
Les objectifs et moyens de la politique doivent être - ouverts sur l’avenir - l’objet du débat politique, ce dernier ne devant pas être limité outre mesure par la constitution, pour autant que celle-ci ne veuille pas perdre son caractère de constitution (voir remarque A en fin de document).
Dans la mesure où cela n’a pas été fait dans la première partie (art. 13 et suivants), ces objectifs politiques sont à déterminer en termes de compétence, qui ne feraient état que des domaines de compétence sans préjuger du contenu de la politique. Si l’on supprime la partie III, cela entraîne nécessairement que les réglementations indispensables soient incluses dans la partie I [2].
Ces réglementations concernent l’organisation des procédures, notamment de celles à caractère législatif, et la répartition des compétences en matière de pouvoir législatif. Il faut ainsi préciser concrètement la répartition des compétences et fonctions des différents organes, celle-ci étant décrite entre les parties I et III. L’imprécision qui en découle a pour conséquence que les organes peuvent choisir eux-mêmes leurs compétences et que la mise en pratique est de ce fait reportée sur la Cour de Justice européenne. La constitution doit ici énoncer des règles claires et précises.
– Dans le cadre de ces règles de compétence, il est absolument nécessaire d’attribuer à l’Union la compétence exclusive en matière de droit fiscal et de législation sociale. Les règles de l’unanimité ne doivent pas s’appliquer à ces domaines.
– Le catalogue de compétences (exclusives) de l’article I-13 et suivants est à étendre sans restriction à la politique fiscale, celle-ci se limitant dans la Communauté Européenne et dans le projet constitutionnel (du moins en ce qui concerne la réglementation explicite [3]) aux impôts indirects. Il faut, du même coup, remplacer le principe d’unanimité, qui a jusqu’ici fait obstacle à une législation efficace. Il faut étendre la compétence de l’Union à la politique sociale, c’est-à-dire renoncer aux restrictions de la partie III qui excluent de la compétence exclusive des pans entiers de la politique sociale et prescrivent des systèmes de vote différenciés ; au lieu de cela il faut instaurer le procédé « normal » de compétences partagées (cf. remarque B en fin de document).
Ce sont des exigences minimales, car elles sont la condition préalable pour faire cesser le « race to the bottom » dans les deux domaines, la concurrence que se livrent les États-nations pour être « sites de production privilégiés ». Au moins, s’il y a compétence législative dans ces domaines, la redistribution du bas vers le haut ne pourrait plus être justifiée par « les avantages comparatifs » du pays voisin, puisque la politique européenne aurait désormais les moyens de mettre des limites à la casse sociale.
– Remplacement de l’article I-41 « dispositions particulières relatives à la politique de sécurité et de défense commune » qui oblige les États membres à « améliorer progressivement leur capacités militaires », ce qui revient à un ordre de militarisation. Cette prescription est à supprimer totalement et à remplacer par une interdiction formelle de mener une guerre d’agression.
– Les interventions militaires à l’étranger ne devant être autorisées que dans le cadre d’un mandat du Conseil de Sécurité de l’ONU. L’interdiction de mener une guerre d’agression est inscrite dans la Loi Fondamentale (en RFA, ndt) et fait partie de la Charte de l’ONU, qui a force obligatoire pour les États membres. On peut alors débattre, il est vrai, de la légitimité des interventions militaires à l’étranger et se demander si un mandat de l’ONU est une garantie suffisante. Mais, tant que des interventions militaires sont justifiées en-dehors des résolutions de l’ONU, que ce soit au nom de leur caractère humanitaire ou comme quasi-aide d’urgence, il est indispensable d’assurer un statu quo qui, par des dispositions constitutionnelles explicites, oblige l’Union européenne à respecter les règles de la Charte de l’ONU ou à confirmer celles-ci dans la Constitution.
La référence doit être les règles de la Charte et non, comme le prévoit le projet de la Constitution, ses principes. Ceux-ci, étant sujets à interprétation, sont susceptibles de laisser tant bien que mal le champ libre à toute intervention militaire sous l’appellation d’« interventions humanitaires ».
