Le silence des agneaux
Les images écœurantes des charniers animaux et le refus de la vaccination
par les tenants de la « priorité à l’exportation » soulèvent un débat sur le
statut de l’animal face à la logique implacable du productivisme agricole.
Rappelons ce que tout le monde
semble ignorer : la fièvre aphteuse est
une maladie virale qui touche les
animaux « à sabot fendu » de nos
contrées (porcs, bovins, ovins) et qui,
pour être extrêmement contagieuse,
n’en est pas moins « bénigne » : si l’on
déplore 5 % de mortalité, la majeure
partie des animaux s’en remet
facilement (c’est un peu comme la
grippe, mais avec des aphtes).
A condition qu’on leur laisse le temps
d’en guérir, et que l’on accepte la
baisse de « rentabilité » (en lait, par
exemple) qui peut en découler (c’est le
cas de le dire...). Mais là justement est
le problème. Avant d’être une maladie
animale, la fièvre aphteuse est un
« fléau économique » (le terme est d’un
journaliste de France 2) : l’abattage
massif reste le plus rentable, quand la
vaccination est coûteuse et qu’elle peut
dissuader certains acheteurs étrangers
(voilà pourquoi elle a été interrompue
en 1991). Cette évidence étant
entendue, au diable l’avarice !
Moutons, porcs et vaches sont brûlés
par milliers... Pas une voix ne s’élève
pour interroger le sort, et donc le
statut, réservé à ces « vivants non
humains ». On relaie pour la forme
l’émotion (bien réelle) des éleveurs,
mais on se gargarise de ce mot
délicieusement jargonnant, qui rassure
le citoyen-consommateur : l’épizootie
(prononcez « épizoocie »), ce terme au
sens, apparemment, essentiellement
négatif. Il signifie en effet que la
maladie n’est pas transmissible à
l’homme, que ce n’est donc pas une
épidémie (comme l’ESB). C’est tout ce
qu’on voulait savoir. Pour le reste, on
s’en remet consensuellement au
meilleur rapport coût-avantage. Son
utilité économique, le profit qu’il peut
générer, est donc la seule légitimité à
exister que l’on accorde au genre
animal.
Anthropocentrisme coupable, productivisme
destructeur, qu’il nous faut
décidément interroger pour armer une
critique écologique qui ne soit pas un
environnementalisme de confort, mais
un appel radical à repenser nos modes
de production et de consommation,
dans le souci global (aujourd’hui
nécessaire) de la vie terrestre.
Claire Le Strat
CLIMAT : Bush veut enterrer Kyoto
Le nouveau président américain Georges
W. Bush vient d’annoncer qu’il renonçait
à réglementer les émissions de dioxyde de
carbone enterrant ainsi les déjà timides
engagements américains lors de la
signature du protocole de Kyoto en 1997
relatif aux mesures à mettre en œuvre
pour prévenir la crise climatique due à
l’augmentation de la concentration de gaz
à effet de serre dans l’atmosphère.
L’échec de la Conférence de La Haye en
novembre 2000 n’est donc pas prêt d’être
surmonté.
Bush juge que les objectifs fixés à Kyoto,
qui concernent pour l’essentiel les pays
industrialisés sont « injustes et inefficaces,
80% des pays du monde en étant
exemptés. » Les conférences mondiales
sur l’environnement butent désormais sur
les contradictions entre grandes puis -
sances et en premier lieu sur l’arrogance
impérialiste américaine. Mais Bush est
également confronté à une crise
énergétique croissante aux Etats-Unis
mêmes, dont la situation californienne est
la partie la plus visible. Alors qu’il
conviendrait d’amorcer des changements
profonds afin d’économiser l’énergie,
Bush semble s’engager dans un vaste plan
d’accroissement de la production
domestique afin de diminuer la
dépendance croissante du pays vis à vis
des importations pétrolières et de
répondre à des besoins futurs jugés très
importants.
Pour ce concilier les américains, malgré
leur attitude, le risque est grand que les
européens mettent en avant à l’occasion
du G7 de Gênes en juillet prochain un
plan de réduction des gaz à effet de serre
centré sur les marchés de droits à polluer.
