SOMMAIRE
FRONTIERES VISIBLES & FRONTIERES CACHEES
Vers une paix des élites au Cachemire
MOBILISATIONS SOLIDAIRES & CITOYENNES
Regain d’espoir pour les pêcheurs
PAKISTANAISES, PAS SOUMISES !
Des femmes hautes en couleur
CULTURES & SOLIDARITES
Karachi, jolie leçon contre les idées reçues !
COUP D’ŒIL SUR LE FSM DE KARACHI
Karachi, un forum atypique
FRONTIERES VISIBLES & FRONTIERES CACHEES
Vers une paix des élites au Cachemire
C’est encore une fois grâce à l’initiative des mouvements sociaux et citoyens de la région sud-asiatique et du monde, qu’un rapprochement officiel entre l’Inde et le Pakistan a été rendu possible. Dimanche 26 mars, au complexe sportif de Karachi où s’est déroulé le FSM, les leaders des différents mouvements cachemiris se sont réunis publiquement autour d’un débat sur le processus de paix au Cachemire. Cette confrontation a notamment été préparée par le comité organisateur pakistanais, qui a pu prendre de nombreux contacts au Forum social mondial de Mumbai en Inde dès 2004, et soutenue par le journal Dawn.
Point de cristallisation des tensions entre les gouvernements indien et pakistanais, cette rencontre autour de la question du Cachemire fut l’un des événements politiques majeurs du Forum social mondial de Karachi. « J’ai assisté à un moment historique quand j’ai vu Mir Waiz Umer Farooq du All Parties Hurriyat Conference (APHC) venir pour parler de la paix avec les autres militants Cachemiris » nous a raconté Amanullah Kariapper, jeune Pakistanais bénévole au FSM.
Cette rencontre était historique puisque certains leaders ne s’étaient pas rencontrés depuis plus de 50 ans. Selon le quotidien pakistanais Dawn, mouvements indépendantistes, autonomistes ou liés aux deux gouvernements, ont conjointement réaffirmé à la tribune leur volonté d’impliquer la population cachemirie dans le processus de paix. Par exemple, Yasin Malik, leader du Jammur and Kashmir Liberation Front (JKLF) a exprimé son souhait d’organiser un référendum des deux cotés du pays afin de faire émerger une représentation de la population du Cachemire.
En parallèle à cette « paix des élites », ce sont aussi des acteurs parfois peu visibles qui se sont mobilisés pour créer un espace d’ouverture et de dialogue, afin d’élargir le processus de paix aux mouvements citoyens. Certes leur nombre était limité en raison des questions d’obtention de visas ainsi que des coûts et problèmes de déplacement - certains groupes ont mis 8 jours pour venir jusqu’au forum ! -, mais plusieurs centaines d’entre eux ont tout de même bravé les obstacles pour être présents et lutter ensemble.
Un combat et des actions que ces acteurs mènent depuis plus d’une dizaine d’années, tel le Pakistan Indian Forum for Peace and Democracy qui a dernièrement fêté ses 10 ans d’existence, ou les campagnes et marches pacifiques comme la « Candle Light vigil » qui rassemble chaque année, les 14 et 15 août, les populations pakistanaises et indiennes de chaque coté de la frontière, ou encore la mise en place d’écoles mixtes favorisant la promotion de la paix et de la tolérance entre les deux populations.
Frères des Hommes
« Abolir les barrières inutiles »
Extrait du témoignage d’Elsey JACOB, organisation indienne FEDINA*
« C’était incroyable de pouvoir parler avec des Kashmiris de la zone pakistanaise ; nous n’avions jamais eu l’occasion de discuter avec ces gens car ils étaient considérés comme nos ennemis. [...] Après le séminaire, plusieurs sont venus me voir et m’ont parlé personnellement pour me dire qu’ils étaient très heureux de rencontrer des Indiens et qu’ils avaient besoin de notre soutien pour écarter tous les politiciens du conflit au Cachemire pour qu’enfin les cachemiris puissent vivre leur propre vie. Ils ont raconté l’hécatombe qui s’est produite toutes ces années et leur histoire m’a beaucoup touchée. Ils ont demandé notre soutien pour leur libération, pour le retour à une vie heureuse, pour l’égalité et la fraternité de tous, y compris avec le reste du monde. Ce fut une expérience très marquante pour moi. »
* Lire la suite du témoignage sur le site internet de Frères des Hommes
« La plénière sur le Cachemire, un des événements majeurs du FSM »
Témoignage de Muhammad Atif KHAN, professeur à l’université de Karachi
« Le comité organisateur pakistanais a su utiliser favorablement le Forum social mondial de Karachi pour resserrer les liens entre des groupes politiques d’Inde et du Pakistan sur la question du Cachemire : les opinions diverses ont permis une meilleure approche de leurs demandes. De plus, cette rencontre a permis aux délégations étrangères de comprendre la question dans toutes ses dimensions.
