Mercredi 21 février, le matin très tôt
TV Azteca / Scènes de la vie urbaine, en direct grâce aux hélicoptères qui survolent la ville. A l’américaine : faits divers, embouteillages, etc. La, le scoop était le face à face entre un petit groupe d’étudiants qui occupaient une faculté - un tas de chaises et de tables faisant office de barricade -, et une centaine d’élèves studieux accompagnés de leurs parents. Un des multiples contre coups de la grande grève de l’université de Mexico trop peu soutenue, à l’époque, par la gauche. Aujourd’hui, les occupants protestaient contre l’expulsion de l’université de dirigeants de la grève, accusés par les autorités universitaires d’avoir agressé des professeurs...
Mercredi 21 février, début de matinée, premier rendez-vous avec Sergio, du Front zapatiste, ami de longue date et militant de toujours
Tout étonné en arrivant ici. Un nouveau président, Vincente Fox, candidat du PAN, la droite pro-américaine et réactionnaire, héritière des « cristeros » contre-révolutionnaires, qui donne aux zapatistes des ouvertures qui n’avaient jamais été concédées par le PRI, le « Parti Révolutionnaire Institutionnel » au pouvoir depuis plus de 60 ans. Un gauche affaiblie par sa défaite aux présidentielles, et un mouvement social très faible, en même temps qu’une grande popularité des zapatistes.
Le Mexique est un pays ou la révolution est partout présente, les portraits de Sapata et de Villa se vendent dans toute la ville de Mexico qui a donne à la plus longue avenue du monde - plus de 100 km - le nom « d’insurgentes », les insurgés. Un pays où, comme en France, les émotions populaires peuvent se cristalliser très vite en crise politique. On est loin d’en être là, et si on a l’impression d’une paix à portée de main, c’est qu’il y a coïncidence de projets politiques différents. Pour les zapatistes, il s’agit de prendre en compte l’écart énorme entre un mouvement indigène - dont les zapatistes ne sont qu’une des composantes - en pleine ascension, et le reste du mouvement social. Les organisations paysannes sont divisées et affaiblies, le mouvement urbain, très puissant dans les années 1980, est en pleine crise et le syndicalisme indépendant a du mal à émerger face à la bureaucratie « charro » de la CTM, la centrale du travail mexicain.
La marche (de l’armée zapatiste, cf sous-commandant Marcos, dans le Courriel précédent) est centrée sur les zones indigènes, les dates ont été choisies pour permettre la rencontre entre les zapatistes et le congres national indigène, qui réunit son troisième congres et attend près de 15 000 délégués représentants tous les peuples indigènes du pays. Les revendications zapatistes procèdent de la même logique : centrées sur la mise en œuvre des accords de San Andres, il s’agit d’accorder une grande autonomie aux communautés indigènes.
Pour Vincente Fox, l’enjeu est double. Il s’agit tout d’abord de recomposer un paysage politique domine par le PRI, aujourd’hui en pleine crise. Pour cela, Fox ne veut pas donner trop de poids au PAN, trop marque à droite, et préfère les bonnes vieilles recettes du bonapartisme, ou du caudillisme latino-americain. Un accord avec les zapatistes lui permettrait d’équilibrer son image politique, quelques jours après une rencontre avec Georges W Bush où les deux hommes ont témoigné d’un accord profond. Mais il s’agit aussi d’une option de plus long terme. Dans ces 20 dernières années, deux zones de conflits ont déchiré l’Amerique Latine : le monde andin, du Pérou à la Colombie, et l’Amérique Centrale, de Panama au sud du Mexique. C’est cette dernière zone que Fox entend stabiliser, en accord avec les autorités américaines. Un des principaux projets de son programme électoral était le plan « Panama-Puebla », sensé assurer le développement économique de cette région, grâce à l’établissement de zones franches et à la multiplication de moyens de communications. Le but est de faire descendre toujours plus au sud les « maquilladoras », en profitant du bas niveau des salaires dans la région, et de permettre ainsi une croissance qui pourrait stabiliser à long terme l’Amérique Centrale. Là aussi, ce projet exige la fin du conflit au Chiapas.