3. EXIGENCES A PLUS LONG TERME
Les exigences minimales ne suffisent pas à élever la constitution de l’Europe jusqu’au niveau de participation démocratique et de protection juridique atteint dans les États-nations. Pour cela il faudrait procéder à des modifications fondamentales de la Constitution. Les remarques qui suivent portent sur ces modifications fondamentales et non sur des petits détails, en nombre, qu’il serait pourtant juste aussi de critiquer.
a) Participation démocratique
C’est presque un lieu commun de dire que les institutions de l’Union et sa législation ne correspondent pas au niveau de participation démocratique historiquement atteint. Si les États membres veulent établir une Constitution par contrat et non se contenter d’un nouveau contrat multilatéral, c’est à ce niveau qu’ils doivent se situer.
– Il faut inverser le rapport entre le Parlement et le Conseil dans la procédure législative.
Ce qui signifie : en principe le Parlement vote les lois à la majorité simple. Le Conseil ne devrait avoir qu’un droit de veto (procédure inverse de la collaboration). Dans certains cas précisément déterminés, l’accord du Conseil est nécessaire (procédé inverse de la décision partagée).
– L’organe législatif central de l’Union, aux termes du contrat établissant la Communauté européenne aussi bien qu’à ceux du présent projet, reste, aujourd’hui comme hier, le Conseil et non le Parlement [4].
La communauté européenne a dépassé depuis longtemps le stade où les objectifs politiques étaient définis après pourparlers intergouvernementaux et transposés sous forme d’actes juridiques. Les gouvernements représentent obligatoirement leurs intérêts nationaux particuliers, si bien que les accords politiques au sein du Conseil portent toujours le caractère d’un compromis entre intérêts nationaux particuliers. La conception d’une représentation démocratique part pourtant - à quelques nuances près, du principe que, pour le moins, le regroupement d’intérêts différents au sein du Parlement ouvre tant à l’intérieur du Parlement qu’entre la population et le Parlement des occasions de débat permettant de formuler en termes politiques et législatifs des éléments de bien-être de l’intérêt général (cf. remarque C en fin de document).
Cela rend indispensable de transférer la compétence législative centrale du Conseil - en tant que représentant d’intérêts nationaux particuliers - au Parlement - en tant que représentant hypothétique de l’intérêt commun de l’Europe. L’inversion des procédures existantes semblerait être un moyen éprouvé d’y parvenir. Il faudrait revenir dans le détail pour déterminer quels domaines de la politique auraient besoin de l’accord du Conseil, à quelle majorité, quels autres n’en auraient pas besoin... mais on ne peut en discuter ici.
En outre, une représentation démocratique suppose le principe de l’égalité de chaque voix, ou pour l’exprimer autrement « one(wo)man, one vote », chaque voix ayant le même poids. Actuellement, ce n’est pas le cas parce que les petits États ne seraient représentés que par un faible nombre de députés [5]. La représentation proportionnelle dégressive contredit le principe de l’égalité des voix, mais dans l’état actuel des choses, et en tenant compte des petits États, elle ne peut être modifiée. C’est pourquoi il faut introduire dans la constitution une règle de vérification, c’est-à-dire l’obligation dans 10 ans de modifier la représentation à la majorité simple dans le sens de l’égalité des voix. Peut-être alors l’intégration régionale aura-t-elle progressée au point de rejeter à l’arrière-plan la représentation proportionnelle des nations. Sous une forme simplifiée, les procédures de décision au Conseil pourront être conservées.
– Le Parlement européen et le Conseil détiennent, au même titre que la Commission, l’initiative des lois.
° Il va de soi en démocratie que les élus du peuple ont le droit de voter des lois contre la volonté des gouvernements ou l’opposition celui de proposer des lois lui permettant de faire entendre sa différence. Impossible sinon d’édifier un espace public européen démocratique, avec une opposition en mesure de contrôler le travail de la majorité et de discuter ses décisions. A l’heure actuelle, la compétence exclusive de l’exécutif, c’est-à-dire de la Commission, en matière d’initiative des lois (Art. I-34) lui garantit pour ainsi dire un droit de veto injustifiable à l’encontre des législateurs élus.
