Liaisons sociales
UN FORD DANS LA COURSE À L’ÉLYSÉE (LIAISONS SOCIALES)
Au NPA, un fils de postier succède à un facteur. C’est en effet Philippe Poutou, 44 ans, fils d’un ancien agent de La Poste girondin, qui portera les couleurs du Nouveau Parti anticapitaliste à l’élection présidentielle de 2012, reprenant le flambeau d’Olivier Besancenot. À Blanquefort, commune de la banlieue bordelaise, la désignation, dans la douleur, avec 53 % des voix, de cet agent de maintenance a fait sensation le 25 juin dernier sur l’immense site de l’usine Ford, rebaptisée First Aquitaine Industries depuis qu’elle a été vendue en 2009 à un holding allemand, avant d’être rachetée par le constructeur américain en 2010 (voir également notre cahier Bordeaux, page 39). C’est là que Philippe Poutou a fait son trou, la trentaine passée, après avoir multiplié les petits boulots. Enchaînant les missions d’intérim pendant trois ans, à partir de 1996, il profite d’une vague d’embauches consécutive à l’accord 35 heures pour décrocher un CDI. « C’est un peu paradoxal de dire ça aujourd’hui, mais Ford, c’était la plus grosse boîte du coin, avec des salaires au-dessus de la moyenne et des conditions de travail qui donnaient envie à un intérimaire de rester. »
Un an après, ce militant de Lutte ouvrière puis de la LCR prend néanmoins sa carte à la CGT, « le seul syndicat qui se bat face à la direction ». S’ensuit un parcours que Philippe Poutou considère comme « normal ». « À la CGT, quand on bosse, on prend des responsabilités », explique-t-il. Au cours de la dernière décennie, la CGT de Blanquefort s’est « reconstruite », après le départ de ses dirigeants historiques, Pierre Le Ménahès et Jean-Claude Conte. Elle est aujourd’hui incarnée par deux quadras, Philippe Poutou, engagé aux dernières élections régionales sous l’étiquette NPA, et son alter ego Gilles Pennel, le secrétaire du CE, conseiller municipal et communautaire de Blanquefort, élu sur une liste PC et apparentés.
Ensemble, ils ont connu l’échec, en tentant de s’opposer à un premier plan social portant sur 500 emplois en 2005-2006. « On a pris une baffe sur le plan syndical », reconnaît Philippe Poutou. Mais aussi connu des victoires, lorsque la CGT a bloqué l’accord de méthode de 2008 qui prévoyait des chèques-valises de 50 000 euros, « des licenciements sans date et sans nombre », souligne le leader cégétiste, qui avoue qu’il y a eu de très vifs débats dans l’usine, y compris au sein de son syndicat. « On risquait de faire éclater la CGT », admet-il. Mais cette combativité, qui s’est manifestée pour défendre l’emploi à Blanquefort, s’est révélée payante. Le responsable cégétiste y voit la justification d’une ligne dure qu’il défend en Gironde et sur tous les terrains de lutte, chez les Conti, les Molex, les Goodyear, les Philips…
Pour lui, « la négociation ne veut rien dire ». « Ce n’est pas autour d’une table que l’on fait bouger les lignes, mais dans le rapport de force. » Chez Ford comme sur le plan national, où il pense qu’une large mobilisation aurait sans doute permis d’aboutir à des augmentations de salaire. « Je ne sais jamais si j’ai en face de moi le militant syndical ou l’homme politique », souligne Philippe Harrewyn, le DRH de Blanquefort. On lui prête la même fermeté au NPA, où il ne prône pas le dialogue avec le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon.
Pour l’heure, Philippe Poutou, qui n’a jamais voulu participer à la direction nationale du NPA, entrevoit encore mal son job de candidat à l’élection présidentielle, même s’il est briefé par Olivier Besancenot, venu déjà deux fois à Blanquefort par le passé, et Alain Krivine. Mais, à First Aquitaine Industries, sa stratégie est claire : « maintenir la pression » pour pérenniser la production de boîtes de vitesses en Gironde.