Mercredi 21 février, dans l’après midi
Hector di CILAS, un institut de recherche sur les questions syndicales, m’avait demande si j’accepterai une interview ou un débat a « Reforma », un des principaux quotidiens du pays. Il s’agissait d’un débat, organisé de manière très formelle, filmé et enregistré pour une diffusion sur Internet en parallèle à la sortie du quotidien. De notre côté, nous étions trois. Santiago s’était joint à nous. Il représentait un mouvement de jeunes radicaux, le mouvement du 26 février, en référence à la date où commence à Cancun la réunion de la session américaine du « World Economic Forum ». De l’autre côté, ceux de Davos. En l’occurrence Claudia Gonzales, chargée des relation avec la presse, et Jose Maria Figuerez, ancien président du Costa Rica et actuellement chargé de mission tant à l’ONU qu’à Davos, où il dirige « l’agence pour un agenda mondial ».
L’étonnant dans cette affaire n’est pas venu des arguments échangés. Jose Maria Figueres s’en est tenu à la vulgate actuelle des dirigeants des institutions internationales : « Il faut reconnaître qu’il y a beaucoup de déficiences dans le processus actuel... il faut un important investissement dans le social... et faire un grand effort sur les questions environnemental ». Sans dire un mot sur les moyens nécessaires et, surtout, sans jamais se demander si la prise en compte de ces préoccupations était compatible avec la « mondialisation libérale ».
L’étonnant était dans la démarche elle-même. Nous nous sommes rapidement rendus compte que l’idée de ce débat n’avait pas germé à « Reforma », propriété du « groupe de Monterrey », un des principaux groupes financiers du Mexique, mais venait du « World Economic Forum ». Ceux-ci cherchaient le dialogue, à l’occasion du débat, mais plus encore sur le long terme. Nous n’avons pas réussi à savoir s’ils s’étaient trompés de clients - pensant avoir en face d’eux des ONG ravies « d’entrer dans le jeu » en étant invitées à Cancun -, ou s’il s’agissait d’une nouvelle orientation rompant avec celle exprimée à Davos, où nous étions qualifiés de gens « sans aucune idée, tout juste bon à casser des vitrines ». Hector leur propose un nouveau débat public, à Cancun, dans un endroit neutre, journal ou TV, en présence de toute la presse. Nous serons bientôt fixés !
Mercredi 21 février, au soir
Réunion des représentants des groupes du FZLN de la capitale, avec Sergio et Javier, animateurs du front. La discussion ne porte que sur une question : l’organisation des initiatives de soutien à la marche. Des tas d’idées, des initiatives locales un peu partout, en particulier pour le dimanche 25, jour de départ de la marche à San Cristobal de las Casas. Mais en même temps, peu de choses en regard de l’immensité de l’agglomération - autour de 25 millions d’habitants. Comme s’il s’agissait de se préparer à catalyser un mouvement beaucoup plus profond qui se manifesterait quand la marche arriverait à la capitale. Entre le 25 février et le 11 mars, date d’arrivée, une date : le 3 mars, un méga concert pour la paix, dont Sergio pense qu’il peut se transformer en initiative de soutien aux zapatistes.
Jeudi 22 février, tôt
TV Azteca. Tous les quarts d’heure, un spot « pour la paix ». Il s’agit de deux initiatives, organisées par les deux principales chaînes privées du pays, TV Azteca et Televisa. Une campagne géante de signature, sur un mot d’ordre simple « la paix est possible, si nous la désirons tous en même temps », les signatures étant récoltées dans les boutiques et magasins de grandes chaînes de distribution et entreprises privées. Et un concert, tout aussi géant, le 3 mars, au stade Azteca, sur le même mot d’ordre.
TV Azteca. Dans le flot quasi ininterrompu de publicités, une d’entre elle se remarque. Un film d’archives montre Marcos discutant avec « Tacho », un commandant zapatiste, et la conclusion s’impose : pourquoi viennent-ils à Mexico ? Pour se précipiter au magasin X, bien sur !
Jeudi 22 février, dans la matinée
« Reforma » ouvre sur une tribune de Ignacio Loyola, gouverneur de l’état de Queretaro, qui traite Marcos de « lâche » et refuse l’entrée de la marche dans son état. C’est un des noeuds de la situation. Pour acccéder aux demandes des zapatistes, il faut changer la constitution, ce qui demande l’accord de 2/3 des élus. Si l’orientation de Fox est claire, et s’il est soutenu par les grands groupes financiers du pays et très probablement par « tout ce qui compte » sur le plan international - Jose Maria Figueres ne tarissait pas d’éloge à son égard -, il reste à convaincre les caciques. Et ils sont nombreux, tant au PAN, où ils reprochent à Fox le peu d’espace qui leur est laissé, qu’au PRI, en pleine crise, mais dont certains dirigeants verraient avec plaisir Fox s’enliser dans un conflit sans fin avec les communautés indigènes.
