1- L’ampleur de la crise écologique est chaque jour un peu plus manifeste. Elle a une dimension globale et
multidimensionnelle. Changement climatique, eau, biodiversité, pollution chimique, épuisement des sols,
chacune de ces dimensions a une dynamique planétaire et rétroagit sur les autres. Ce caractère incontournable et
omniprésent de la crise écologique s’impose à toute perspective de transformation sociale. Crise sociale et crise
écologique sont plus que jamais étroitement liées et mutuellement déterminées. Il n’est plus envisageable de
vouloir répondre à l’une sans répondre à l’autre.
La prise de conscience de ce fait doit être au cœur de la reformulation programmatique à opérer par les forces
politiques qui n’ont pas renoncé à vouloir changer le monde. Il s’agit d’un long travail, et nécessairement d’un
travail collectif, dont l’avancée sera tributaire des apports des luttes sociales et écologiques et des expériences
politiques.
La crise économique et financière en cours d’exacerbation va approfondir les crises sociales et écologiques. Le
soi-disant « capitalisme vert » va chercher à imposer ses fausses solutions au détriment des exploités partout sur
la planète. Les anticapitalistes doivent formuler une alternative à cette fuite en avant dont les conséquences sont
lourdes de catastrophes nouvelles.
Impératif écologique et transformation sociale
2- Plusieurs raisons fondamentales imposent de donner sa pleine dimension écologique au combat
anticapitaliste :
• La crise écologique globale ne cesse de s’aggraver, elle constitue pour l’essentiel un produit de la
dynamique capitaliste. La crise écologique appelle donc la définition d’un programme anticapitaliste. Et
un programme anticapitaliste conséquent ne peut-être qu’écologiste : il s’agit en effet de répondre à un
des principaux dangers menaçant l’avenir de l’humanité.
• L’évolution du capitalisme tend à une extension permanente de la marchandisation : l’appropriation
qui en découle concerne désormais les biens communs fondamentaux : eau, vivant, cycle du carbone,
etc… Loin de constituer une solution écologique, cette dynamique marchande constitue un obstacle à
la résolution de la crise écologique, et accentue les inégalités sociales. Le fiasco du marché européen
des droits à polluer mis en place dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique est
emblématique de ce point de vue.
• Le poids du désastre écologique des anciens Etats bureaucratiques pèse lourd dans le manque de
crédibilité des anticapitalistes sur le terrain écologique. La propagande tendant à assimiler tout
programme anticapitaliste à l’orientation de ces anciens Etats a marqué de nombreux points dans le
débat politique, particulièrement parmi beaucoup de militants écologistes. Il est donc déterminant
d’expliquer les causes de l’échec écologique des anciens Etats de l’Europe de l’Est et de l’URSS et en
quoi notre programme se démarque radicalement de ces expériences et en tirent les leçons.
3- Cette intégration de la dimension écologique nécessite l’élaboration d’un programme combiné liant la
question sociale et la question écologique : il faut sortir du travers de ce que l’on peut appeler le « juxtaposisme »
qui consiste à prendre en compte de manière séparée des dimensions clés de l’analyse et de l’orientation, avec
pour résultat de juxtaposer les revendications. Le nouveau se réduit alors à un simple paragraphe supplémentaire
d’un catalogue revendicatif : le risque étant que les bonnes intentions écologiques ne fassent pas long feu lors du
premier test imposé par le réel.
Notons que la question sociale telle qu’entendue ici en distinction de la question écologique comprend
l’ensemble des questions soulevées aujourd’hui par les modes de relations inégalitaires des hommes et des
femmes entre eux : rapports de classes mais aussi rapport de genres, rapports de générations, rapports entre
les peuples, etc... La question des rapports de classes a une place particulière car elle surdétermine l’ensemble des rapports de classes dans l’ensemble des rapports sociaux interdit très certainement toute résolution séparée des autres questions sociales. Elle n’empêche cependant pas des avancées importantes sur ces questions, ce qui justifie l’existence de batailles séparées et de mouvements séparés relatifs à ces questions. La prise en compte des autres questions sociales de manière non réductrice est par ailleurs essentielle pour penser pouvoir renverser le pouvoir de la classe exploiteuse. D’autre part le renversement du pouvoir de cette classe ne saurait se traduire par la résolution instantanée des autres questions sociales. Ce qui ne fait que renforcer la nécessité de construire des mouvements autonomes sur ces questions sans attendre. En outre, ce renversement ne prémunit pas par lui-même contre l’émergence de nouvelles formes de dominations sociales. La lutte contre leur développement doit constituer une dimension déterminante du programme et de l’orientation politique post-capitalistes.
Identiquement, le renversement du pouvoir de la classe exploiteuse ne saurait se traduire par la résolution instantanée de la question écologique. Un mouvement (ou plutôt des mouvements) autonome et pluraliste sur cette question au niveau local, national, continental et mondial est donc indispensable avant comme après le bouleversement de l’ordre social. Sa construction constitue un objectif stratégique fondamental pour un parti anticapitaliste.