Il est urgent que le mouvement écologiste
et le mouvement anti-impérialiste
s’unissent pour mener la bataille. L’environnement
ne doit pas rester à l’écart du
mouvement contre la mondialisation
capitaliste.
Laurent Menghini
Accidents du tunnel du Mont-Blanc : « Toutroutier » et loi du profit en accusation
Deux ans exactement après le terrible accident dans le tunnel du Mont-blanc, qui
devait coûté la vie à 39 personnes, le rapport d’expertise confirme la responsabilité
de la société des Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB), longtemps
présidée par Edouard Balladur. L’incendie aurait été provoqué par un mégot jeté d’
une portière. Le rapport indique qu’il est « probable qu’on aurait eu aucune
victime » s’il n’y avait pas eu un retard de neuf minutes dans le déclenchement des
feux rouges. Malgré les demandes répétées des pompiers du tunnel, l’ATMB avait
préféré investir dans de nouvelles barrières de péage plutôt que dans la sécurité !
Mais l’ATMB n’est pas seule responsable, dans sa course effrénée aux profits. La
politique du tout-routier est aussi en cause. Chaque jour des milliers de camions
traversent les Alpes. Aujourd’hui, les habitants de Chamonix, qui ont redécouvert
la beauté de leur vallée débarrassée des nuisances routières, se mobilisent contre la
réouverture du tunnel.
Bernard Cavern
Bloquer les transports pour bloquer l’industrie nucléaire
La reprise, le 26 mars, des convois de déchets radioactifs entre la France et
l’Allemagne, est un véritable marché de dupe : pour un convoi de 6 conteneurs,
appelés CASTOR, de La Hague vers Gorleben, ce sont 40 autres qui traverseront
la frontière dans l’autre sens, entretenant ainsi un commerce juteux pour la
Cogema, et surtout l’illusion qu’avec le retraitement la filière nucléaire maîtriserait
le « cycle du combustible ». Rien n’est dit non plus sur la dangerosité de tels
convois.
Ce marché de dupe résulte de l’accord survenu entre les gouvernements français et
allemand fin janvier. Schröder pressait en effet Jospin d’accepter la reprise de ces
convois, interrompus après la découverte scandaleuse d’une contamination
radioactive à l’extérieur des « Castor » qui était connue des industriels depuis des
années. Le problème de Jospin n’était évidemment pas les risques encourus par les
cheminots ou les populations des régions traversées - SUD Rail a dénoncé
l’absence d’information des cheminots quant à l’organisation de ces convois -
Non, Jospin ne voulait prendre le risque de voir son gouvernement épinglé par les
anti-nucléaires, à cause du non-respect de la loi qui prévoit explicitement que les
déchets étrangers doivent être réexpédiés après leur retraitement à l’usine de La
Hague. C’est pourquoi il fallait organiser le convoi du 26 mars, même si, au bout
du compte, la quantité de déchets stockée à La Hague aura augmenté !
Les transports, talon d’Achille de l’industrie nucléaire
Avant l’interruption des transports en 1998, les manifestation d’opposition étaient
déjà nombreuses et massives en Allemagne. Le mouvement en a clairement fait
son axe principal, extra-parlementaire, de lutte pour la sortie du nucléaire.
L’objectif actuel est la paralysie des centrales, aux capacités de stockage
temporaire saturées après trois ans sans transport.
Le point le plus positif de la lutte actuelle est probablement que, pour la première
fois à ce niveau de coordination, les mouvements antinucléaires allemand et
français luttent ensemble contre la reprise du commerce des déchets radioactifs
entre les deux pays. (Les moment important de cette coordination furent les
participations réciproques de délégations à l’assemblée générale du Réseau sortir
du nucléaire fin janvier et au premier rassemblement contre la reprise du transport
en février à Ahaus). Tout le mouvement antinucléaire ? Non ! Pour la première
fois les partis écologistes, en France comme en Allemagne, se sont éloignés de la
lutte, et s’y sont même partiellement opposé. La directive des Grünen défendant à
ses militants de participer au blocage des CASTOR a été très fortement contesté au
sein du parti allemand. Et nombreux sont les militant-e-s à avoir en quelque sorte
accompli leur « devoir » de désobéissance civique et non-violente - un acquis
essentiel du patrimoine des luttes écologistes - en participant à plus de quinze
mille au rassemblement du 24 mars. L’escroquerie que constitue l’accord passé
entre le gouvernement et l’industrie, avec la caution active des ministres et
dirigeants des Grünen, est fortement dénoncée.