La campagne de TV Azteca et de Televisa se comprend mieux dans ce contexte. Il s’agit tout à la fois de réduire l’espace dont pourraient bénéficier les caciques tout en faisant pression sur les zapatistes pour une paix rapide, même s’il faut, pour cela, qu’ils acceptent des compromis et des reculs sur les accords de San Andres.
Jeudi 22 février, toute la journée
C’est la réunion d’un séminaire international sur le thème « syndicalisme et mondialisation ». Au-delà de l’intérêt des rencontres que permet ce type de réunion, celui-ci a permis de toucher du doigt une des principales difficultés qui attendent les zapatistes après le 11 mars et la signature éventuelle de l’accord de paix.
Les Mexicains présents au séminaire étaient, pour la plupart, des militants de l’UNT, l’Union Nationale du Travail, le regroupement des principaux syndicats indépendants du pays. Le plus important est le syndicat des téléphonistes dont le dirigeant Juarez, était encore il y a peu membre du PRI. Viennent ensuite le « SME », les électriciens de la ville de Mexico, qui ont mené une longue lutte contre la privatisation de leur compagnie, puis toute une série de syndicats, dont le FAT le « Front Authentique des Travailleurs », la plus ancienne confédération indépendante.
Si tous sont convaincus des dégats causés par la mondialisation libérale, il est cependant clair que le syndicalisme mexicain n’est pas encore entre dans le cycle mondial de lutte qui a démarré à Seattle. La jonction avec les étudiants en grève en 1999 et 2000 n’a pas eu lieu, et leur rapport au zapatisme est ambigu. Ainsi, alors que les demandes pour rencontrer Marcos et les zapatistes après le 11 mars affluent de toutes parts, y compris de milieux patronaux, il a été difficile d’obtenir une démarche de ce type émanant du syndicalisme. Une lettre est envoyée à San Cristobal de las Casas, mais sans les signatures des téléphonistes et du SME !
Si la jonction entre le zapatisme et le mouvement indigène apparaît acquise, tout va être beaucoup plus difficile pour le reste du mouvement social et le FZLN, le front qui s’est constitue dans tout le Mexique après le soulèvement du zapatiste, devra connaître une mutation radicale et sortir de son rôle principal - le soutien au Chiapas - s’il veut aider à la reconstitution d’un mouvement social. A moins que surgissent de nouvelles structures ou de nouvelles formes d’organisations.
Dans tous les cas, l’insertion des zapatistes dans la construction de ce mouvement international contre la mondialisation libérale qui émerge actuellement facilitera les synergies et les alliances au Mexique même. Une insertion au sens pratique et physique car, sur le plan du sens, elle n’est plus à faire. Les zapatistes ont été les précurseurs de ce « mouvement mondial » en situant l’insurrection de janvier 1994 - le jour de la proclamation de l’ALENA, la zone de libre échange nord-américaine - dans la double lignée de la défense de l’identité indienne et de la lutte internationale contre le néolibéralisme.
Vendredi 23 février, fin de matinée
Passage au Zocalo, la grande place de Mexico, pour le départ des cars en partance pour la marche. Des italiens surtout - ils sont 300 -, des espagnols et quelques dizaines de français, dont deux militants d’AC ! et une de SUD. Confirmation que tous vont à San Cristobal et qu’aucun italien ne se rendra à Cancun pour participer aux manifestations contre Davos en Amérique.
Vendredi 23 dans l’après midi
TV Azteca. Une tête patibulaire annonce les mesures de sécurité pour Cancun : 1600 des « Forces Préventives », un corps de police créé tout récemment, 30 chiens de combat, 100 véhicules, 3 hélicoptères et 1 avion.
Suit un long passage sur les étrangers qui participeraient aux manifestations. Ils doivent se garder de toute action politique mais, rassure l’interviewé, « nos agents de renseignements ont identifié les responsables étrangers qui pourraient manifester ». A ma connaissance, nous ne serons que 2 « étrangers » à Cancun, l’autre étant Gustavo, un paraguayen vivant au Brésil et représentant la CUT, la grande centrale du pays !
En fait, les étrangers visés sont surtout les italiens de Ya Basta qui, en italie, font aussi partie des « Tutti Blanci » présents à Prague et à Nice et qui, ici, sont devenus sans que l’on sache les raisons du changement de nom, les « singes blancs ».
Vendredi 23, début de soirée
Rencontre avec le représentant au Mexique du « Financial Times » très intéressé par les contacts entre Davos et les militants « anti-globalisation » qui, ici, sont dénommés « globalophobiques ». Il faut dire que l’orientation de Davos et, plus globalement, des responsables internationaux, a évolué plusieurs fois dans la dernière année.
