Un matraquage ininterrompu. Il y a 4 ans, l’affiche du « mouton noir » contre les « délinquant·e·s étrangers » boostait l’initiative de l’UDC en campagne pour les élections nationales. De 1964 à 2007, quinze initiative xénophobes ont été présentées. En 2009 et 2010, l’UDC parvient à imposer deux modifications racistes de la constitution.
Devenu en moins de 20 ans le plus puissant parti de Suisse, l’UDC a plus que doublé sa fraction parlementaire. Sa propagande a largement contribué à son succès. En 2004, des mains de couleur saisissaient avec avidité des passeports suisses qu’auraient bradés des autorités antinationales.
Le poids des mots, le choc des photos
Ses images illustrent un vrai programme. « Interdire les minarets n’attente pas à la liberté du culte » dit l’UDC. Mais sa sorcière en burqa sur fond de drapeau suisse mutilé par des minarets appuie son affirmation que l’islam est incompatible avec la démocratie (cf. Oskar Freysinger, Radio Courtoisie, 12 février 2010). L’UDC dit introduire l’expulsion d’étranger·e·s que la loi autorise déjà. En réalité son initiative lui sert à dessiner le Noir comme un assassin et le Blanc comme une victime.
1er août 2011, rebelote. A la veille du vote contre le supposé crime étranger, ce parti chapeautait du slogan « Les Suisses votent UDC » la présentation de sa plateforme électorale 2011. Eté 2011, re-veille d’élections nationales : re-nouvelle initiative pour « Stopper l’immigration massive ». Visuel : des envahisseurs bottés de noir piétinent le drapeau suisse.
Premières réactions, premiers silences
Immédiatement, les Verts « rejettent très vigoureusement l’initiative contre l’immigration de masse qui ne fait qu’attiser la xénophobie ». Relayé par Facebook, Ueli Leuenberger incite à retourner les feuilles de signature à l’UDC pour lui en faire payer le port.
Le 10 août, un appel en faveur du « Fair-play dans la campagne électorale » bénéficie de l’appui de la Commission fédérale contre le racisme (CFR), des communautés religieuses, des ONGs et des syndicats « pour exhorter la population à donner sa voix à la lutte contre le racisme et la discrimination pendant la campagne électorale » (cf. www.fairplay-elections.ch).
Le Parti libéral radical (PLR) condamne « l’attaque frontale du parti isolationniste contre la prospérité et la stabilité de la Suisse ». Le Parti socialiste suisse, hélas, n’a pas réagi à ce jour et la cheffe du Département fédéral de justice et police, la socialiste Simonetta Sommaruga, propose de restreindre le droit d’asile au-delà de ce qu’avait réalisé Christoph Blocher.
L’UDC n’a pas inventé cette xénophobie
L’UDC veut inscrire dans la Constitution le fait que l’immigration doit servir les intérêts économiques globaux de la Suisse et garantir la priorité des Suissesses et des Suisses sur le marché du travail. Cette xénophobie revendiquée est inscrite depuis près d’un siècle au cœur des institutions helvétiques.
Sa « nouvelle » initiative ne fait que conforter les bases du droit des étranger·e·s qui prévaut depuis sans avoir – hélas – jamais fait l’objet d’un véritable débat. L’UDC s’apprête à chauffer la rue et les esprits en revendiquant ce que la vieille Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers prévoit depuis 1931 : « Pour les autorisations, les autorités doivent tenir compte des intérêts moraux et économiques du pays, ainsi que du degré de surpopulation étrangère » (cf. Art. 16, « Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers », LSEE).
Son initiative comporte une nouveauté. Elle demande que les réfugié·e·s soient eux aussi contingentés, ce qui revient à anéantir le droit d’asile (LAsi, 1980) et à revenir aux années 1930 où l’application de la LSEE avait permis de refuser l’asile politique aux Juifs.
L’UDC affirme incarner l’idéal national suisse. Hélas, sa prétention est d’autant moins usurpée qu’elle s’inscrit dans une longue période historique.
La disposition constitutionnelle que veut aujourd’hui l’UDC prolonge l’article 69ter de la Constitution. Cet article avait été adopté en votation populaire le 25 octobre 1925 et permettra à la Confédération de légaliser la lutte contre « l’Überfremdung » en 1931. Une lutte par ailleurs décidée par le Conseil fédéral et mise en œuvre dès 1917 grâce aux « pleins pouvoirs » liés à la guerre. La LSEE permettra aux juristes de la police des étranger·e·s de donner une base légale au combat contre « l’infiltration étrangère », contre « l’enjuivement », pour reprendre les termes d’Henrich Rothmund (cf. Weill-Isler-Grünberg, Un essai sur le racisme d’Etat, CORA, Lausanne 1999)
La Suisse était neutre, ses autorités ne pouvaient diriger leur nationalisme contre un Etat étranger. La menace ne pouvait être que la personne même de l’étranger, susceptible d’altérer excessivement l’identité nationale, d’überfremden. Combattre ce risque devint la clé de voûte d’un nationalisme raciste (völkisch) valorisant l’identité suisse contre les Juifs et les Gitan·ne·s hier, contre les musulman·nes, les réfugié·e·s et les Roms aujourd’hui.
Karl Grünberg
ACOR SOS Racisme
Mais que dit l’UDC ?
Décider à nouveau quelles étrangères et quels étrangers peuvent venir en Suisse et combien de temps ils peuvent rester.
Limiter l’immigration par des plafonds annuels et des contingents pour tous les types d’autorisations de séjour. Frontalières et frontaliers, réfugié·e·s seront inclus·e·s.
Tenir compte des intérêts économiques globaux de la Suisse lors de l’attribution d’autorisations de séjour à des étrangères et étrangers exerçant une activité lucrative.
Rejeter tout droit au séjour, au regroupement familial, aux prestations sociales.