Coté français, les Verts ont toujours souhaité le retour des déchets dans le pays
d’origine. Il ne peut évidemment s’agir de s’opposer physiquement au retour de
déchets vitrifiés vers l’Allemagne, cela ne serait pas compris aujourd’hui de
l’opinion. Mais faut-il pour autant récuser ceux qui dénoncent cette reprise des
transports, dès lors que celle-ci prépare en réalité l’arrivée de nouveaux déchets ?
Fallait-il « sanctionner » le Réseau d’avoir adopté une telle position lors de son
AG ? C’est ce que les Verts ont choisi de faire en se mettant en congé du Réseau
pour deux mois. Cela témoigne du grand embarras de ceux qui aujourd’hui
préfèrent la solidarité avec les gouvernements français et allemand à la solidarité
dans la lutte, et plus inquiétant, d’une conception bien surprenante et
particulièrement crispée des rapports à entretenir entre un mouvement social
écologiste et une organisation politique. Au-delà de leur image largement
préservée dans l’opinion, les Verts naviguent aujourd’hui à vue, bien loin de la
« politique autrement ».
Bernard Cavern
Bové ou l’état de légitime révolte
Le 22 mars, le verdict est tombé, trois
mois fermes et 346 000F d’amendes pour
José Bové pour le démontage du McDo et
la retenue de représentants du ministère
de l’agriculture à la préfecture. La cour
d’appel de Montpellier n’a pas osé
révoquer les sursis des condamnations
antérieures, ce qui aurait abouti à treize
mois de prison ferme. Neuf autres
militants de la Confédération paysanne
ont écopé de deux mois de prison avec
sursis ou d’amendes. Bové va se pourvoir
en cassation voire saisir la Cour
européenne des droits de l’Homme,
estimant sa relaxe légitime et tenter de
créer une jurisprudence novatrice.
En condamnant les actions de la
Confédération paysanne, la justice bafoue
le juste combat de milliers de militant(e)s
anti-mondialisation qui refusent les
diktats de l’OMC, des trusts, notamment
ceux de l’agrochimie, qui asservissent la
planète. Au nom de la justice sociale, de
la démocratie, et de l’exigence écologique,
les mobilisations doivent se poursuivre et
s’amplifier.
Catherine Lebrun
AGENDA
– 17 avril : journée mondiale de luttes
paysannes. Le 17 avril 1996, 19 paysans
sans-terre étaient assassinés au Brésil.
Depuis, Via Campesina, confédération
mondiale de syndicats paysans dont la
Conf’ paysanne, organise une journée de
lutte à cette date. Cette année les OGM
seront à la fête ! Le refus des OGM sera
l’occasion d’associer plus encore aux
luttes paysannes les mouvements
écologistes, citoyens ou de consommateurs.
Pour connaître les actions prévues :
www.confederationpaysanne.org
– du 23 au 29 avril 2001 : 2e semaine
nationale d’initiatives « Sortir du
nucléaire ». A l’occasion de la 15e
commémoration de la catastrophe de
Tchernobyl, le Réseau sortir du nucléaire
organise conférences, manifestations,
action symbolique, théâtre, cinéma... aux
4 coins de la France.
(Tel : 04 78 28 29 22)
– Mardi 24 avril, 19 H 30 (sous réserve) :
réunion de la commission nationale
écologie à la Brèche - 27, rue Taine, Paris 12e -
M° Daumesnil
Ligue communiste révolutionnaire - Commission nationale écologie
2, rue Richard Lenoir, 93100 Montreuil
tél : 01 48 70 42 30 - fax : 01 48 59 39 59
e-mail : lcr lcr-rouge.org
site web : http://www-lcr-rouge.org