Jean-Paul Coulange
Dans l’Humanité
LE NPA FIER DE PRÉSENTER SON OUVRIER DE CANDIDAT
Port-Leucate (Aude), envoyée spéciale. Pas facile de succéder à Olivier Besancenot. Philippe Poutou, le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) à la présidentielle, le reconnaît volontiers. « Je n’ai pas le même style que Besancenot. Je vais essayer de montrer que je sais au moins lire », lance-t-il, le rire nerveux, à quelque 850 militants réunis depuis dimanche en université d’été à Port-Leucate (Aude), en prélude au discours qui officialise son entrée en campagne électorale. Pas facile de prendre la parole après le charismatique facteur, déguisé en mentor d’« un des rares candidats qui sait de quoi il parle quand il évoque les conséquences de la crise capitaliste », ironise Olivier Besancenot. Mais au-delà de l’ironie, le NPA affiche comme un étendard sa fierté d’avoir choisi un ouvrier, salarié chez Ford. « Les autres sont quasiment tous des politiciens professionnels », lâche Philippe Poutou. Lequel entend faire de l’annulation de « la dette illégitime » l’un de ses principaux axes de campagne. « Quand la Bourse va bien, nous n’en profitons pas, mais quand elle va mal, les capitalistes savent où nous trouver », s’exclame-t-il devant un public moins jeune, moins coloré, moins nombreux que l’édition université d’été 2010.
Mais un public toujours motivé pour « faire payer la crise aux capitalistes », un public à fond pour que « la question sociale » soit au cœur de la rentrée politique, alors que « tous les partis ont les yeux fixés sur l’échéance électorale », polémique Christine Poupin, l’une des porte-parole du NPA.
Un public acquis au discours radical. Mais toujours marqué par les déchirements qui ont éclaté à la conférence nationale du parti, en juin dernier. Certains des minoritaires (40 %), favorables à un dialogue avec le Front de gauche, ont boudé ce rendez-vous estival, dont Pierre-François Grond, l’ex-bras droit de Besancenot, aujourd’hui principal leader de la contestation interne. « On a assez souffert des tensions », tranche Philippe Poutou, qui lance toutefois un appel à une « campagne unitaire », sachant qu’une partie des militants a décidé de la boycotter.
D’autres veulent d’abord juger la tonalité du candidat et peser sur la campagne pour sortir le NPA de la « tentation isolationniste », selon Myriam Martin, la seconde porte-parole, désormais elle aussi dans l’opposition. Comme en écho, Philippe Poutou avertit : « Je ne suis pas un camarade ministrable pour un futur gouvernement de la gauche plurielle. » Une façon de répondre à ceux qui, au sein de son parti, entendent reprendre le flambeau de l’unité de la « gauche radicale » pour construire une « vraie opposition de gauche » aux élections législatives.
Mina Kaci
Flashback NPA
UNE VOIX POUR FAIRE ENTENDRE LES ANTICAPITALISTES !
Depuis trois ans, la crise du système capitaliste, à la fois financière, économique, sociale et environnementale, domine la situation politique et sociale.
Les formes de cette crise sont multiples pour les peuples : facture de la dette au Nord comme au Sud, spéculation sur les matières premières et les biens alimentaires, montée spectaculaire de toutes les formes de précarité, suppressions massives d’emplois dans le privé comme dans le secteur public, attaques et privatisations de la protection sociale, épuisement inquiétant des ressources de la planète, menace nucléaire. Tous ces ingrédients provoquent misère mais aussi révolte sociale contre les régimes de droite comme de gauche qui orchestrent les plans d’austérité contre les peuples, au service des classes dominantes.
Au Maghreb et au Machrek, de véritables révolutions combinant les questions démocratiques et sociales ont constitué la plus belle des réponses à cette crise. Et ces secousses porteuses d’espoir ne sont pas terminées.