Les principaux intervenants du Cachemire pakistanais (Cachemire libéré) étaient Sardar Abdul Qayum et Sardar Khalid Ibrahim, représentants deux des partis politiques majeurs, respectivement le Muslim Conference (Assemblée Musulmane) et le Peoples Party (Parti du Peuple). Pour le Cachemire indien, ce sont Mir Waiz Umer Farooq, président de l’All Parties Hurriyat Conference (Union de différents groupes politiques indiens demandant à sortir de l’Inde), Yasin Malik, leader du Kashmir Liberation Front (Front de Libération du Cachemire) et Tariq Hameed, ministre appartenant à un groupe politique pro indien, qui sont intervenus.
En un mot, les médias pakistanais ont largement parlé de cette rencontre qui a été l’un des événements majeurs du FSM : elle a permis d’évoquer le problème du Cachemire au niveau mondial et d’envisager la mise en place d’une politique cohérente et organisée pour le Cachemire, en tenant compte des souhaits et volontés des principaux partis et courants. »
MOBILISATIONS SOLIDAIRES & CITOYENNES
Regain d’espoir pour les pêcheurs
Le Forum social mondial de Karachi a été l’occasion pour le Pakistan Fisherfolk Forum et son leader Mohammed Ali Shah d’organiser dans la journée du samedi 25 mars, le congrès international des pêcheurs dans le petit port de pêche d’Ibrahim Hyderi. Des milliers de pêcheurs, quelque 10 000 selon le journal pakistanais Dawn, hommes et femmes, venus de tous les coins du Pakistan se sont réunis sous une immense tente pour participer à cette impressionnante manifestation.
Signe de l’internationalisation des revendications, cette grande fête des pêcheurs a aussi rassemblé de nombreux délégués étrangers parmi lesquels deux membres de la délégation française : Gus Massiah, président du CRID et Jean-Pierre Dardaud, président de Frères des Hommes ; mais aussi la Brésilienne Moema Miranda, membre du comité international et coordonatrice au sein de l’organisation Ibase ; l’Indienne Anita Rampal, professeur au département éducation de l’université de Delhi ; des représentants d’Oxfam UK ainsi que de nombreux intervenants de PFF.
Etaient également présents des représentants de l’organisation internationale des pêcheurs. L’un deux, Thomas Kocherry, secrétaire général du World Forum of Fisher People, grand réseau international de pêcheurs, a donné le ton en déclarant : « la mer est notre mère et elle a été privée de ses ressources en poissons. La surexploitation des ressources halieutiques, la pollution marine et les formes de commercialisation du secteur ont causé la dévastation des ressources en pêche. »
Principalement victimes de la surpêche dévastatrice des grands bateaux industriels locaux et étrangers, mais aussi des systèmes féodaux de contrats des droits de pêche qui privilégient les riches propriétaires et les contractants, les petits pêcheurs des mers et des rivières des régions les plus affectées par les pénuries ont perdu leur gagne pain. Cette opportunité de partager leurs difficultés et d’échanger avec de nombreux délégués étrangers aura insufflé à ces communautés de pêcheurs un regain d’espoir.
Frères des Hommes
« Le FSM, un ballon d’oxygène »
Extrait du témoignage d’Alexis FOSSI, chargé de programme auprès de l’organisation Pakistan Fisherfolk Forum
« Dans un contexte politique relativement tendu et compliqué, l’organisation d’un événement tel que le FSM a représenté une occasion unique pour le PFF et plus largement pour la société civile pakistanaise. Cet événement était attendu comme un ballon d’oxygène. Il était pour tous ces gens une opportunité de s’ouvrir au reste du monde et de montrer qu’au Pakistan, il n’y a pas seulement des dictateurs, des militaires et des mullahs, mais aussi une société civile dynamique capable d’organiser un événement d’une telle envergure.
