Ce slogan du Mouvement de libération des Femmes (MLF) garde toute son actualité. Les femmes, qui ont agendé en Suisse une journée d’action et de grève pour le 14 juin 2011, pourront ressortir cette banderole des années 70 de leur galetas. En effet, ici pas plus qu’ailleurs dans le monde, le droit des femmes de disposer librement de leur corps n’est acquis…
Comme vient d’ailleurs de le confirmer le débat déclenché par la « motion Föhn » au Parlement, même de toutes petites victoires, arrachées de haute lutte après des années de mobilisations et d’actions féministes, sont systématiquement remises en cause par les milieux réactionnaires et les partis d’extrême droite.
Entrée en vigueur le 1er octobre 2002, la solution dite « des délais », pourtant acceptée en votation populaire par plus de 72 % des électeurs-trices, fait depuis plusieurs années déjà l’objet d’attaques particulièrement sournoises de la part de l’UDC et des fondamentalistes de tous bords, qui attaquent, sans se lasser, le droit essentiel des femmes de mettre fin à une grossesse non désirée.
« Responsabilité personnelle » contre solidarité sociale
Peter Föhn, UDC schwytzois, co-président du comité de l’initiative fédérale « Financer l’avortement est une affaire privée », lancée en janvier 2010 [1], est aussi l’auteur de la motion parlementaire, traitée le 12 avril 2011 par le Conseil national. Déposée en juin 2009, cette motion charge le Conseil fédéral de modifier la loi relative à l’assurance maladie, « de sorte que les interruptions de grossesses, et ladite pilule du lendemain, actuellement très en vogue (sic !), ne soient plus remboursées par l’assurance de base ». Combattue par le Conseil fédéral, cette motion n’avait aucune chance, et son auteur le savait bien. Mais pour occuper le terrain, l’UDC propose deux fois, à six mois d’intervalle, exactement la même idée et n’hésite pas à taper sur ce vieux clou, bien rouillé : la « responsabilité personnelle » face à nos actes ! Les défenseurs de cette motion et partisans de l’initiative fédérale s’offusquent : « Ce n’est pas à nous de payer pour une femme qui a oublié de se protéger ; qu’elle contracte une assurance complémentaire si elle veut se faire rembourser son avortement. »
L’attaque est sournoise. En effet, plutôt que de s’en prendre frontalement au droit des femmes d’interrompre leur grossesse pendant les 12 premières semaines, la croisade contre l’avortement est menée sur le plan sensible du financement. Les gains seraient ridicules - de l’ordre de 20 millions par an - à en croire le Conseil fédéral qui souligne que le nombre d’avortements est en baisse depuis l’entrée en vigueur de la loi qui autorise l’interruption volontaire d’une grossesse, mais pour l’UDC et les fondamentalistes de tous bords, la question n’est bien sûr pas là.
Une attaque sur un terrain miné…
Avec cette motion, comme avec l’initiative populaire fédérale « Financer l’avortement est une affaire privée », l’UDC fait d’une pierre deux coups : en déplaçant le débat sur le terrain du remboursement de l’IVG par l’assurance maladie, non seulement ils remettent en cause le libre choix des femmes d’interrompre une grossesse non voulue, mais attaquent ce droit sur le terrain miné du coût (trop élevé pour d’autres raisons !) des assurances maladie.
Comme le soulignait à juste titre le Collectif L, qui s’est mobilisé contre cette motion en adressant une lettre à un grand nombre de parlementaires de gauche et vert·e·s : « L’acceptation de cette motion signifierait non seulement une atteinte aux droits fondamentaux des femmes, mais également une brèche dans le principe de solidarité qui régit le système de santé en Suisse. »
Une chose est claire : les premières visées par cette mesure inique sont les jeunes femmes, parfois encore adolescentes, et plus généralement toutes celles qui sont confrontées à la question de la pauvreté et qui parfois hésitent de ce fait à mettre au monde un enfant par peur de ne pouvoir le nourrir et l’élever dans de bonnes conditions.
Une double riposte nécessaire
L’initiative fédérale « Financer l’avortement est une affaire privée – Alléger l’assurance maladie en radiant les coûts de l’interruption de grossesse de l’assurance de base » viendra à échéance le 26 juillet 2011.
Pour combattre cette proposition réactionnaire, nous devons nous aussi agir sur un double terrain :
nous engager pour le droit fondamental des femmes à disposer librement de leur corps, et donc élargir leurs droits, en nous battant en faveur de campagnes de prévention-pour l’avortement et la contraception libres et gratuits ;
lutter, ensemble avec toutes les forces progressistes, pour une assurance maladie unique couvrant tous les soins de santé.
Marianne Ebel