En Europe, les résistances sont également à l’ordre du jour pour refuser de payer la facture. Face à la véritable « guerre sociale » mise en œuvre par les différents gouvernements européens visant à détruire acquis et conquêtes sociales obtenus ces dernières décennies, des manifestations, des journées de grève massivement suivies voient le jour et se développent : en Grèce et dans l’État espagnol avec notamment le mouvement des « indignés », au Portugal ou en Grande-Bretagne.
Mais pour le moment, à l’image du mouvement de l’automne sur les retraites en France, ces résistances n’ont pu stopper les politiques d’austérité des capitalistes. Et le phénomène politique notable en Europe reste la montée inquiétante de régimes de droite extrême et de courants nationaux-populistes, sur fond de perte de crédibilité de la gauche politique et syndicale, sans que, à cette heure, une nouvelle perspective d’émancipation et de nouvelles forces politiques pour la porter, arrivent à émerger.
Dans un tel contexte, il est donc indispensable que se fasse entendre une voix qui condamne sans ambiguïtés ces politiques d’austérité, exige l’annulation de la dette, la socialisation des banques en un seul service public financier sous le contrôle de la population. Une voix qui s’appuyant sur leur mobilisation défende les intérêts des salariés contre les suppressions d’emplois, pour l’interdiction des licenciements et pour des augmentations de salaire. Une voix qui, quelques mois après la catastrophe de Fukushima, exige sans tourner autour du pot la décision immédiate de sortir du nucléaire, un programme pour l’abandon de celui-ci en dix ans, et le développement d’un véritable service public de l’énergie, service public contrôlé par les usagers et les salariés du secteur. Une voix qui lutte résolument pour l’égalité des droits et la régularisation de tous les sans-papiers, contre les mesures xénophobes du gouvernement, le racisme d’État et la propagande odieuse du Front national. Une voix qui se batte pour l’égalité des droits, en particulier contre les violences faites aux femmes, contre toutes les discriminations sexuelles. Une voix qui propose une véritable rupture avec le système, indépendante du Parti socialiste qui quel que soit son candidat se prépare à gérer la crise comme le font aujourd’hui ses amis socialistes grecs ou de l’État espagnol.
C’est le sens de la présence du Nouveau Parti anticapitaliste dans la prochaine campagne électorale. En présentant un ouvrier et militant syndical, Philippe Poutou, nous voulons nous faire le haut-parleur de toutes les résistances sociales, rassembler celles et ceux qui dans une situation difficile ne baissent pas les bras face à une droite à l’offensive et à un Medef arrogant. Un rassemblement pour ne rien lâcher de nos idées, pour pouvoir changer le monde, pas pour s’y résigner.
Sandra Demarcq
* Publié dans : Revue Tout est à nous ! 23 (juillet-août 2011).
PHILIPPE POUTOU : « UN OUVRIER CANDIDAT, PAS LE CANDIDAT OUVRIER »
C’est par ces mots de Philippe Poutou que se termine l’article de Libération du mardi 28 juin qui lui est consacré, intitulé : Philippe Poutou, un ouvrier pour relancer la machine. La « machine » en question, c’est le NPA, décrit dans un autre article de la même édition comme ayant connu, lors de la conférence nationale du week-end dernier « une nouvelle fracture. Peut-être la dernière »... résultat de deux années au cours desquelles le NPA aurait « dilapidé » tout un « capital militant ». Deux ans au cours desquels le NPA aurait réduit à néant « l’espoir » mis par beaucoup dans une formation qui promettait alors d’être « le relais du mouvement social, orphelin de débouchés politiques »...
La presse se complaît à accentuer les tensions provoquées par les débats démocratiques qui divisent aujourd’hui notre parti. Mais elle comprend aussi que la candidature de Philippe est l’occasion pour la grande majorité des camarades de se rassembler, sans taire les divergences ni clore les débats bien évidemment. La vraie crise n’est pas au sein du NPA mais secoue toute la société, et face à cette crise, les militantEs ont envie de faire vivre l’unité du parti, dans l’action, pour porter les idées et le programme qui nous réunissent.
