Une opposition aux armes nucléaires
Le mouvement antinucléaire est né après la Seconde Guerre mondiale, suite aux bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Les considérations écologiques étaient à cette époque secondaires et la contestation centrée sur le nucléaire militaire.
En France, en 1945, Joliot-Curie, membre du PCF et découvreur de la réaction en chaîne conduisant à la fission, est nommé haut commissaire à l’énergie atomique. Il lancera en 1950 l’appel de Stockholm qui visait à interdire la bombe nucléaire dans le monde.
En 1958, la première marche d’opposition aux armes nucléaires a lieu en Angleterre contre une usine de fabrication de missiles nucléaires.
Le Mouvement Contre l’Arme Atomique (MCAA) est crée en 1963. Et plus de 150 pays à l’exception de la Chine et de la France signent le « traité d’interdiction partielle des essais nucléaires » proposant l’arrêt des essais atomiques atmosphériques. Ce mouvement est notamment soutenu par des militants en rupture avec la SFIO et le PCF. Une autre organisation est créée par le PCF : « le Mouvement de la Paix contre la bombe atomique ». Mais celle-ci est destinée à soutenir la politique étrangère de l’URSS et ne remet en cause que les bombes américaines et françaises. Plus généralement, à cette époque, toute la classe politique française fait preuve d’une belle unité scientiste, nationaliste et pro nucléaire, tandis que se pratique de façon discrète des essais nucléaires dans le Sahara et en Polynésie française, loin de la métropole.
Années 70 : l’opposition au « nucléaire civil »
L’apparition de sensibilités environnementalistes ouvre le débat sur les conséquences de l’utilisation de technologies comme l’énergie nucléaire. Les premières manifestations contre le nucléaire civile ont lieu à Fessenheim (1971), au Bugey, et contre Superphénix à Creys-Malville, sans donner lieu à la création d’un réseau structuré. Le mouvement de contestation se voit contrecarré par le premier choc pétrolier (1973) qui confirme le choix du nucléaire comme outil d’indépendance énergétique. Les projets de construction de centrales envahissent alors tout le territoire.
L’été 77 est marqué par le rassemblement du Larzac (50000 personnes) et par la manifestation de 60000 personnes contre Superphénix à Malville qui est sauvagement réprimée causant des blessés graves et la mort d’un militant : c’est l’éclosion d’un mouvement antinucléaire autonome qui dénonce le nucléaire soutenu par une société policière à la solde du capital.
1979 : premier accident nucléaire majeur à Three Mile Island aux États-Unis avec la fonte du cœur d’un réacteur qui occasionnera l’évacuation de 300 000 personnes.
Années 80 : les déceptions de la gauche au pouvoir
Lorsque la gauche arrive au pouvoir, l’opposition à l’énergie nucléaire s’exprime sur des bases environnementales : pollution des rivières, accidents de réacteurs connus ou potentiels, fuites de produits radioactifs, stockage ou traitement des déchets radioactifs à long terme. Le projet de centrale de Plogoff, suite à de très fortes mobilisations, est abandonné, mais pas le programme nucléaire français, contrairement aux déclarations électorales antinucléaires du PS. Le mouvement antinucléaire sera le premier à s’opposer à la gauche au pouvoir qui travaillera à récupérer ses principaux leaders pour le neutraliser. Le parti des Verts est crée en 1984, et de nombreux militants antinucléaires déçus par le comportement du gouvernement le rejoignent.
La catastrophe de Tchernobyl en 1986, deuxième grande catastrophe nucléaire, relance le débat et la lutte. En 87, D. Anger, antinucléaire historique des Verts, tente de structurer les luttes locales qui s’opposent aux nouvelles construction pour faire émerger un « réseau pour un avenir sans nucléaire ». Dans le même temps, deux laboratoires d’analyses indépendants de radioactivité voient le jour : l’ARCO et la CRIIRAD
En 97 Jospin offre aux Verts, nouvellement intégré dans le gouvernement, une victoire politique en annonçant l’arrêt du Superphénix, en réalité un véritable gouffre financier ! Et Voynet donnera en 2000 l’autorisation d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure (Meuse) et met en route la recherche de nouveaux sites qui rencontre une opposition farouche des antinucléaires.
Le Réseau Sortir du Nucléaire est créé dans la foulée de la fermeture de Superphénix à partir de comités antinucléaires locaux, de collectifs contre l’enfouissement de déchets, de groupes locaux des Verts, d’associations environnementales, d’un groupe libertaire de Toulouse et de la LCR. 873 organisations sont aujourd’hui signataires de la charte du Réseau qui anime et coordonne la lutte et s’oppose à tous les nouveaux projets de l’industrie nucléaire en France comme à l’étranger (EPR, ligne haute tension, ITER...)
En Europe, « l’union mondiale pour la protection de la vie » mène depuis 1958 des campagnes contre les centrales nucléaires. L’Autriche, la Suède (1979), la Belgique(1999) ont successivement renoncé à l’énergie nucléaire. En Allemagne (2000), sous l’influence des mouvements antinucléaires, les gouvernements ont décidé d’abandonner la filière progressivement et de ne pas construire de nouvelles centrales. Les transports de matières radioactives sont entourés de manifestations fortement médiatisées et d’un important dispositif policier, notament ceux de l’usine AREVA de la Hague vers le centre de stockage de Gorleben
Le mouvement antinucléaire français s’est principalement construit autour de mobilisations locales, parfois massives, contre la construction des centrales. Une fois la France dotée d’un parc nucléaire conséquent, le mouvement antinucléaire a décru avec le nombre de chantiers de construction. Nous sommes aujourd’hui devant une échéance qui doit nous inciter à œuvrer pour la renaissance d’un mouvement combatif. En effet, de nombreuses centrales vont avoir 30 ans, durée de vie initialement prévue. Mais pour engranger toujours plus de profits, EDF souhaite prolonger de 10 ans cette durée de vie. Le dramatique accident de Fukushima nous rappelle que le nucléaire ne sera jamais une industrie comme les autres. Nous devons donc refuser cet allongement de durée de vie et porter haut et fort la contestation contre l’énergie nucléaire en réclamant une sortie rapide de cette énergie mortifère.
Claude Kaiser, Damien Joliton et Catherine Faivre d’Arcier