– Le droit au référendum d’initiative populaire prévu par la Constitution doit englober le vote référendaire.
° Dans la plupart des États membres de l’Union la Constitution prévoit la possibilité pour le peuple de légiférer. Cette possibilité consiste, en règle générale, en un référendum d’initiative populaire, que le Parlement, après en avoir été saisi, doit ensuite voter. Lors d’un référendum,le peuple adopte par un vote direct un projet de loi ou toute autre décision. Un droit au référendum d’initiative populaire sans vote populaire à la clé ampute la possibilité donnée au peuple de légiférer, et la vide de son sens : représenter un correctif au pouvoir législatif des organes de la démocratie représentative, lorsque ceux-ci ne représentent pas la volonté majoritaire du peuple. Une participation démocratique donnant au peuple le pouvoir législatif exige la possibilité de remplacer les décisions du Parlement par un vote populaire.
Ce mode de consultation doit être possible pour toutes les décisions prises par le Parlement, donc par exemple pour les lois concernant le budget de l’État [6].
– Une révision de la Constitution ne peut être proposée que par le Parlement ou le Conseil européen. La ratification appartient aux citoyens de l’Union par voie référendaire [7].
° Pour être ouverte sur l’avenir une Constitution doit comporter un mécanisme permettant de la modifier, sans être contraint de recourir à des instances extérieures. En l’absence d’un tel mécanisme, la Constitution est une dictature imposée par la génération actuelle aux générations futures. Certaines Constitutions prévoient la possibilité d’une révision à la majorité qualifiée, cette majorité variant suivant les constitutions. D’autres se rattachent aux principes originels du contrat social et n’autorisent de révision que par voie référendaire. C’est cette tradition démocratique qui devrait être retenue par l’Union.
– Le Parlement élit la totalité des commissaires [8] (et pas seulement le Président de la Commission) ; il peut aussi destituer chacun d’eux. On peut cependant réserver au Conseil un droit de veto.
° Là encore, on assiste à un bouleversement démocratique dans la situation actuelle des rapports sociaux. Le projet de Constitution reconnaît expressément dans l’article I-26 que la Commission dispose du pouvoir exécutif [9]. Outre ses compétences formelles, l’exécutif dispose d’une influence déterminante sur la mise en œuvre des lois [10]. La légitimation personnelle est donc dans toutes les Constitutions nationales partie intégrante de la participation démocratique.
À l’heure actuelle la Commission fonctionne comme le bras armé des États-nations, même si l’on a réduit le nombre de commissaires et que les États n’ont pas tous un commissaire à une période donnée. Elle agit sans lien avec le Parlement et en total décalage avec la volonté politique de la population européenne : c’est un système. La participation démocratique exige en effet que l’exécutif soit responsable devant le peuple souverain ; dans le cas de l’Union, cela ne peut signifier qu’une chose : que tous/toutes les commissaires soient élu-e-s par le Parlement [11].
b/ Le principe de l’État de droit dans l’Union
Le principe de l’État de droit englobe non seulement les droits fondamentaux, mais aussi leur énonciation sous forme de lois universelles et le contrôle du pouvoir exécutif exercé par la justice. Le principe de l’État de droit fait partie des objectifs de l’Union et englobe le caractère universel de la loi. Les droits fondamentaux viennent d’être incorporés à la partie II du projet de Constitution. Le catalogue des droits fondamentaux adopté dans le projet recoupe largement celui qui est en vigueur dans les États-nations. Il comprend des droits sociaux fondamentaux qui excèdent ceux que reconnaît la Loi fondamentale ; en particulier le droit à l’éducation (Article II-74) [12]. On pourrait cependant exiger quelques améliorations :
– Les droits fondamentaux, incluant le droit à la dignité, sont en général limités dans l’article II-112 § 2 du projet de Constitution, cette limite en illustrant la relativité. Le droit à la dignité (Art. II-61) doit cependant être garanti sans aucune limitation.
