J’ai participé, pour Attac, à la conférence Jubilé 2000 d’Okinawa, réunie en juillet à la veille du sommet du G8. J’ai écrit un article pour le « Grain de sable » que j’ai déjà fait circuler en avant-première pour le groupe de travail inter. Il se trouve à nouveau ci-dessous ici, annexe à ce rapport. Pour celles et ceux qui ne l’ont pas lu (est-ce concevable ?), lisez-le : il sert d’introduction à ce rapport. (1)
Un lecteur français résidant au Japon a envoyé une critique de mon article (qu’il juge trop occidental et idéologique). Sa contribution et ma réponse vont être publiées dans le GdS. Je peux vous les fournir si vous le souhaitez.
Ce rapport de voyage est assez long. Mais c’est l’occasion de faire le point et de mettre en mémoire un certain nombre de données. Je n’ai ni le temps ni le courage de me relire systématiquement. Alors, pardonnez-moi les incorrections.
J’espère (sans trop l’espérer) que les Japonais vont faire circuler sur « Transattac » une auto-présentation de leurs initiatives et déclarations. Sinon, je vais vous envoyer ultérieurement, par courrier postal, des documents que je ne possède pas sous forme électronique : lettre sur la dette au G8, proposition de déclaration de consensus, déclaration de la conférence sur les questions de sécurité, etc.
A/ Des initiatives éclatées
La conférence Jubilé 2000 n’était que l’une des initiatives prises à l’occasion du G8 nippon. Quant à la participation internationale, c’était la plus importante, et ce de loin. Les autres initiatives étaient soit régionales (concernant une partie de l’Asie-Pacifique), soit nationales, soit locales. C’était ainsi la seule qui relayait l’une de nos campagnes mondiales « permanentes » (sur la dette). Par ailleurs, Jubilé 2000 Japon comprend un arc de forces très ouvert : PARC, les Eglises chrétiennes, Rengo -à savoir la principale confédération syndicale issue d’une fusion « à droite » entre le Domei (grandes entreprises du privé) et le Sohyo (socialiste, secteur public) d’où se sont retrouvé de fait exclut les fédérations liées au PCJ ou de facture radicale.
Pourtant, vu du Japon et -surtout- d’Okinawa, la conférence de Jubilé 2000 n’était ni la plus visible ni la plus centrale : les mobilisations se sont avant tout produites sur la question des bases américaines (voir mon article pour le GdS) et très secondairement sur les questions sociales (micros initiatives de militants syndicaux radicaux et marche de chômeurs). J’ai eu l’impression que la question de la dette était importante dans la « politique au sommet » (présence de représentants du G77, lobbying de Jubilé 2000...), mais qu’elle était peu intégrée aux mobilisations de masse.
Ce qui nous conduit à un premier problème. Ce n’est qu’en dernière minute qu’une certaine coordination s’est produite au Japon entre les diverses initiatives (ou du moins les plus importantes d’entre elles) : participation de Jubilé 2000 à la chaîne humaine entourant la base US de Kadena ; présence réciproque à Nago, lors de la manifestation de Jubilé 2000, d’un petit contingent du réseau "anti-pactes militaires (Jubilé-Sud ayant activement servit ici d’intermédiaire) ; communiqué commun adressé au G8... Il y a, il me semble, à cette situation des explications concernant tant les réseaux internationaux que les réseaux japonais et sur lesquelles il serait utile de réfléchir.
L’absence d’une meilleure coordination au Japon peut apparaître assez paradoxale. En effet, les deux principales conférences (sécurité et Jubilé) ont été organisées par des personnes qui ont longtemps appartenu au même groupe : le Pacific Asia Resource Center (PARC), ou qui collaborent avec. La conférence sur les problèmes de sécurité a été initiée par Muto Ichiyo (qui représenta fort longtemps PARC) et Walden Bello (de Focus on the Global South). La conférence sur la dette par Inoue Reiko (actuel pilier de PARC) et Kitazawa Yoko (toujours liée à PARC et de la même génération « historique » que Muto). Le noyau organisateur appartient à un petit milieu militant issu du mouvement contre le pacte militaire nippo-américain (AMPO) dont les racines remontent à la fin des années 1950, de la solidarité anti-impérialiste et, en particulier, asiatique (Philippines...).
Il y a des problèmes de personnes (difficultés à travailler ensemble). Mais il y a aussi des problèmes plus substantiels.