4- L’urgence et l’actualité illustrent cette combinaison des questions sociales et écologiques :
• Les effets sociaux de la crise écologique sont patents, son aggravation détermine une simultanéité des conséquences écologiques et sociales de cette crise.
La manière dont les pauvres au Nord comme au Sud payent un prix sans commune mesure lors des catastrophes météorologiques, dont il est de plus en plus probable que la fréquence et la violence accrues résultent du changement climatique en cours, en constitue un des nombreux exemples.
• En même temps, les réponses bourgeoises à la crise écologique ont tendance à générer de nouvelles conséquences anti-écologiques et antisociales
L’exemple des agrocarburants est caractéristique : tentative de répondre à la crise climatique dans le cadre du système, leur développement a pour effet de dégrader la situation de nombreux petits paysans, de contribuer à l’aggravation de la crise alimentaire, de réduire la biodiversité et ceci sans véritable gain du point de vue des émissions de gaz à effet de serre (GES).
5- Cette combinaison trouve son paroxysme dans la guerre. Géorgie, Irak, Nigeria, etc… : la question énergétique est au soubassement de chacun de ces conflits. Le refus de s’attaquer en profondeur à la crise climatique est manifeste dans cette fuite en avant pour le contrôle ou l’appropriation de ressources en hydrocarbures.
L’approfondissement de la crise écologique contribue puissamment à la multiplication des conflits armés. Le capitalisme vert, pour l’instant c’est la guerre ! Cela signifie que les luttes écologiste et anti-guerre sont étroitement liées.
Du fait de la globalité de la crise et l’unicité de la planète, la dimension écologique impose de mener d’emblée le combat au niveau mondial, tout en le déclinant continentalement, nationalement et localement. L’impérieuse nécessité de l’internationalisme y trouve de nouveaux et puissants fondements.
6- À ces facteurs généraux, s’ajoute un élément plus spécifiquement français accentuant les responsabilités du nouveau parti au regard de la question écologique.
Le contexte politique français est marqué par le fait que le mouvement environnementaliste et écologiste s’est construit en extériorité et en butte à l’hostilité des forces dominantes du mouvement ouvrier et de la gauche. L’orientation productiviste des partis socialiste et communiste ainsi que de la grande majorité du mouvement syndical a façonné un mouvement écologiste allergique aux questions sociales, et qui n’a pas su jusqu’ici s’en emparer.
L’échec des Verts est d’abord là : il est marqué par l’incapacité de passer d’une critique du productivisme à une critique écologique et sociale du capitalisme. Avec en point d’orgue la participation loyale à un gouvernement « productiviste » de gauche pendant cinq ans, qui, après quelques actes d’affichage, a pris un arsenal de mesures anti-écologiques et antisociales. La liste en préparation aux Européennes apparaît dans cette perspective comme une nouvelle régression politique. Cet attelage « ni droite ni gauche » émerge précisément au moment où l’aggravation de la crise écologique et de ses effets sociaux devient manifeste.
En miroir du retard de la gauche dans ses différentes composantes à intégrer les questions écologiques, il y aussi le retard des mouvements écologistes à intégrer la dimension sociale. Le second n’est pas moins problématique que le premier, même s’il est moins souvent souligné : l’incapacité à articuler le combat écologique à une perspective de classe a pour effet de faire barrage à l’émergence d’une écologie sociale populaire. Cela entraîne par ailleurs nombre de mouvements environnementalistes à soutenir les réponses bourgeoises anti-sociales à la crise écologique et à cantonner leur action à une démarche de lobbying, ou à une démarche de « ni droite, ni gauche » qui reste à la superficie des enjeux pour trouver un consensus large entre composantes hétérogènes, comme en témoigne le regroupement écolo au plan européen.
L’échec du parti vert se double donc de l’impasse dans laquelle une grande partie du mouvement environnementaliste s’est enfermée.
7- La crise écologique impose une remise en cause du capitalisme qui la génère :
• Pas de sortie possible du productivisme, sans sortie du capitalisme, système économique et social intrinsèquement productiviste. Fondé sur la concurrence entre capitaux nombreux pour la recherche et la maximisation du profit, la dynamique du capitalisme conduit chaque capitaliste individuel à toujours étendre l’échelle de sa production, pour pouvoir vendre plus et moins cher.
• Pas de sortie possible d’un système piloté par la loi de la valeur, où la valeur d’échange domine les relations économiques et sociales sans sortie du capitalisme. Le capitalisme a une logique profonde indifférente au contenu particulier de ce dans quoi il investit pour « faire de l’argent ». Piloté par la loi de la valeur orientée vers la réalisation d’un profit monétaire, la valeur d’échange prime la valeur d’usage (qu’importe ce que l’on produit si cela rapporte) et donc tout jugement qualitatif sur les conditions de production, les techniques utilisées ou le type de produit. L’évaluation monétaire des ressources naturelles et des services des écosystèmes étant impossible, le système fonctionne comme si ses prélèvements et ses rejets n’avaient aucun coût puisqu’ils n’ont pas de coût économique (ou un coût économique estimé sans rapport avec leur utilité réelle). Le capital agit comme s’il pouvait puiser dans une corne d’abondance et rejeter dans un puits sans fond.