– Quelques-uns des droits fondamentaux sont reconnus sans aucune limitation (liberté d’opinion par exemple) tandis que d’autres n’ont pas même le rang de droits, mais celui de structures devant être respectées ou reconnues par l’Union - si tant est qu’elles existent. Dans ces passages, il faudrait formuler des droits clairement établis.
– Le renvoi à des explications (art. II-112 § 7) fournies par le Comité directeur de la Convention est superflu et doit donc être supprimé.
° La garantie sans limites ni conditions du droit à la dignité ne peut sans doute se comprendre qu’à la lumière de l’histoire allemande, mais c’est précisément cette histoire qui rend indispensable cette garantie. C’est elle qui fonde en République fédérale l’interdiction de la torture. Le projet de Constitution prévoit une interdiction expresse de la torture dans l’article II-64. Mais les débats sur la relativisation de cette interdiction, qui ne se déroulent pas qu’en Allemagne, montrent bien l’importance d’une garantie sans limites ni conditions du droit à la dignité.
Formuler clairement les droits est en soi un impératif de l’État de droit, puisqu’en cas contraire on s’en remet aux tribunaux pour l’interprétation, large ou restrictive, de ces mêmes droits, leur laissant ainsi le pouvoir d’usurper celui du législateur. Il est regrettable que l’article II-112 § 7 exige le recours aux explications du Comité directeur de la Convention pour les interpréter. On pourrait dire que cette règle prescrit l’interprétation la plus généralement usitée, un commentaire pour ainsi dire génétique, qui, dans cette mesure même, ne soulèverait pas de difficultés. La mention expresse faite dans la Constitution souligne particulièrement la volonté du Comité directeur de la Convention dans le débat général sur la Constitution, ce qui n’est nullement justifiable. En outre les questions de méthode n’ont rien à faire dans la Constitution.
– Le droit au logement doit être ajouté comme un droit social important.
– Le droit de travailler (Article 75-II § 1) ainsi que la liberté d’entreprise (Article 76-II) devraient être supprimés et remplacés par le droit au travail.
– La garantie du droit de propriété doit être complétée par la possibilité de socialiser la terre, les ressources naturelles et les moyens de production.
° Dans certains Länder, la Constitution garantit le droit au logement et au travail et limite explicitement, (cf. l’article 15 GG) le droit à la propriété par la possibilité de socialiser ces biens. En pratique, ces garanties sont peu appliquées, mais elles fondent l’affirmation que la Constitution fédérale allemande et celles des Länder sont neutres en matière de politique économique. On peut donc y recourir pour interpréter les prescriptions relevant de l’économie politique dans la structure générale de la Constitution. La sacralisation de la liberté d’entreprise ouvre à une interprétation opposée. Dès lors qu’on doit lui attribuer une signification qui dépasse la liberté de choisir sa profession, reconnue ailleurs dans la Constitution, elle marque une limite à la régulation en matière de politique économique. Une Constitution n’est acceptable que si elle laisse place à des orientations politiques divergentes dans le domaine central de la politique économique. Pour leur garantir cette place, il faut procéder aux modifications ci-dessus.
– Il faut introduire un nouveau droit fondamental concernant le code génétique de tout individu, qui protège le génome humain contre l’accès à son information génétique, sa divulgation et ses modifications.
° Le projet de Constitution est sur ce point plus moderne que la Loi fondamentale et que d’autres Constitutions européennes, rédigées avant que ce problème n’existe. L’article II-63 § 2 du projet mentionne l’interdiction de pratiques eugéniques et de la sélection, de marchandisation du corps humain (d’une ou plusieurs de ses parties) et du clonage reproductif. Cet article aborde et réglemente une partie des conséquences sociales que risque d’entraîner le développement des recherches sur le génome humain, mais il est loin de régler celles que l’on voit s’esquisser dans les domaines de la vie professionnelle, des assurances, de la protection des données en général et de la génétique médicale, comme le clonage à but thérapeutique. C’est pourquoi il est urgent d’élargir encore la protection du code génétique humain par un nouveau droit fondamental, qu’il faudra concrétiser par une loi.