Au fil des années 1990, des cheminements différents se sont affirmés. PARC a recruté des jeunes très actifs, mais à la culture militante évidemment fort différente de celle des générations 1950-1970 (cette vérité universelle est encore plus vraie au Japon). PARC s’est par ailleurs inscrit dans une collaboration assez régulière avec des éléments des Eglises chrétiennes (via la solidarité tiers monde). Ce qui lui permet d’agir large (voir Jubilé 2000 Japon), mais ce qui « modère » aussi son discours, ce qui l’« ONGise » d’une certaine façon.
Muto Ichiyo est resté plus « fidèle » à la tradition de PARC-AMPO : terrain des pactes militaires, réseaux militants de la gauche radicale politique ou syndicale, contestation de l’ordre établi, regards tournés vers l’Asie du Sud-Est et du Nord-Est... Résultat des coursesÊ : il craint que PARC ne se positionne trop en « dialogue » avec le gouvernement nippon (comme une ONG lobbyiste). En revanche, Inoue Reiko et Kitazawa Yoko craignent que Muto ne s’avère incapable de mordre sur les jeunes générations et d’agir avec assez d’envergure pour faire bouger les choses.
Cela dit, chacun garde son respect pour l’autre et reconnaît la légitimité de son action. Tout cela apparaît beaucoup plus complémentaire qu’opposé. Mais l’atonie du mouvement syndicalo-social au Japon pèse de toute évidence sur l’absence d’un dynamisme d’ensemble, rassembleur. Alors chacun peut rester chez soi.
L’action des réseaux internationaux n’a pas contrebalancé les facteurs nippons.
1. La conférence sur les problèmes de sécurité a été préparée par un réseau ad hoc, centré sur l’Asie orientale. L’information préalable a été fort mal diffusée à l’échelle internationale, ce qui nous a même interdit de discuter d’une éventuelle participation (ceci dit, vu que cette conférence s’est réunie fin juin-début juillet, il nous aurait probablement été pratiquement impossible d’aller à Okinawa à ce moment).
2. Jubilee-UK a commis une énorme erreur de lecture sur les raisons de la venue du G8 à Okinawa. Le titre de la brochure « Island Mentality », le résumé introductif et l’introduction du premier chapitre martèlent le « syndrome de Seattle » : la retraite dans des îles perdues loin de la menace de mobilisation. Le rédacteur va jusqu’à décrire l’hôtel où se retrouveront les délégués... et ne dit pas un mot sur la présence des bases américaines. Le gouvernement japonais a beaucoup d’îles touristiques à sa disposition pour une « retraite ». S’il a claqué un fric fou pour Okinawa, c’est pour soutenir le nouveau gouverneur de préfecture favorable aux bases US, pour poursuivre son offensive de charme vis-à-vis de la population d’Okinawa très remontée contre ces bases et pour légitimer les accords militaires nippo-américains.
Si cette donnée avait été intégrée, il aurait été possible de lier la question de la dette et de la guerre. Cela aurait été d’autant plus facile que la brochure de Jubilé 2000 le fait déjà à propos du traité de Versailles, du Rwanda ou des Falklands.
3. Les mouvements japonais ne sont que très marginalement intégrés à la succession des conférences et mobilisations internationales qui dégagent un cadre commun pour un ensemble de campagnes. La participation nipponne est surtout le fait de PARC, Kitazawa Yoko et Inoue Reiko. Mais, on le verra, il s’agit même pour PARC d’un investissement encore non prioritaire. En retour, le cadre et la dynamique internationales contribuent peu à la dynamisation des initiatives au Japon.
A vrai dire, vu du Japon, il est fort difficile de percevoir ce dynamisme international des résistances à la mondialisation libérale. J’ai animé deux réunions à Tokyo sur ce thème, pour des militants radicaux syndicaux et politiques non investis dans les réseaux mondiaux « anti-globalisation ». Ils veulent bien me croire sur parole parce que je suis sympa, mais ils ont du mal à le vivre ou à l’imaginer...
L’intégration des mouvements japonais dans l’ensemble internationale (et réciproquement l’intégration du Japon dans les préoccupations internationales) reste encore largement à faire. Et cela ne va pas de soi.
B/ La conférence Jubilé 2000
Situation de fait plus que choix, Attac (France) n’a donc participé qu’à la conférence Jubilé 2000.