Ce forum a porté un espoir et une mobilisation incroyables. Les Pakistanais ont su développer des trésors d’organisation et surmonter de nombreux obstacles : le tremblement de terre d’octobre dernier qui a mobilisé toutes les énergies humaines et financières, le désintérêt des organisations internationales, le manque de mobilisation et de soutien de la part de l’état fédéral, ou encore les tensions au sein même du comité organisateur où plusieurs membres ont été longtemps favorables à un nouveau report du FSM.
Grâce à leur courage et leur ténacité, ils ont pu maintenir la tenue du FSM et mobiliser autour de la rencontre, mais surtout, ils ont su créer un rapprochement au niveau national entre organisations de tous bords. C’était la première fois qu’ils travaillaient ensemble, mais pour réussir ce challenge, ils n’ont pas eu d’autres choix que de mettre de côté leurs différends et de se battre ensemble. Résultat, ils ont gagné le pari et de façon plus qu’honorable !
Pour les Pakistanais, les principaux enjeux résidaient surtout dans les questions de paix nationale et régionale. Le favoritisme appliqué par le gouvernement d’Islamabad envers la province du Panjab, et ce au détriment des trois autres provinces, a longuement été débattu. Les Pakistanais veulent que leurs richesses, comme le gaz au Baloutchistan ou l’agriculture au Sind, ne servent pas uniquement au développement de la province du Panjab, mais qu’il y ait un vrai partage entre les provinces et que leurs conditions de vie s’améliorent. Cette rencontre a aussi été l’occasion pour eux de se rapprocher de l’Inde et d’avoir des contacts avec le Népal. A ce titre, l’exemple des Dalits a été très marquant : certains Dalits indiens ne savaient même pas qu’il existait des Dalits au Pakistan ... et inversement !
Les petits pêcheurs du port d’Ibrahim Hyderi gardent un souvenir unique de ce FSM et ils ne sont pas près d’oublier leur participation à cet événement international qui aura su allier festivités et revendications. Pendant quelques jours, ils se sont retrouvés au milieu d’un îlot de démocratie et de paix où ils ont su apprivoiser leurs voisins de la sous-région qu’ils avaient pour la plupart toujours considérés comme leurs ennemis, et ont pu débattre librement avec eux. Ce FSM aura permis au PFF de se prendre de nombreux contacts et de faire connaître sa lutte tant au niveau de l’Asie que du reste du monde.
Cette rencontre aura été un premier pas, mais le plus dur reste à venir. Cette dimension sous-régionale doit continuer d’être prise en compte par les acteurs des sociétés civiles pakistanaise, indienne, népalaise, sri-lankaise, etc. Ces pays ont beaucoup de connaissances et de compétences qu’ils doivent mettre en commun pour renforcer leurs actions. S’ils arrivent à créer des réseaux d’échanges et de partenariats puissants, ils finiront par faire pression sur les gouvernements et pourront les contraindre de stopper les dépenses nucléaires ou d’armes au profit des besoins sociaux des populations. »
« Pêcheurs pakistanais et philippins : tous dans le même bateau ! »
Extrait du témoignage de Bong MASAGCA, organisation philippine PDRN*
« Le Pakistan Fisherfolk Forum (PFF) a montré le bon exemple au reste du monde : il rassemble les plus importants groupes de pêcheurs pour avancer dans leur lutte contre la pêche illégale, la dégradation de l’environnement et la limitation de leurs droits essentiels et les politiques internationales qui affectent leur vie quotidienne. [...]. Il joue également un rôle important dans le processus de consolidation du secteur de la pêche qui se caractérise par ces leaders de référence et par une structure, des priorités et des intérêts à la fois divergents et conflictuels. [...] Une expérience qui peut être dupliquée dans d’autres pays, tel que le secteur de la pêche aux Philippines. »
* Lire la suite du témoignage sur le site internet de Frères des Hommes
PAKISTANAISES, PAS SOUMISES !