– On doit créer à l’intention des citoyens un instrument plus efficient pour faire reconnaître par la législation de l’Union la violation de leurs droits démocratiques. Pour cela il faut instaurer une possibilité individuelle de porter plainte pour violation des droits démocratiques devant la Cour de justice européenne après échec de toutes les voies de recours auprès des instances nationales.
– Le Parlement peut faire sanctionner la violation de la Constitution par des organismes de l’Union. Cette possibilité n’existe pas pour des minorités parlementaires ou pour l’opposition. Le droit de porter plainte pour violation des règles de procédure démocratique (et non seulement pour violation de leurs droits individuels) doit être introduit à l’intention des minorités parlementaires
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° Le droit à plainte individuelle devant la première instance du tribunal européen et devant la Cour de Justice européenne, tel qu’il existe dans les Traités européens en vigueur et dans le projet de Constitution est embrouillé et son exposition nécessite des volumes entiers. Mais il faut bien constater que la protection des droits de l’individu contre des actes législatifs de l’Union, qui ne concernent pas directement le citoyen mais nécessitent de passer par une décision administrative, est insuffisante. À l’heure actuelle, des individus peuvent porter plainte auprès de tribunaux nationaux et demander de transmettre la plainte à la Cour européenne s’ils estiment que le droit européen est violé. Mais les tribunaux nationaux ne sont pas obligés de donner suite. C’est pourquoi il semble utile dans l’intérêt de la protection juridique individuelle de créer une possibilité de porter plainte pour violation des droits démocratiques quand toutes les voies de recours ont échoué. Il ne s’agit pas d’exiger un examen général de la conformité à la Constitution ou à tous les droits fondamentaux. La plainte ne devrait être déposée qu’en cas d’atteintes aux droits démocratiques de l’individu, tel que liberté d’expression, d’association ou de réunion, ou au droit électoral. Ceci renforce la position de l’individu dans le processus de décision démocratique tout en évitant que la Cour européenne ne s’immisce dans la politique du législateur national en faisant état de la supériorité des normes constitutionnelles. Pour toutes ces raisons, il convient d’accorder à l’opposition elle aussi la possibilité de porter devant la Cour européenne les violations en matière de compétence ou de procédure (cf. remarque D en fin de document).
c/ Politique sociale, économique et environnementale de l’Union
– L’État social est à mettre aux côtés de la démocratie et de l’État de droit au nombre des valeurs fondatrices et des objectifs de l’Union. La réalisation de l’État social implique pour les États membres la présence d’un secteur public qui prendrait la forme d’une organisation économique indépendante sous contrôle politique, et ne serait pas soumise aux « libertés fondamentales » (c’est-à-dire aux règles de la concurrence)
° L’État social fait partie, au même titre que la démocratie et que l’État de droit, des conquêtes les plus importantes obtenues au terme d’affrontements et de compromis sociaux, et doit en conséquence être comme eux compté au nombre des valeurs fondatrices de l’Union. La première partie du projet de Constitution contient des références à la justice et au progrès sociaux, mais n’en fait pas un principe fondamental de l’État. On peut objecter que le principe de l’État social, abstraction faite de la garantie juridique d’un (modeste) revenu minimum d’existence, n’ayant guère d’incidences sur le système juridique de la République fédérale, peut être omis dans une Constitution européenne. Toutefois, la garantie par l’État d’un revenu minimum d’existence n’est pas une obligation liée à l’objectif de justice sociale tel qu’elle est prévue par la Constitution. En outre le principe de l’État social amène à d’autres conclusions : on peut l’interpréter dans le sens d’une politique économique et sociale intégrée, ce qui en ferait un nouveau pilier de la neutralité de la Constitution en matière d’économie politique.