A Seattle, le ton était donné par la presse économique : le front entre syndicalistes, environnementalistes et jeunes radicaux est trop hétérogène pour perdurer. Deux mois plus tard, pour la session 2000 de Davos, l’ampleur du mouvement de protestation est pris en compte et le ton change : « il faut le dialogue, il faut écouter les manifestants », même si ces bonnes paroles restent sans effets.
Pendant l’été 2000, cette orientation se précise, et c’est l’ONU qui donne le ton en créant « Global Compact », une structure qui réunit autour du secrétaire général Kofi Annan des représentants de la « société civile », ONG mais aussi multinationales... Un moyen de faire le tri entre les ONG et les mouvements, mais aussi de se donner des marges de manœuvre face aux états, et en particulier aux gouvernements des Etats Unis d’Amérique.
Davos 2001 a suivi le mouvement. Le débat, oui, mais à Davos, et dans un cadre fixé par le « World Economic Forum ». Tout le reste, les manifestants de Davos comme les participants au « Forum Social Mondial » de Porto Alegre, est hors champ. Le débat télévisé organise par « ArticleZ » www.madmundo.tv a ainsi été refusé par Davos, qui a poussé la mesquinerie jusqu’à désacrédité les journalistes de cette agence !
Le succès de Porto Alegre et la disproportion des moyens militaires mis en œuvre a Davos pour protéger le W.E.F a considérablement affaibli cette orientation.
Nous verrons ce qu’il en est à Cancun !
Vendredi 23, fin de soirée
TV Azteca, comme les autres chaînes de TV, passe en boucle l’intervention télévisée de Vincente Fox saluant le départ de la marche zapatiste, insistant sur l’importance, pour le gouvernement, de la question indigène, mais rappelant qu’il faudra signer la paix rapidement !
Samedi 24
Arrivée au Chiapas. Un voyage qui permet de vérifier que les guerres et les conflits sont de puissants accélérateurs à la construction de routes et de voies de communications... Et de visiter San Cristobal de las Casas, charmante petite ville coloniale.
C’est aujourd’hui que se rassemblent les 20 commandants de l’EZLN qui dirigeront la marche. Un grand meeting est organisé sur le Zocalo, la place de la cathédrale. Probablement près de 10 000 personnes, dont la moitié vient de la ville, du reste du Mexique et des délégations internationales. Mais l’autre moitié, qui force le respect et l’émotion, vient des bases d’appui zapatistes. Ils arrivent dans une longue colonne de camions. Il fait nuit, la colonne stoppe et reste là plus d’une heure. Les milliers d’indiens, hommes, femmes et enfants portant tous des passe-montages, restent dans les camions, dans un silence total, regardant ceux qui les accueillent dans une timidité réciproque. Ils ont tous des sacs à dos : de quoi manger et dormir sur place, dans la rue, pour saluer le départ de la caravane le lendemain matin. Apres de longues heures de retard, le meeting démarre.
Il commence par un communiqué : les 20 délégués zapatistes seront 21. Aux commandants se rajoute un architecte, Fernando Yanez, qui sera chargé de toutes les rencontres avec les délégations voulant entrer en contact avec les zapatistes, et en particulier les parlementaires. Fernando Yanez est connu dans la gauche mexicaine. Venant de Monterrey, c’est le frère du fondateur du FLN - l’ancêtre de l’EZLN - César, tué au combat dans les années 1970. Arrêté pour collaboration avec l’EZLN en 1995, libéré quelques mois plus tard, il disparaît de la scène publique jusqu’à aujourd’hui. Sa nomination a ce poste clé montre que l’EZLN entend contrôler sérieusement tout le processus de négociation qui s’ouvrira après le 11 mars.
L’autre moment fort du meeting, c’est la remise du « bâton de commandement » à Marcos. Une tradition indienne par laquelle un peuple confie à un mandataire la possibilité de le représenter. Un des enjeux de la marche sera de voir combien de ces bâtons seront remis à l’EZLN dans son avancée vers Mexico.