Nous étions deux délégués français : Alex de la Forest-Divonne (CCFD) pour la campagne « Pour l’an 2000 : Annulons la dette » ; et moi. Nous partagions la même chambre d’hôtel, ce qui nous a permis de faire connaissance (Alex n’était alors pour moi qu’une signature d’e-mail).
La conférence était vraiment une conférence des mouvements « Jubilé ». Il y avait peu d’organisations « autres » comme Attac : des structures syndicales d’Afrique (ICFTU-Afro, OATUU, DOAWTU), Nouvelle-Zélande, INFID d’Indonésie, Tamilnadu Women’s Collective... Sur le terrain de la dette même, le CADTM ou le réseau espagnol n’étaient pas représentés. En revanche, toutes les composantes de Jubilé étaient là.
De ce fait, les débats étaient avant tout « internes » à la mouvance Jubilé : mise au point et adoption d’une lettre au G8, échanges sur une « déclaration de consensus », amorce d’un débat sur la suite (que deviennent les mouvements et la référence Jubilé après le 31 décembre 2000 ?). Le temps de débat était limité. Tout s’est passé en plénière (pas d’ateliers). En trois jours, il y a eu quelques discours de bienvenue, deux réceptions de soirée (dans une église et sous l’égide de Rengo) et trois manifestations. Si bien qu’il a manqué de temps même pour l’échange « interne » Jubilé : la rerédaction de la déclaration de consensus n’a pas pu être discuté et le débat sur les perspectives n’a été qu’amorcé.
Dans ce contexte, je me suis fait discret (mais n’est-ce pas mon habitude ?). Je ne suis intervenu en plénière qu’une seule fois, tout à la fin (j’étais le dernier des intervenants repêchés par le président de séance -un copain- avant que le point de l’ordre du jour ne soit clos). Je suis alors brièvement intervenu sur deux points : la convergence des réseaux et campagnes sur le plan international, et l’étape nouvelle concernant la taxe Tobin (questionnaire, appel des parlementaires...). Dans le cours de débats, plusieurs personnes avaient fait référence à la taxe Tobin (comme complément à l’annulation des dettes). Et l’échange final au sein de Jubilé sur les perspectives post-2000 débouchait sur la question de l’articulation des campagnes mondiales.
Autre raison de discrétion, Alex s’est demandé (il me semble) si ma présence indiquait une pulsion hégémoniste d’Attac dans le domaine des campagnes dettes. Je l’ai rassuré. Et j’ai orienté vers lui les demandes d’interview de Français qui pouvaient m’être transmises. Il était à la fois plus qualifié sur le sujet et plus légitime, plus représentatif. Je n’ai donné qu’une interview, à une radio associative indonésienne : c’était justifié par mes contacts avec les Indonésiens.
Dans la conférence Jubilé, l’Asie-Pacifique était moins bien représentée que je ne le prévoyais. Du point de vue régional, l’Afrique était la mieux représentée. Le réseau Jubilé-Sud était très actif. La délégation britannique était très nombreuse (bien qu’une partie d’entre elles soit resté à Tokyo pour suivre la venue du G77, Ann Pettifer n’est ainsi pas venu à la conférence d’Okinawa). Et le rôle des Japonais (notamment de PARC : Kitazawa Yoko et Inoue Reiko) a été très important. Ils ont en effet efficacement consulté longtemps avant la conférence, retravaillant les propositions de textes pour préparer un consensus.
Ainsi, la discussion sur la lettre au G8 a pris du temps, mais s’est déroulée dans une atmosphère « constructive » et un accord s’est réalisé sans grandes difficultés. Etant donné qu’elle faisait l’unanimité de toutes les composantes de Jubilé, j’ai sans états d’âme donné la signature d’Attac pour cette lettre. L’exercice était un peu plus délicat concernant la déclaration de consensus (son objet étant plus large que celui de la lettre au G8), mais aurait probablement aussi abouti si le temps n’avait pas manqué.
Il n’y a pas eu de discussion de fond sur la question de la dette, en l’absence d’ateliers. Le plus frustrant a été la brièveté de la discussion sur les perspectives. Pour certains (une petite mlnorité ?), le fait même de continuer une campagne dette ne semble pas aller de soi. Un représentant de Christian Aid (UK) a ainsi déclaré que le temps de la campagne dette s’achevait avec la fin de l’année jubilaire et qu’il percevait que le temps allait advenir d’une campagne sur le commerce mondial (Dieu a dû lui parler de Seattle et lui dire qu’il y avait là quelque chose à glaner...). Cela dit, un autre représentant de Christian Aid semblait plus raisonnable et ne pas partager cette vision super instrumentale d’initiatives successives. Le signe des temps est en effet que bon nombre de campagnes prennent simultanément de l’ampleur (OMC, dette, taxe Tobin...).
