« Je sais que la rapidité avec laquelle la communauté française a réagi a suscité certaines réserves », a expliqué le président de la République. « Je le dis sans hésitation : il était du devoir des autorités françaises d’appliquer ce principe de précaution. J’assume la décision qui a été prise de recommander aux Français que rien ne retenait à Tokyo de quitter la région. (...) Nous avons eu raison, me semble-t-il, d’aider les familles qui le souhaitaient à rentrer en France auprès de leurs proches », a-t-il déclaré depuis l’ambassade de France.
HISTOIRE DE SUMOS
Quelles sont ces réserves, auxquelles Nicolas Sarkozy fait référence ? L’ambassade affirme que ce sont celles de la communauté française, qui considérait tantôt que les diplomates français en faisait trop, tantôt qu’ils n’en faisaient pas assez. Pour le Quai d’Orsay, il s’agit de celles de la presse japonaise, qui s’est étonnée que les étrangers partent si rapidement. Mais ces réserves sont aussi celles des Japonais eux-mêmes, souvent blessés de s’être vus abandonnés par les étrangers dans un moment difficile.
Les Nippons n’ont pas la meilleure image de Nicolas Sarkozy. Ils gardent en mémoire sa tirade, en 2004, lorsqu’il s’était moqué de la passion de Jacques Chirac pour le sumo. « Comment peut-on être fasciné par ces combats de types obèses aux chignons gominés, s’était-il demandé. Ce n’est vraiment pas un sport d’intellectuel. »
Le quotidien Sankei Shimbun n’a pas manqué de le rappeler, soulignant le peu d’appétence du président pour la culture nippone. Son discours a toutefois été globalement bien accueilli par la presse, qui a salué l’aide promise en matière de sûreté nucléaire.
MESSAGES EFFACÉS
Au lendemain de la catastrophe, un message était diffusé sur le site de l’ambassade, alors transformé en blog d’informations et recommandations : « Compte tenu de ce qui précède (le risque d’un fort tremblement de terre et l’incertitude sur la question nucléaire), il paraît raisonnable de conseiller à ceux qui n’ont pas une raison particulière de rester sur la région de Tokyo de s’éloigner de la région du Kantô pour quelques jours. Nous déconseillons fortement à nos ressortissants de se rendre au Japon et nous recommandons fortement de reporter tout voyage prévu. » Quelques jours plus tard, ce message n’y paraissait plus.
Alors que la presse et le gouvernement japonais appelaient au calme et à la solidarité, une telle invitation au départ a pu choquer, même si l’ambassade rappelle avec insistance qu’elle n’a pas appelé à quitter le pays. Pourtant, les 17 et 18 mars, deux avions ont été affrétés, proposant aux Français une aide au retour via Séoul.
Le Japon compte de nombreuses entreprises françaises sur son sol, notamment dans le domaine du luxe ou industriel, comme Valeo. Areva, par exemple, a commencé à envoyer ses salariés dans le sud du pays dès le lendemain de la catastrophe.
Le départ massif des ressortissants est venu ajouter un peu plus aux craintes quant à l’économie malmenée par la catastrophe. Les entreprises qui ont vu s’enfuir leurs collègues français se sont parfois froissées.
EXCUSES PUBLIQUES
Pour apaiser ces tensions, le 24 mars, Philippe Faure, l’ambassadeur du Japon, accordait une interview au quotidien économique japonais Nikkei Shimbun. Usant de circonvolutions et de périphrases, l’ambassadeur s’est excusé platement : « Les Français qui sont rentrés sous le coup de l’émotion ont pris une décision individuelle. (...) Certaines personnes ont fuit sans la permission de leur entreprise. Il s’agissait de réactions individualistes, commandées par la peur de la menace nucléaire invisible. On peut dire que ces personnes n’ont pas eu un comportement modèle. En leur nom et au nom des entreprises françaises, je tiens sincèrement à m’excuser auprès du peuple japonais. »
Si la presse japonaise a salué l’intervention de Nicolas Sarkozy et l’aide de la France, il reste difficile de prévoir quelles seront les conséquences sur les relations entre les entreprises françaises et nippones.
Antoine Bouthier