Dimanche 25 dès 7 heures du matin
La marche quitte San Cristobal. A la sortie de la ville, les milliers d’indiens des bases d’appui saluent le départ de leurs représentants
Dimanche 25, 11 heures
La caravane arrive à Tuxtla, la capitale de l’état du Chiapas. Des milliers de personnes - peut-être cinq milles - guettent au loin l’arrivée des autobus, dans une avenue qui a été fermée à la circulation quelques heures auparavant. Après les voitures de la police fédérale et de la presse, le car des commandants est le premier à arriver. On se presse autour de la fenêtre où Marcos salue la foule. Il n’y a plus les bases d’appui, les seuls présents - avant la descente des cars des délégations étrangères - sont les habitants de la ville. Deux types de participants se côtoient : des militants pro-zapatistes - quelques centaines, mais surchauffés -, et une foule venue voir, des curieux, mais surtout des militants ou d’anciens militants, syndicalistes, ou membres de partis de gauche. Ils applaudissent quand Marcos cite leur syndicat ou leur organisation sociale, mais ne scandent pas E.Z.L.N - prononcez é, zeta, el, ene - comme les jeunes militants. Mais ils sont là, et, à voir cette première étape, on a l’impression que les zapatistes sont en train de gagner la première manche, celle de la mobilisation.
Dimanche 25 février, début de soirée
Arrivée à Cancun dans le parc du centre ville où se tient le Forum social alternatif. Des centaines de personnes sont rassemblées : des représentants du RMALC, le « réseau mexicain de lutte contre les accords de libre échange », des militants associatifs de Cancun et beaucoup de jeunes, d’ici et, surtout, de Mexico. Ceux-ci sont arrives dans l’après midi en autobus. Un voyage encore rallongé par les persécutions policières : les bus ont été bloqués plus de 4 heures aux barrages de la police où de nombreuses affaires ont été dérobées, tracts, livres, nourriture, et jusqu’à des chaussures ! A la tension due à la fatigue et à la pression policière se rajoutent des problèmes politiques. La grande majorité des jeunes, rassemblés dans le « mouvement du 26 février » et le « réseau de désobéissance civile » tiennent à ce que leurs actions soient pacifiques, alors que d’autres groupes voudraient des actions plus musclées. Les débats ont duré une bonne partie de la nuit !
Dimanche 25 février, tard dans la soirée
Le « World Economic Forum » a finalement accepté l’organisation d’un débat public avec le Forum alternatif. Reste à en fixer les modalités, ce que nous faisons avec Claudia, du W.E.F. Le débat aura lieu mardi 27, de 7h40 à 9h, dans un endroit neutre, salle de restaurant ou d’hôtel, à égale distance du centre ville où nous nous trouvons et l’hôtel où se tient la réunion du W.E.F. Le modérateur sera un journaliste de la TV mexicaine connu pour la qualité de ses interventions. Il y aura cinq personnes de chaque côté ; le débat aura comme thème principal la question du développement, et il aura lieu en espagnol. La seule modalité qui pose problème est la présence d’équipes de télévision : le débat sera ouvert à toute la presse, mais le W.E.F ne veut pas de camera, estimant que, de leur côté, leur présence peut gêner des panélistes qui ne sont pas accoutumés aux médias ! Finalement, un accord se dégage pour que les journalistes de TV soient présents sans camera, sauf à la fin du débat où une présentation des conclusions, qui pourra être télévisée, sera faite par les deux parties.
Lundi 26 février, tôt dans la matinée
Tournée de la zone hôtelière pour voir où en est le dispositif policier. L’occasion de voir Cancun : un centre ville et une zone hôtelière qui s’étend sur une fine bande de terre séparée d’un côté par la mer - que l’on ne voit jamais, elle est cachée par les hôtels - de l’autre par une lagune. L’hôtel du W.E.F est au bout de la zone hôtelière, a plus de 15 km du centre. La présence policière est discrète, il n’y a, de toute manière, aucun risque. Nous sommes quatre, il y a Hector, du CILAS et du RMALC, Gustavo, de la CUT brésilienne et Ana, une actrice de télénovela mexicaine : en cas d’intervention policière, sa notoriété peut sans doute aider à calmer le jeu. Ana a été la vedette d’une télénovela récente qui entendait innover en traitant de problèmes politiques et sociaux. Pas assez à son goût d’où une rupture qui a alimenté les discussions dans le pays. Les télénovelas mexicaine ont un temps de retard sur leur concurrentes brésiliennes. Là-bas, devant le retentissement du Forum social mondial de Porto Alegre, le dernier épisode de la télénovela la plus écoutée a été modifie : Rai, l’ancien footballeur du Paris St Germain, y est apparu, terminant la série en déclarant « moi, je fais partie de ceux qui pensent qu’un autre monde est possible ».
Fin de la série.
Christophe Aguiton
Animateur du groupe international d’ATTAC France.