Comment, vu d’un œil relativement extérieur, résumer la nature du débat ?
Deux choses d’abord. Pour certains (France), il semble difficile de maintenir la campagne dette au niveau d’intensité qui a été le sien ces deux dernières années, alors que pour d’autres (Jubilé-Sud) il faut maintenir la pression aussi fort que possible. Par ailleurs, peut-on inscrire la campagne dette dans la durée en la maintenant dans les formules les plus « étroites », « ciblées » (celles de Jubilé-UK à l’origine) ou faut-il l’élargir à l’ensemble des pays porteurs d’une mobilisation durable, même s’ils ne font pas partie de la liste officielle des 52 pays ? Alors que de toute façon le G8 fait la sourde oreille ? La fin 2000 approchant, un certain nombre de divergences au sein de Jubilé 2000 semblent de fait s’estomper.
Autre problème, que faire de la référence « Jubilé » et des cadres unitaires constitués à cette occasion ? La réponse doit varier suivant les perspectives mais aussi suivant la nature des coalitions suivant les pays. Jubilé-Sud semble positionné pour continuer. Jubilé-UK a expliqué que leur CA devait se réunir 10 jours après la conférence et qu’il ne pouvait pas dire grand chose sur l’avenir en attendant (mon impression est que la « surface » de Jubilé-UK va se réduire mais que son « noyau dure » va poursuivre l’action... mais sous quel label ?).
Jubilé 2000 Japon devrait se dissoudre. PARC relancerait alors un réseau contre « Bretton Woods » qui poursuivrait entre autres l’activité sur la dette. Les Eglises resteraient dans le coup, mais pas Rengo. Les représentants de Rengo (et surtout de Rengo-Okinawa) ont reçu les participants à la conférence avec un certain faste (dont un excellent buffet en soirée accompagnée de beaucoup de bière... ce qui prouvait qu’il s’agissait bien d’un événement syndical). Les locaux de Rengo-Okinawa servaient de centre opérationnel aux organisateurs de Jubilé. Mais une interview du président de Rengo a été distribuée à la conférence où il explique notamment que l’alliance avec des ONG (jugées libres d’être irresponsable) n’est qu’exceptionnel. En bref, la coalition avec Rengo a été conflictuelle et ne se perpétuera pas. D’où le processus annoncé de dissolution-refondation.
On touche ici aux limites de la conférence Jubilé-2000 d’Okinawa. Alors que les échéances s’approchent, elle n’a pas permis de traiter au fond les questions d’avenir : que faire des mouvements et de la référence Jubilé comment poursuivre la campagne dette comment l’intégrer mieux à l’ensemble des initiatives internationales en cours ?
C/ La conférence « sécurité »
La conférence sur les questions de sécurité (Okinawa International Forum for People’s Security, 29 juin-2 juillet) a été préparée par Focus on the Global South (l’un de nos partenaires les plus réguliers, basé à Bangkok) et le Tokyo Organizing Committee. Ce dernier est une structure ad hoc, temporaire, dont le secrétaire général était Kenji Kunitomi et où l’on retrouve avant tout des organisations japonaises soutenant la lutte d’Okinawa contre les bases US.
La conférence s’est tenue en session fermée, avec une centaine de participants. Elle se donnait pour principaux objectifs de “mettre en lumière les menaces que font peser sur la vie et les intérêts politiques, sociaux et environnementaux des peuples les systèmes régionaux et globaux actuels fondés sur une puissance militaire en perpétuel développement ; de redéfinir le concept de sécurité ; et de promouvoir des pratiques permettant d’assurer une véritable sécurité des peuples”.
Les rapports introductifs ont été présentés par le Japonais Muto Ichiyo et le Philippin Walden Bello (de Focus). La grande majorité des intervenants venaient du Japon, de Corée, Taïwan, Hongkong, Thaïlande, Indonésie, Philippines et des Etats-Unis. La conférence s’est concentré sur Okinawa, les rapports militaires nippo-américains et la situation en Asie orientale (l’Asie du Nord-Est d’une part et l’Asie du Sud-Est d’autre part). Partiellement faute de temps, mais aussi parce que leur attention était tournée vers leur propre région, les organisateurs n’ont pas informé efficacement les réseaux mondiaux de leur initiative. C’est dommage, car la conférence devait être intéressante, mais de toute façon le calendrier de la fin juin aurait rendu difficile une présence française à ce moment.