Le secteur public, en tant qu’il organise la prévoyance, est un instrument important pour imposer, y compris à l’échelle régionale, des exigences de l’état social. Dans ce domaine, la communauté a pratiqué dans le passé une politique de libéralisation, qui eut très peu d’effets positifs pour les citoyens(nes), et les conquêts sociales se sont peu à peu perdues. Cela rend obligatoire pour le secteur public, en tant qu’il est une partie de l’état social, d’organiser une garantie d’existence originale. Pour le concept de politique socio-économique intégrée, le secteur public peut continuer à prendre en charge de nouvelles fonctions.
– Ce n’est plus le Conseil, mais le Parlement qui décide du budget de l’Union. La limitation constitutionnelle des dépenses aux fonds propres, prévue à l’article I-153 du projet de Constitution doit être supprimée. On prévoit à sa place une obligation d’équilibre économique global du budget.
° Le droit du Parlement à décider du budget est l’une de ses attributions les plus anciennes et les plus importantes. Le Parlement dispose ainsi - du moins dans les grandes lignes - du droit à décider non seulement de la fiscalité, mais aussi de l’utilisation des recettes fiscales, de notoriété publique un point fondamental pour l’organisation sociale.
Le projet de Constitution limite les décisions budgétaires à l’utilisation des fonds propres. Les actes juridiques eux aussi ne peuvent être pris, aux termes de l’article I-153 § 5, que si les dépenses qui leur sont liées peuvent être financées dans le cadre des fonds propres de l’Union. Cette prescription est facile à interpréter : l’Union ne peut recourir à un prêt pour financer ses dépenses. C’est un impératif économique qui interdirait à l’avenir de pratiquer une politique anticyclique, à la manière de Keynes par exemple, si le budget était dépassé. L’obligation de l’équilibre économique global, en revanche, permet de recourir à l’emprunt pour réaliser des programmes conjoncturels européens.
– La Banque Centrale européenne, surtout parce qu’elle est indépendante et qu’elle a pour unique obligation de garantir la stabilité des prix, doit disparaître complètement de la Constitution.
° La Banque centrale n’apparaît pas seulement dans la partie III du projet de Constitution (qui, nous l’avons déjà dite, doit être supprimée dans sa totalité) mais aussi à l’article I-30. Aux termes de cet article, la Banque centrale est indépendante et n’a comme seule obligation que de garantir la stabilité des prix. L’indépendance d’une banque centrale ne peut se justifier du point de vue démocratique. Par le biais de la politique financière, une telle banque peut exercer une influence décisive sur l’évolution de la société et en cas de doute contrecarrer la politique économique d’un gouvernement. Elle peut le faire sans être soumise à aucun contrôle démocratique ni à la souveraineté populaire. Une banque centrale qui n’est responsable devant personne ne peut pas exister dans le cadre d’une démocratie fonctionnant à peu près [13].
– Abolition du Traité EURATOM
° Le traité EURATOM, qui promeut depuis 1957 le développement de l’énergie nucléaire en Europe, est le seul traité européen à ne pas avoir été repris dans le projet de Constitution. Mais cela ne suffit pas, il doit être complètement aboli. Développer la recherche et les crédits destinés à l’énergie nucléaire, avec les risques bien connus qu’elle comporte et le problème toujours non résolu du stockage définitif des déchets n’est pas tenable - le pérenniser par un traité l’est encore moins.
Remarques pour (éclairer ?) les débats :
A Il semble maladroit sur le plan politique d’attaquer les libertés fondamentales qui forment pour ainsi dire le socle de l’UE. Les libertés fondamentales du marché intérieur sont garanties dès le titre I de la constitution, elles sont suffisamment concrétisées par la juridiction et les actes juridiques de l’Union. On peut se passer, dans la Constitution, des libertés fondamentales et de l’interdiction des subventions et les réglementer simplement par voie législative. Cela les rendrait plus faciles à modifier.
