Depuis quelques années, les pays des Caraïbes organisent l’Assemblée des peuples de la Caraïbe (APC), lesquelles rencontres visent l’analyse des impacts des politiques économiques néo-libérales pour ces économies de petite taille, l’identification de fronts communs de résistance et d’encourager l’émergence de nouveaux acteurs en mesure de jouer un rôle actif dans l’avenir. Haïti a été l’hôte de la troisième rencontre du genre. Cette fois, elle visait la création d’un forum pan caribéen des mouvements sociaux pour lutter contre la globalisation néo-libérale et poser les jalons d’une Caraïbe souveraine prenant modèle sur les résistances populaires devenues tradition dans la région, que l’on pense à Haïti, au Nicaragua ou à Cuba.
C’est sous le thème « Peuple Caraïbe, Construisons notre Caraïbe souveraine, égalitaire, équitable, juste et en paix » que près de 1000 personnes, représentantes et représentants d’organisations de femmes, de paysans, de groupes communautaires, d’organismes environnementaux et sociaux ainsi que d’observateurs internationaux en provenance de la Caraïbe, de l’Europe, de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord se sont réunis durant 4 jours d’activités, de forums et de discussions. Au préalable à la rencontre centrale se sont tenues des activités préparatoires thématiques et sectorielles dans différentes régions d’Haïti ainsi que dans plusieurs pays voisins.
Le Forum des jeunes, lequel s’est tenu le 19 août et réunissait 350 personnes aura permis de reconnaître le potentiel mobilisateur et transformateur des jeunes - ceux-ci représentant plus de 60% de la population régionale - et qui d’emblée, sont non seulement les cibles principales des campagnes de publicité et de consommation américaines mais la relève politique et économique de la région. De fait, le forum a mis en lumière l’importance de leur contribution dans la constitution d’une résistance plurielle et féconde de nature régionale. Ce forum s’est conclu sur l’importance de marier les efforts des mouvements estudiantins aux mouvements juvéniles au sein d’un mouvement régional. Des réunions sont déjà prévues prochainement pour donner suite à cette première initiative.
Un choix délibéré
Le choix d’Haïti comme pays d’accueil du Forum n’est pas fortuit et ne réside pas uniquement sur le fait qu’il s’agit du pays le plus pauvre de l’hémisphère. Les raisons qui ont motivé ce choix sont davantage politiques et symboliques ; elles visent la commémoration des 200 ans de son indépendance et marquent le soulèvement des esclaves de la Plaine du Nord, lequel aura permis l’abolition de l’esclavage en 1783 ainsi que la création, quelques années plus tard en 1804 de l’État haïtien.
Le comité organisateur a aussi choisi Haïti compte tenu d’un nouvel enjeu ; celui de la mise en place d’une zone franche sur la frontière avec la République dominicaine, projet qui vient aggraver une liste déjà exhaustive de problèmes de développement au niveau national : bidonvilisation de Port-au-Prince, déforestation, rationnement de l’aide internationale, insécurité alimentaire, corruption, instabilité politique.
Les forums qui se sont tenus lors de l’APC ont permis de présenter les enjeux de la globalisation néo-libérale dans une perspective régionale dont les caractéristiques productives sont uniques. Ils ont aussi donné l’occasion d’élaborer une série de résolutions, entre autres de lancer un appel à la solidarité avec le peuple haïtien afin de condamner la violence généralisée, les programmes d’ajustement structurels, dénoncé la domination économique, politique et culturelle exercée par les Etats-Unis.
Les participants en ont aussi profité pour réaffirmer leur solidarité avec les peuples voisins du Venezuela, de Colombie et de Cuba. La déclaration finale dénonce le projet de ZLEA en tant que projet de recolonisation et de militarisation à l’échelle planétaire. Solidaire des Haïtiens, l’Assemblée en a profité pour exprimer son inquiétude quant au projet de zones franches sur la frontière haïtiano-dominicaine qui aura des conséquences désastreuses sur la sécurité alimentaire nationale en l’absence de plans d’aménagement du territoire.
La Caraïbe est comparable à une mosaïque vu la diversité culturelle, linguistique, historique et politique de la région. Cette richesse, parfois perçue comme un obstacle à la construction d’une identité régionale, devra néanmoins servir d’assise à la mise en place d’un réseau de solidarité qui transcende ces différences. Ce premier Forum social caribéen a permis la mise sur pied d’un espace de convergence qui aura à son tour le devoir de produire des petits, c’est-à-dire de donner naissance à diverses initiatives tantôt locales, nationales et régionales qui permettront de mondialiser les résistances et de réduire la marginalité de luttes isolées. C’est donc à suivre....