Des femmes hautes en couleur
Dès la cérémonie d’ouverture du Forum social mondial, le ton est donné : les femmes sont présentes en nombre et elles n’hésitent pas à prendre la parole. Dans la foule, Laila Dossa, kenyane de naissance et pakistanaise d’adoption, directrice d’une association pour les sourds et Samina Peerzada, célèbre réalisatrice pakistanaise de films et grande militante pour les droits de l’homme, parlent longuement de l’idée que se font les étrangers de leur pays et de la condition des femmes. D’après elles, le statut des Pakistanaises est bafoué et il reste encore énormément d’efforts à faire pour que leurs droits soient respectés et leur voix entendues, mais les choses évoluent, comme en atteste l’importante présence des femmes dès l’ouverture du FSM.
Ces échanges spontanés sont d’autant plus significatifs que dans ce pays leur parole est quasiment toujours ignorée, voire souvent interdite publiquement et les occasions de s’exprimer sont minimes. Sur la tribune, plusieurs femmes interviennent, parmi lesquelles la Brésilienne Moema Miranda, l’Indienne Nirmala Deshpanday, l’Equatorienne Irene León ou encore la Pakistanaise Asma Jahangir, présidente de la Commission des droits de l’homme au Pakistan, qui a rappelé l’importance du respect de la démocratie et des droits, et plus particulièrement ceux des femmes. Elle a également insisté sur la nécessité d’établir des liens fraternels au-delà des frontières du Pakistan ; chaque citoyen devrait avoir le droit d’établir librement des relations avec ses voisins.
Durant les six jours du forum, de nombreux groupes de femmes ont défilé dans les allées du complexe sportif Kashmir Road, tels celui des Femmes en noir, mouvement qui organise des marches silencieuses pour lutter contre la violence et les injustices, les conflits armés et la militarisation. Une mobilisation tout aussi visible en dehors du forum : parmi les quelque 10 000 participants du congrès international des pêcheurs organisé par le Pakistan Fisherfolk Forum dans le petit port d’Ibrahim Hyderi, les femmes étaient très présentes.
Colorées, communicatives, expressives, souriantes, dynamiques, telles sont les images que l’ont gardera des femmes pakistanaises. Elles ont été incontestablement très actives lors de cette rencontre et en ont profité pour échanger et débattre librement avec des femmes venues de tous les continents (même parfois en langage des signes improvisé !)
Maintenant le challenge pour ces femmes est de réussir à maintenir dans le long terme cette alliance collective de militantes pour renforcer leur statut et leurs droits.
Frères des Hommes
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« La voix des femmes, entre discrétion et revendication »
Extrait du témoignage de David MILLET, militant Frères des Hommes*
« L’enceinte du FSM a offert aux femmes un espace de parole formidable, donnant à leurs revendications, comme à celles de tous les mouvements représentés, une portée mondiale. [...] Nous avons eu la surprise d’être interrogés, sans tabou, par un groupe d’étudiantes en journalisme, sur notre position par rapport à la limitation du port du voile en France... »
* Lire la suite du témoignage sur le site internet de Frères des Hommes
CULTURES & SOLIDARITES
Karachi, jolie leçon contre les idées reçues !
Dépassement des clichés, ouverture d’esprit, respect mutuel et découverte de l’autre ... tels sont les mots qui symbolisent l’une des caractéristiques du Forum social mondial (FSM) de Karachi. Plus que n’importe quel autre FSM, cette rencontre aura permis de poser de façon très forte une alternative à la vision réductrice et souvent négative proposée par les médias sur le Pakistan et ses habitants.
Une image qui affecte profondément les Pakistanais car ils sont conscients du regard que leur porte le reste du monde et qui les révolte : ils ne sont pas tous des fondamentalistes et ils refusent d’être ainsi catalogués de façon si radicale ! Lors de la cérémonie d’ouverture, Samina Peerzada, célèbre réalisatrice de films et militante engagée, le dit : « Regarde autour de toi tous ces hommes, ces femmes, ces jeunes qui dansent, qui chantent, qui sont joyeux. Voilà à quoi ressemble le vrai visage du peuple pakistanais ! ». Une volonté de rétablir la vérité que l’on retrouve chez tous les Pakistanais : dans la rue, à l’hôtel, dans le forum, partout les gens questionnent les étrangers sur leur perception de la ville et de ses habitants.