L’originalité de la conférence a notamment tenu à deux éléments. Une discussion de l’évolution des problèmes de sécurité dans l’après-guerre froide (avec en particulier la question des rapports sino-américains), et sur ce qu’ils appellent la “globalisation militaire”. La volonté de dégager des principes novateurs et de définir des pratiques solidaires qui permettent de défendre la sécurité des peuples de façon effective. Les conclusions de la conférence sont contenues dans la déclaration (“Toward People’s Security in the Asia Pacific Region”) qu’elle a adopté le 2 juillet. J’ai proposé aux organisateurs qu’il la présente sur la liste “Transattac” (j’en ai un exemplaire en anglais, au besoin, ainsi qu’une présentation de la conférence et les contributions de Walden et Muto)...
D/ Les autres initiatives
Un certain nombre d’autres initiatives ont été prises en juin et juillet, à l’occasion de la réunion du G8. Ma liste n’est pas nécessairement exhaustive.
– Un « Sommet international des femmes » a été organisé les 22 au 22 juin à Okinawa, contre les bases US et les violences sexuelles. Je n’ai pas l’impression qu’il ait été inscrit dans la Marche mondiale. Ce sont des mouvements femmes d’Okinawa qui en étaient à l’initiative.
– Le Forum international sur l’environnement (17 juillet, Okinawa) avec en particulier la participation du professeur Ui, très actif sur les questions de pollutions.
– Un “Sommet ouvrier” (« Labor Summit ») réunit à Osaka et à Okinawa (1er au 3 juillet), contre les dérégulations. Il s’est tenu à l’initiative d’un réseau militant au sein de Zenrokyo : le plus petit et le plus radical des pôles syndicaux (il annonce 300 000 membres), après la principale confédération (Rengo, qui annonce 9 millions de membres) et celle identifiée au PCJ (Zenroren, qui annonce 1,5 million de membres). Des syndicalistes de Corée du Sud (KCTU), d’un centre syndical indépendant de Taïwan et des Philippines (le seul KMU, ce qui est très vieux jeu) ont participé à ce micro-« sommet ».
– Une marche des chômeurs, organisée par des militants très admiratifs d’AC !. Christophe (Aguiton) peut expliquer mieux que moi de qui il s’agit.
– A la suite d’un « Kyushu-Okinawa Summit », 17 associations d’Okinawa et 8 autres ONG japonaises (dont Greenpeace et le WWF du japon) ont adopté une déclaration au G8 demandant le démantèlement des bases US, dont j’ai deux versions légèrement différentes (« Okinawan NGOs Declaration to the G8 Summit », « NGOs Joint declaration to the G8 Summit »), avec un texte introductif : « Thousand Year Peace Happening On Okinawa Now (TYPHOON) ».
– Acte unitaire, un communiqué au G8 a été adopté par un éventail de mouvements (dont Jubilé 2000) qui fait une synthèse des exigences (du démantèlement des bases à l’annulation de la dette des pays pauvres).
E/ Les contacts
Durant et après la conférence Jubilé 2000, j’ai pris un certain nombre de contacts pour Attac.
La participation Asie-Pacifique à la conférence « dette » a été moins importante que je ne l’escomptais. A s’en tenir à cette seule conférence, la présence d’un membre du (sous)groupe de travail Afrique d’Attac aurait été au moins aussi justifiée que la mienne. Mais, bien entendu, l’environnement était japonais, ce dont j’ai profité.
1. Au Japon
J’ai surtout voulu discuter avec nos partenaires japonais de leur participation trop « marginale » aux conférences, mobilisations, campagnes et initiatives mondiales. J’ai insisté sur l’importance des développements en cours et, en particulier, du Forum social mondial de Porto Alegre dont personne n’avait encore pris connaissance.
* Durant la conférence, j’ai discuté à bâtons rompus avec Kitazawa Yoko (Jubilé 2000, PARC). Plus qu’une représentante d’organisation, elle intervient comme personnalité militante. Elle compte se reconvertir, avec la fin de l’année 2000, sur la taxe Tobin. Elle peut certainement être fort utile en ce domaine, notamment pour introduire mieux cette question au Japon (via la coalition contre les institutions de Brettons Woods). Mais le risque, c’est que sa participation aux conférences internationales reste un acte par trop « solitaire ».