Philippe rend concrète et crédible cette perspective. « Ouvrier candidat », il répond au besoin, à la nécessité d’appeler ceux d’en bas, les classes exploitées et opprimées, à relever la tête, à se battre pour leur droit, ce besoin, cette nécessité dont parlait Olivier Besancenot dans la lettre où il annonçait son choix de ne pas être candidat. Le relais est passé, et il est bien passé, les premières réactions qu’il a lui-même recueillies auprès de ses camarades de travail, que chacune et chacun ont pu entendre, en témoignent.
Cela ne surprend pas quand on sait que Philippe est un militant dont toute la vie, depuis sa prime jeunesse, a été marquée par la révolte contre les injustices sociales, l’aspiration à d’autres rapports humains, une autre société. Fils d’une famille populaire, son père, à la retraite aujourd’hui, était postier, il a commencé à militer dès l’âge de 17 ans, avec des copains se disant anarchistes avant de rejoindre le groupe Lutte ouvrière de Bordeaux. Il en est exclu en mars 1997, avec la quasi-totalité des militants de Bordeaux et de Rouen pour avoir pris au sérieux l’appel d’Arlette Laguiller à construire un nouveau parti des travailleurs, pour avoir voulu poursuivre, alors que la direction effectuait un repli sur elle-même, la construction d’un regroupement des forces révolutionnaires, l’unité Lutte ouvrière-Ligue communiste révolutionnaire. Il participe alors à la construction et à la vie du groupe Voix des Travailleurs qui poursuit cette politique. En juillet 2001, la fusion-intégration avec la LCR en est l’aboutissement. Une étape puisque Philippe a ensuite pris toute sa place dans la construction du NPA, il est membre de la direction départementale girondine.
La vie politique de Philippe est intimement liée à son combat social. Après des années de galère et d’intérim, il est embauché à l’usine Ford de Blanquefort, près de Bordeaux, en 1996, où il devient un militant syndical actif, sans renoncer pour autant à son combat politique. Pour lui, militantisme social et militantisme politique sont indissociables. Il a été candidat à diverses élections, pour la LCR, puis pour le NPA, entre autres comme tête de liste en Aquitaine lors des dernières régionales, tandis qu’il poursuivait, en tant que secrétaire de la section CGT de Ford, le combat que mènent, depuis plusieurs années, les salariés de l’usine contre sa fermeture, multipliant les initiatives – dont deux « descentes » au salon de l’automobile –, cherchant à s’associer, en permanence et avec succès, le soutien des autres salariés, l’aide des autres forces politiques de gauche et celle des collectivités locales.
Alors oui, Philippe est un ouvrier candidat, un « candidat du mouvement social », un travailleur qui fait de la politique. Comme à l’occasion de chaque combat quotidien, il sait qu’une fois encore il aura à contribuer à rassembler les forces, à l’intérieur de notre parti bien sûr, mais plus largement les forces du monde du travail et de la jeunesse pour faire face à la crise provoquée par les politiques des classes dominantes et porter une autre perspective.
Daniel Minvielle
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 109 (30/06/11).
COMMUNIQUÉ DU NPA. CONFÉRENCE DE PRESSE DE PH. POUTOU LE 30 JUILLET À FUMEL (LOT ET GARONNE).
Cette année, le Nouveau Parti Anticapitaliste et son secteur jeunes organisent à Fumel (Lot et Garonne) les 28es Rencontres Internationales de Jeunes.
Cette initiative fait se rencontrer pendant une semaine des centaines de jeunes militants anticapitalistes, sympathisants et curieux venus de toute l’Europe et au-delà (France, Tunisie, Etat espagnol, Grèce, Irak, Pologne, Mexique, Italie, Danemark, Autriche etc.).
Outre la dimension internationaliste de ces rencontres, elles seront l’occasion pour le NPA de lancer dans la jeunesse la campagne du NPA pour l’élection présidentielle autour de la candidature de Philippe Poutou qui clôturera le camp par une intervention politique lors du dernier meeting qui se tient samedi 30 juillet à 22h. Préalablement, une Conférence de presse sera organisée en présence de Philippe Poutou et de militants des différents pays à 17h30.
Le 29 juillet 2011