Plus que jamais, l’interculturalité aura été au centre de ce FSM : il aura permis aux uns et aux autres de se rencontrer, de se découvrir et de mieux se comprendre. Tous les membres de la délégation CRID [1] sont unanimes : grâce à ce FSM, l’image qu’ils ont du Pakistan a évolué. Face à la joie ambiante, aux festivités omniprésentes et à l’hospitalité des Pakistanais, nos appréhensions de départ se sont envolées. Quant à Reuel Velarde, de l’association philippine PHILNET, il a beaucoup apprécié de pouvoir mieux comprendre la réalité des Pakistanais ; il s’est ainsi senti plus proche de ceux d’entre eux qui vivent dans son pays.
Une nouvelle perception de l’autre qui n’est pas à sens unique ! Amanullah Kariapper le savait déjà, mais après sa participation au FSM, il en est convaincu : ce jeune Pakistanais bénévole au FSM est loin de connaître son pays. Il se souvient encore avec étonnement de l’intervention d’un participant venu du Baloutchistan parler de la condition du système éducatif dans sa province et qui commença son discours en corrigeant l’interprète : « Nous, on n’est pas « djaahil » (barbare/inculte), on est simplement analphabètes ». De plus, selon Atif, professeur à l’université de Karachi, suite au FSM, le regard porté par les Pakistanais sur les Européens a lui aussi évolué. Ils ont compris que tous les Européens chrétiens n’avaient pas appuyé le Danemark et cautionné les caricatures de Mahomet et qu’ils n’étaient pas tous opposés à la religion musulmane.
Enfin, l’un des moments forts de cet événement historique au Pakistan a été la rencontre entre Indiens et Pakistanais. Certes ils ont déjà eu de nombreuses occasions de se rencontrer et de lutter ensemble, notamment grâce aux sociétés civiles des deux pays qui mènent depuis 20 ans d’incessantes actions pour le processus de paix, mais le FSM de Karachi aura marqué une étape supplémentaire dans le rapprochement des deux pays.
En raison des barrières posées par les gouvernements et des incessantes tensions entre les deux pays depuis plus d’un demi-siècle, l’appréhension des Indiens qui n’avaient jamais traversé la frontière était forte. Pourtant, après quelques jours d’échanges et de partage, la proximité culturelle devient une évidence et les liens se tissent ...
Un FSM qui aura donc été pour tous une jolie leçon contre les amalgames faciles et les idées reçues !
Frères des Hommes
[1] Architecture et Développement, CRID, CCFD, Frères des Hommes, CGT, l’Humanité, Alternatives Québec / ATTAC Québec
« Comme le sentiment d’être chez soi »
Extrait du témoignage de Girija, organisation indienne FEDINA*
« Grâce à l’accueil si chaleureux des Pakistanais, toutes mes peurs et réticences ont totalement disparu et j’ai commencé à sentir qu’il n’y avait pas de différences entre l’Inde et le Pakistan ! J’ai eu le sentiment d’être chez moi ! Grâce à la gentillesse et à l’amour que les gens m’ont portés, mon point de vue sur le pays et les habitants a totalement changé. »
* Lire la suite du témoignage sur le site internet de Frères des Hommes
« Manipulation des partis politiques »
Extrait du témoignage de Preethi HERMAN, organisation indienne FEDINA*
« J’ai beaucoup aimé venir au Pakistan. En réalité, je n’ai jamais eu très envie d’aller aux Etats-Unis ou dans un pays européen, mais j’ai toujours rêvé de venir ici pour de nombreuses raisons. La principale, est que ce pays faisait partie de l’Inde, ce sont donc les mêmes personnes qui vivent ici et j’étais consciente que cette pseudo-différence était juste une manipulation des partis politiques. »
* Lire la suite du témoignage sur le site internet de Frères des Hommes
« A la découverte de l’autre »
Extrait du témoignage de Varsha BELAIS, organisation indienne Ekta Parishad*
« Sur le trajet en train jusqu’à Karachi et sur le campus du FSM, la délégation venue d’Inde chantait des chansons et des slogans pour transmettre un message de paix, de justice et de fraternité pour en finir avec la haine basée sur des idéologies pseudo religieuses alarmistes. Les Pakistanais chantaient aussi avec nous et il leur arrivait même de danser lorsque les idées des chansons les touchaient particulièrement.