* Après la conférence, j’ai pris trois rendez-vous avec Inoue Reiko (PARC, conférence Jubilé 2000), Muto Ichiyo (People’s Plan Study Group, conférence sur la sécurité) et Kenji Kunitomi (extrême gauche, secrétaire général pour Tokyo de la conférence sur la sécurité).
De tout cela, il ressort que :
– PARC reste l’organisation la plus « branchée » sur la dynamique mondiale, mais garde des priorités nationales (puis régionales) avec pour soucis premier la formation de la jeune génération militante qu’il regroupe.
– La conférence sur la sécurité a été préparée par une structure ad hoc qui n’avait pas pour ambition de durer. Le thème reste cependant d’actualité sous des angles diverses (course aux armements et prolifération nucléaires, pactes militaires, guerres et tensions intercommunautaires...). Nous sommes régulièrement confrontés à cette question (voir notamment le compte rendu de l’atelier Asie-Pacifique de la conférence de Genève). Le rapport entre mondialisation libérale et intensification de ces dynamiques de conflits mériterait d’être intégré à nos démarches de convergences. Mais cela sort du champ socio-économique où s’opèrent actuellement les convergences. Aucun des réseaux directement concernés ne semble à même de prendre une initiative rassembleuse (Abolition 2000, les mouvements de la paix, les réseaux asiatiques, etc.). Et comment intégrer cette dimension sans déboucher sur la question des « interventions impérialistes humanitaires » qui divise (voir le Kosovo) ? Ces interrogations ont été soulevées et sont restées sans réponse.
– Nos partenaires Japonais apprécient la liste électronique « interattac »... mais se comportent en consommateurs passifs. Je les ai invités à l’utiliser plus activement pour faire connaître leurs campagnes, initiatives et propositions.
– Les réseaux nippons actifs dans cet ensemble d’initiatives sont « ouverts » : de factures citoyennes, pacifistes, solidarités tiers monde, chrétiennes, syndicales (minoritaires), anti-impérialiste, gauche politique radicale... Mais les forces du PCJ et de ses correspondants syndicaux ou pacifistes n’y apparaissent pas. Ce peut être demain le véritable problème unitaire (bien plus consistant vu le passif qu’entre anciens de PARC...).
2. Les liens en Asie-Pacifique
J’ai ravivé, durant la conférence Jubilé, quelques relations (Robert Reid de Nouvelle-Zélande, le père Albert des Philippines...) et, surtout, j’ai pu établir des liens prometteurs dans deux pays qui n’étaient pas ou mal intégré à notre réseau régional Asie-Pacifique.
– Pour le Bangladesh. Venu des réseaux Jubilé 2000, l’ONG Mauchak était à Okinawa. Elle participe à l’animation du CCFD (ne pas confondre, il s’agit ici de la Campaign for Cancellation of the Foreign Debt). Le CCFD veut s’intégrer à notre réseau inter et vient d’ailleurs d’envoyer un message à cet effet sur interattac.
– Pour l’Indonésie. L’ONG Infid était représenté à Okinawa. Elle collabore notamment avec Focus on the Global South. Elle peu constituer un point d’entrée efficace par rapport à ce pays (où les contacts initiaux étaient l’antenne locale de Friends of the Earth et le petit parti PRD).
Conclusion
Pour ce qui est du G8 lui-même, vous avez toutes et tous lu la presse (?). Voir aussi le bilan tiré par Eric Toussaint dans le Grain de Sable sur la question de la dette. Enfin, j’espère qu’Alex de la Forest-Divonne va rédiger son propre rapport concernant la conférence Jubilé 2000. (à laquelle il a participé de façon plus “ organique ” que moi).
En conclusion, je crois que la présence d’Attac à la conférence Jubilé 2000 et au Japon, à l’occasion du G8, était une bonne chose. Et que le « People’s Forum » d’octobre, à Séoul, lors des troisièmes rencontres Asie-Europe, devrait être l’occasion de progresser plus avant dans les liens entre les deux extrémités de l’Eurasie.
J’ai été long, mais vous n’étiez pas obligés de me lire.
Amitiés,
Pierre
(1) Ce article se trouve sur le site d’ESSF, dans la même rubrique « Japon » que ce rapport.