Les libertés fondamentales, telles qu’elles sont interprétées à l’heure actuelle, et la concrétisation juridique qu’elles reçoivent sont sûrement partie intégrante du projet libéral de l’Union. Mais ce n’est pas une nécessité : dans les États nations, elles n’étaient - à l’exception de l’interdiction des subventions - qu’une partie du corpus juridique commercial ; elles ne sont donc pas nécessairement liées à la privatisation et à la dérégulation.
B Le danger d’alignement vers le bas que comporterait une législation européenne en matière de politique sociale et fiscale fait débat. Mais cela ne devrait pas empêcher d’intégrer la compétence dans la Constitution, car les orientations socio-politiques pourraient alors être soumises au processus de décision démocratique. En outre, il semble à l’heure actuelle qu’une compétence législative offre au moins une chance de fixer une limite inférieure à la dégradation des normes minimales. En définitive, - là comme dans d’autres domaines politiques - on ouvre la voie à des réglementations plus favorables existant dans les États membres (par exemple niveau de protection plus élevé) en incluant l’obligation de celles-ci dans la Constitution.
C Ce n’est pas ici le lieu de discuter des critiques faites à cette conception et - à ce qu’elle est devenue dans la réalité, puisqu’il s’agit uniquement de répartir les compétences législatives entre le Conseil et le Parlement.
D L’examen par un tribunal des décisions parlementaires est un instrument ambivalent, puisqu’il restreint les pouvoirs du législateur démocratique. Il tend incontestablement à conserver les structures existantes et fait partie de la panoplie de maintien du pouvoir en place. Historiquement l’exigence, qui a fini par s’imposer, de soumettre les lois à l’appareil judiciaire visait précisément ce but. Mais lorsque la conjoncture politique change les fonctions des tribunaux constitutionnels changent aussi. Ils protègent aussi les droits politiques et sociaux des citoyens. Par exemple on pourrait argumenter contre la limitation précédente du droit à plainte contre la violation de la démocratie : si le Conseil et le Parlement peuvent déposer plainte pour violation de la Constitution, cela doit valoir aussi pour les citoyens, qui donc pourraient en tout état de cause faire valoir leur droits au même titre que les organes nommément désignés de l’exécutif. Il en va de même pour le droit des minorités parlementaires à déposer plainte. Ici, critique et débat s’imposent.
Notes
1. La Constitution remplace pourtant les traités existants.
2. Toutes les mentions faites à cette partie, bien entendu, sont également à supprimer.
3. L’art. III-171 autorise les « mesures prise pour harmoniser les préscriptions légales régissant les taxes professionnelles, les impôts sur la consommation et autres impôts indirects, dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour réaliser et faire fonctionner le marché intérieur et pour éviter de menacer la concurrence“. Voici une compétence explicite : l’art. II-172, alinéa 2 stipule que »l’alinéa 1 ne vaut pas pour les décisions concernant les impôts, les donations, et les droits et intérêts des employés“. On en déduit que, en vue de réaliser le marché intérieur, la régulation peut concerner d’autres impôts, mais que ce ne sont juste pas les mêmes procédures. Mais cela n’est pas contraignant.
4. L’art. I-34 du TCE prévoit tout d’abord que le Parlement et le Conseil ont l’initiative conjointe des lois européennes. Le deuxième alinéa vient cependant ajouter l’exception suivante : pour certaines lois, le Conseil peut aussi avoir l’initiative des lois avec la participation du Parlement ou le Parlement avec la participation du Conseil. Dans la partie III, cela est concrétisé par le fait que le Conseil décide les lois et dans quelques cas, est obligé de recevoir l’assentiment du Parlement (art. 175 du TCE, procédure de codécision). Dans d’autres cas, le Parlement peut faire appel d’actes législatifs du Conseil, ce qui ralentit la procédure, mais le pouvoir de décision reste au Conseil. Il ne lui suffit pour cela que de prendre une nouvelle décision (art. 257 du TCE, procédure de collaboration). Outre cela, il y a aussi comme auparavant quelques domaines de la politique européenne pour lesquels il est prévu que le Conseil prenne sa décision après avoir entendu le Parlement.