Nous avons échangé avec de nombreux Pakistanais ; l’un d’entre eux nous a dit : “Les gens des deux côtés ont commencé à comprendre les leaders politiques égoïstes ou pseudos religieux dont les politiques et intérêts sont basés sur une foutue haine fondamentaliste. Ils ont créé cela de manière organisée, mais les populations des deux côtés ont compris et ont cherché à dépasser ces barrières de haine. Mais ce mauvais jeu s’arrêtera bientôt ».
* Lire la suite du témoignage sur le site internet de Frères des Hommes
COUP D’ŒIL SUR LE FSM DE KARACHI
Karachi, un forum atypique
La richesse des forums sociaux mondiaux réside dans la diversité que chacun peut apporter. Celui de Karachi n’était pas le plus attendu ; il a longtemps été minimisé, voire dénigré, et beaucoup étaient perplexes sur la légitimité d’un forum au Pakistan. Résultat, il n’aura attiré que peu de délégués étrangers et n’aura pas réussi à susciter l’intérêt des médias internationaux ... Un bilan négatif penserez-vous ? Loin de là, car grâce à l’incroyable dynamisme des organisateurs et à la forte mobilisation des Pakistanais, ce forum a été sans précédent.
De nombreux participants en sont revenus impressionnés, mais surtout émus. Emus de voir que malgré tous les obstacles rencontrés, ils sont parvenus à maintenir ce FSM qui leur tenait tant à cœur. Parce qu’ils ont cru qu’un autre monde était possible, les organisateurs pakistanais se sont battus pendant des mois pour faire taire les rumeurs et organiser cet événement. Et le résultat s’est montré à la hauteur de leur implication : 35 000 personnes venant de près de 60 pays, quelque 400 ateliers et séminaires organisés et des qualificatifs qui ne manquent pas : atypique, populaire, festif, coloré, ouvert, accueillant ...
La création d’un espace libre de débats, d’échanges et de dialogues a pris une dimension très forte pour la population et a donné un grand coup de fouet au moral de mouvements et d’acteurs qui s’étaient longtemps battus seuls : l’enjeu démocratique et laïc de ce FSM était évident dans ce pays qui depuis sa création en 1947 a connu de longues années de dictature, de violentes répressions et de divisions sectaires. Cette volonté d’ouverture s’est également traduite par une participation très importante de la population : venus de tout le pays, hommes, femmes, jeunes, ruraux, urbains, tribaux, habitants des bidonvilles, opprimés, s’étaient donné rendez-vous. Qu’ils soient paysans, pêcheurs, syndicalistes, ouvriers d’usine, représentants de mouvements sociaux et d’ONG, travailleurs du textile, écoliers, ils se sont tous rencontrés.
En ce qui concerne l’Asie, il y avait une importante délégation de mouvements sociaux venant d’Inde, du Népal, du Sri Lanka et du Bangladesh. Cette rencontre a représenté une avancée considérable pour la mise en réseau des gens, particulièrement pour les habitants déchirés du Cachemire ou les nombreux mouvements populaires des opprimés de la région sud-asiatique. Cette convergence stimulante a accéléré la militance pour un changement social au Pakistan, donné un nouvel élan aux alliances pour des actions communes et régionales et dynamisé la lutte pour la démocratisation.
Dans ce contexte, on peut vraiment regretter la faible représentation des autres continents. Le Pakistan qui est au cœur de la guerre et des politiques fanatiques et qui subit d’énormes pressions socio-économiques et militaires au niveau international, aurait dû attirer une plus grande participation des cercles progressistes mondiaux. Alors que la justice sociale est l’un des principaux points de l’agenda du FSM, comment a-t-on pu oublier que l’Asie abrite l’immense majorité des populations pauvres et oppressées du monde et que ce continent a énormément à offrir en terme de stratégies et d’expériences ?La présence et la puissance des mouvements sociaux radicalement non violents sont établies depuis très longtemps, comme en atteste leurs luttes contre la pauvreté, les conflits, les politiques officielles de développement injustes, le non respect du droit des femmes et de l’environnement, le défi aux mouvements fondamentalistes, etc.
