Wilhelm Roentgen, avec la découverte des rayons X, est mort d’un cancer des os, Marie Curie et Irène Joliot-Curie meurent de leucémie. Les conséquences sanitaires à une plus large échelle ont été malheureusement connues à la suite des essais nucléaires militaires et surtout à la suite des retombées radioactives des bombes nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki dès août 1945. Les premières données de type épidémiologiques sont liées à l’étude des survivant·e·s (hiba kusha) de ces explosions terrifiantes, puis aux rares études sur les travailleurs de l’industrie du nucléaire, jusqu’au nouveau drame de portée internationale avec l’explosion d’un réacteur dans la centrale de Tchernobyl le 26 avril 1986.
Mais ces connaissances encore limitées n’ont été acquises que trop lentement à la suite de ces « catastrophes » issues de la technologie nucléaire, le plus souvent contre la politique du silence des autorités militaires et des administrations concernées, et contre la volonté des nucléocrates, lesquels ont toujours cherché à minimiser, dissimuler, voire falsifier les conséquences des irradiations liées à leur industrie.
« Circulez, il n’y a rien à voir ! »
Avec l’accord signé le 28 mai 1959 entre l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’OMS, tenu secret pour « protéger le public contre des anxiétés et des craintes excessives » (Résolution WHA 12-40), « chaque fois que l’une des parties se propose d’entreprendre un programme ou une activité dans le domaine qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l’autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d’un commun accord » (art I al 3). Dans les faits, cet accord a scellé l’inertie face aux manques de données, et l’OMS n’a pas développé d’enquêtes systématiques sur les relations entre l’exposition à la radioactivité, les contaminations internes et externes et les effets sur la santé en fonction du temps et des doses : exposition massive mais de courte durée ou à de petites doses mais répétées qui peuvent avoir un effet supérieur à la totalité des doses prises en une seule fois à cause de l’effet cumulatif.
Quels sont les effets à long terme en fonction des doses accumulées ?
Cette question fait débat, mais certaines études apportent des résultats inquiétants. Rappelons ici que l’ionisation est la transformation des charges électromagnétiques au niveau des atomes dans la matière traversée par ces rayonnements radioactifs. Les cellules vivantes peuvent donc être affectées dans leur fonctionnement ou dans leur structure interne, ceci d’autant plus qu’elles se renouvellent rapidement.
Selon les radionucléides, la durée de vie externe ou interne (biologique) varie. Par exemple le Césium 137 a une période de vie radio active de 30 ans, mais une période biologique de 50 à 150 jours. Les différents radioéléments se concentrent dans différents organes et leur toxicité varie. On mesure la radioactivité d’un objet radioactif par l’activité du nombre de désintégrations dans celui-ci en unité de temps (becquerel/Bq). La dose de radioactivité absorbée, son énergie se mesure en Gray/Gy.
Les dégâts se mesurent en rems ou en sievert/Sv. La dose létale 50, soit celle qui provoque la mort de la moitié d’une population exposée en 60 jours en absence de traitement médical est d’environ 4 Sv pour un adulte. A doses plus faibles, l’irradiation peut provoquer des cancers, dont les leucémies, des immunosuppressions, des modifications de la formule sanguine, avec de nombreux différents symptômes.
Toute irradiation présente un risque : sortons donc tout de suite du nucléaire !
Et c’est la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) qui le dit : « La limite de dose est largement, mais de façon erronée, considérée comme une ligne de démarcation entre l’inoffensif et le dangereux ». Les institutions internationales ont donc fixé des seuils acceptables, lesquels n’ont cessés d’être abaissés ces dernières décennies en fonction des études réalisées. Les normes de radioprotection ont aussi été fixées en lien avec l’activité médicale de radiodiagnostic et de radiothérapie. Différents travaux scientifiques (Sellafield, Sharp, Gardner) (Ecoscope 2003, revue suisse des médecins en faveur de l’environnement) ont révélés les atteintes à la santé soit des habitant·e·s près des zones d’extraction des minerais radioactifs, des centrales nucléaires ou des dépôts de déchets toxiques.
Toutes les personnes atteintes ne présentent pas des troubles manifestes, par exemple des mutations de leur patrimoine génétique, et de nombreux malades atteints de cancers n’en meurent heureusement pas forcément, mais les effets restent graves et considérables. Les rapports non publiés de l’OMS en 1995 veulent dissimuler ces données mais le directeur du département des affaires humanitaires de l’ONU, M. Griffiths, signalait la même année que 9 millions de personnes avaient été affectées par Tchernobyl et que ce nombre allait augmenter.
En effet près de 9 millions de personnes vivents sur des territoires reconnus contaminés rien qu’en Ukraine, Bielorussie. Dès 1990, sur les 800 000 « liquidateurs » ayant participé au « nettoyage » de la centrale de Tchernobyl, 67 % étaient reconnus malades. Un rapport des Annals of the New York Academy of Sciences publié en 2010, apporte une somme de documents scientifiques confirmant, après le dernier congrès de l’OMS de 2006, l’ampleur des atteintes à la santé des populations concernées, avec une estimation portant à 900 000 morts suite à la catastrophe de Tchernobyl quinze ans après.
A l’évidence, avec la nouvelle série de pertes radioactives à Fukushima, le principe de précaution sanitaire élémentaire veut que l’on renonce immédiatement à l’énergie nucléaire, entreprise mortifère.
Gilles Godinat