5. C’est la raison pour laquelle l’art. 20, alinéa 2 stipule que les "citoyennes et citoyens sont représentés au parlement sur le mode de la proportionnalité dégressive, avec cependant un minimum de six députés par État membre. Aucun État membre ne reçoit plus de 96 sièges“.
6. C’est impossible en Allemagne, essentiellement à cause de la jurisprudence établie par les Tribunaux Constitutionnels des Länder, qui interprètent de façon très restrictive les constitutions des Länder.
7. Le Traité établissant une Constitution européenne prévoit des modalités de modification, dans les articles IV-443 et 444. L’article 443 établit les normes du processus de révision : toute révision de la Constitution doit être préparée par une Convention et ensuite ratifiée séparément par tous les États membres.
Il devrait être un peu plus facile, selon l’article 444, de modifier les majorités requises et les procédures législatives dans les divers domaines politiques pris séparément. La décision revient d’abord au Conseil européen ; sa décision est intégrée à la constitution si aucun Parlement national ne s’y oppose. Cette facilitation n’est qu’un leurre, car elle n’a d’intérêt que si un Parlement national est en désaccord avec son propre gouvernement.
Dans l’article 18 se trouve la « clause de flexibilité ». Avec l’accord du Parlement, elle autorise le Conseil à créer à l’unanimité de nouveaux domaines de compétence politique.
Le projet ne contient aucune autre modalité de révision. Celle-ci ne constitue pas de changement notable par rapport aux traités précédents, et donc la révision de la Constitution reste en dernière instance du ressort des États membres, directement ou par le biais de leur représentation au Conseil.
8. La Convention avait proposé la confirmation par le Parlement, avec péréquation entre les différentes majorités nationales, du président de la Commission choisi par le Conseil. Celui-ci devait ensuite choisir les commissaires sur des listes de trois noms proposées par les États membres. Cela aurait permis d’infléchir le choix de la direction de l’exécutif dans un sens plus politique. C’était déjà trop pour les gouvernements des États membres. Les listes de trois noms furent donc rayées du projet, et les commissaires continuent à être nommés par les États membres. Seul élément nouveau : la rotation des commissaires (Article 27).
9. Ceci est contesté sur le plan juridique, c’est-à-dire qu’on prévoit un mélange de compétences de la Commission qui revient à limiter le contrôle démocratique et la responsabilité des élu-e-s.
10. Cela découle du principe d’opportunité, de décisions expresses en matière d’évaluation et de la multitude de concepts juridiques indéterminés qui accordent au pouvoir exécutif des domaines de décision faisant que les décisions exécutoires ne sont pas déterminées par des lois, ne sont pas considérées comme des applications de la loi.
11. Le rôle du chancelier fédéral allemand - responsable seulement devant le Parlement et libre de fixer lui-même les orientations politiques favorise - pour le moins - un exercice autocratique du pouvoir et ne devrait pas être repris dans une Constitution européenne.
12. Mais le caractère de compromis de cette modalité apparaît clairement (dans l’article II-112 § 7) quand un droit est accordé en même temps, ici le droit à l’école privée.
13. La loi fondamentale exige l’indépendance de la Banque Centrale Européenne (Article 88). Cette prescription a été créée dans les années 90 dans le cadre de l’union monétaire, afin de limiter la marge de manœuvre du gouvernement allemand qui a ainsi en quelque sorte créé lui-même la nécessité de l’indépendance de la BCE. On peut se libérer des chaînes qu’on s’est soi-même imposées. Elles ne peuvent justifier de manière convaincante des normes dictées à l’Union et possédant valeur constitutionnelle. Il semble également douteux que cette prescription n’introduise pas dans la Constitution un droit anti-constitutionnel, puisqu’il viole le principe de démocratie, tout particulièrement protégé par la Loi Fondamentale (garantie de perpétuité ??).