Nous, Frères des Hommes, en tant que citoyens européens d’un mouvement actif de changement social et de solidarité internationale, devons espérer que le futur comité du FSM et tous les autres participants aux dynamiques des forums porteront plus d’attention pour développer une solidarité avec les divers militants asiatiques et permettre un juste équilibre dans la représentation et la participation de toutes les régions du monde.
Frères des Hommes
« Espace de dialogues et de libre expression »
Extrait de l’article d’Olivier BONFOND, organisation belge CADTM
« Si l’on peut regretter la faible présence des personnalités traditionnelles du mouvement altermondialiste, il faut cependant constater que ce forum a été un véritable espace d’expression pour les « sans voix », les « laissés-pour-compte » de la mondialisation néolibérale. En effet, ce sont avant tout les premières victimes du capitalisme qui étaient présentes et se sont exprimées sur leurs souffrances et leurs combats au quotidien : les paysans du Punjabi, dénonçant la confiscation de leurs terres, les ouvriers du port de Karachi en phase de privatisation, les femmes qui subissent une violation systématique de leurs droits (...)
Durant quatre jours, tous ces individus et organisations ont non seulement participé activement à l’ensemble des débats, mais ont aussi exprimé des revendications très claires, en organisant de manière ininterrompue dans les allées du forum des manifestations aux bannières, chants, danses et slogans de toutes sortes (« A bas le FMI et la BM ! » ; « Non à la corruption ! »...). La culture pakistanaise s’invitait également dans les « lieux de travail », où chansons politiques et poètes engagés entrecoupaient régulièrement les différentes interventions. Mais ce qui est tout à fait remarquable, c’est que, sur tous les visages, on pouvait lire le bonheur de pouvoir enfin exprimer librement des choses qui, en raison des représailles possibles, doivent habituellement être tues en public. Créer un véritable espace ouvert et de libre expression, l’un des principaux objectifs du Forum social mondial, prenait ici tout son sens... »
« Les Dalits au Forum de Karachi »
Témoignage de Michèle BRUHAT, militante Frères des Hommes
« Les Dalits, terme par lequel ils tiennent désormais à remplacer celui d’Intouchables ont crevé l’écran au FSM de Bombay en 2004, où leur présence colorée, joyeuse et sonore a bel et bien forcé les participants, les mouvements et les nations à les voir, enfin.
Leurs problèmes, pauvreté, discrimination par la caste et la descendance, et leurs organisations, ont alors été vus et pris en compte, non seulement en Inde et en Asie du sud mais dans le reste du monde.
Dans ce contexte, on se demandait quelle évolution marquerait le Forum de Karachi. De fait, deux remarques s’imposent : d’une part, les mouvements dalits sont maintenant très structurés, leurs revendications clairement définies, leur lutte très organisée, en particulier au sein de la NCDHR (National Campaign on Dalit Human Rights, Inde, une des organisations avec lesquelles travaille le Collectif Dalit-France, dont Frères des Hommes est l’association fondatrice) ; d’autre part ils cherchent à créer un seul réseau dalit pour les différents pays de la SAARC (South Asian Association for Regional Corporation), Inde, Pakistan, Népal, Bangladesh, Sri-Lanka, Maldives, Bhoutan.
Au FSM de Karachi, la NCDHR a organisé des ateliers autour de trois grands thèmes : discrimination basée sur le genre et la caste, élaboration d’une plateforme de Communautés et Mouvements Dalits en Asie, et, les Dalits et l’accès à la terre.
La mise en avant de la discrimination par le genre marque une évolution positive, à souligner. L’élaboration d’un réseau dalit sud-asiatique est une nouvelle orientation. L’accès à la terre reste évidemment une problématique essentielle, qu’ils ont abordée à Karachi, avec entre autres le Mouvement des Sans Terre brésilien.
Les Dalits ont également participé à plusieurs autres ateliers et rencontres, montrant, si besoin était, qu’ils sont désormais entendus en tant que tels, qu’ils sont une réalité avec laquelle il faut compter ... »