• De même, la production capitaliste cherche à minimiser les « prix » qui s’intègrent au coût de production selon une rationalité déterminée par la quête de profit des propriétaires de capital investi : pression sur les salaires et conditions de travail, indifférence aux dégâts écologiques, etc... Cette rationalité bornée commande la recherche de débouchés « profitables » et donc le type de consommation stimulée ou satisfaite. L’incitation à consommer toujours plus et la promotion de nouveaux produits indépendamment de leur utilité réelle, voire de leurs effets négatifs possibles pour la santé ou l’environnement s’accompagnent en sens inverse de la mise à l’écart de productions de substitution socialement et écologiquement préférables, mais « non rentables ». De même, des besoins de base ne sont pas satisfaits si le revenu des populations concernées ne leur permet pas d’acheter ces biens à un prix « profitable ». Les crises capitalistes de surproduction s’accompagnent ainsi d’une immensité de besoins non satisfaits et de destructions sociales et écologiques.
• Pas de remise en cause du monde aliénant de la consommation, sans contrôle de la production. A la production capitaliste correspond une consommation capitaliste. Ceux qui décident de ce qui est produit décident de ce qui est consommé. Si une critique radicale du mode de consommation est essentielle à une critique anticapitaliste, cette critique ne peut toutefois conduire qu’à une impasse si elle ne comprend pas que le mode de consommation découle du mode de production. Penser changer le mode de consommation s’en s’attaquer au mode de production constitue une illusion. La stratégie écologique fondée sur l’appel au changement des « comportements individuels » - le pluriel dit assez pourtant qu’il ne s’agit précisément pas d’une question individuelle - ne peut dès lors que relever de l’incantation. Une incantation que le système sait d’ailleurs très bien utiliser pour renvoyer la responsabilité de la crise à l’individu atomisé. Chacun étant pris dans le système capitaliste qui l’englobe, il ne pourra y avoir de changement profond et durable dans la consommation sans changement dans la production et la distribution. Sans compter que cette stratégie fait peu de cas des différences sociales d’accès à la consommation et détourne l’action des causes profondes de crise qu’il faut éradiquer. Ce qui ne veut pas dire qu’un mouvement politique anticapitaliste ne doit pas être porteur d’une éthique de comportement individuelle et collective ni promouvoir une éducation et une action des consommateurs dans de multiples domaines.
8- La prise en compte de la dimension écologique permet de renforcer et d’approfondir la critique du capitalisme. Ainsi, elle offre un démenti cinglant à la prétention de ses thuriféraires qu’il constitue un système efficace. La mise en évidence de son caractère destructeur écologiquement braque la projecteur sur sa face cachée : celle d’un système de gaspillage généralisé de ressources épuisables comme de travail humain. De même son rapport à l’innovation est tout à fait problématique : la primauté de la valeur d’échange et du profit conduit à écarter certaines innovations décisives du fait de leur faible rentabilité. Le cas des moyens d’utilisation de l’énergie solaire est emblématique : alors m^me que l’effet photovoltaïque a été découvert au 19e siècle, son utilisation appliquée à la production d’énergie est restée dérisoire jusqu’à la fin du 20e siècle. La sélection de l’innovation par le profit escompté conduit à l’échelle historique à une spectaculaire impasse écologique et sociale.
Une perspective écosocialiste
9- La première conséquence de cette analyse conduit à redonner une verte jeunesse à des axes classiques de l’orientation anticapitaliste, en les complétant cependant de dimensions nouvelles essentielles. Remettre en cause le mode de production et de consommation capitaliste suppose d’assurer le primat du politique sur l’économique, afin de se donner les moyens d’opérer les choix économiques de façon à satisfaire les besoins sociaux dans le respect des contraintes écologiques. Ce qui est aujourd’hui de l’ordre de la décision privée, doit donc relever de la maîtrise collective. Cette dernière suppose une authentique démocratie où l’ensemble des grands choix de société résulte de la délibération de l’ensemble de la population, où les décisions sont prises aux niveaux de délibération démocratique dont elles relèvent, et où chacun peut participer à l’ensemble des décisions qui le concernent.
L’appropriation sociale et publique [1] des principaux moyens de production et d’échange est nécessairement au cœur d’un anticapitalisme écologiste : il s’agit de décider et de contrôler ce qui est produit, comment et où, donc de décider démocratiquement de cette production. Ce qui est valable pour les biens matériels, l’est tout autant pour les services : leur détermination démocratique suppose leur caractère public. A la marchandisation généralisée des biens communs fondamentaux, nous opposons un service public étendu et démocratique de production et de gestion de ces biens.
En même temps cette appropriation doit être accompagnée d’une transformation écologique et sociale profonde des forces productives. Il ne saurait s’agir de s’emparer des moyens de production et d’échange pour les faire simplement fonctionner avec un contenu social différent. Le type et la nature des moyens de production mis en œuvre par le capitalisme est en effet congruent avec sa domination : ils contribuent aux modalités de l’exploitation et à la dynamique de la crise écologique : énergie fossile, énergie nucléaire, transport routier, agriculture chimique, etc… ne sont pas des choix techniques neutres. Par exemple, la place pivot du transport routier n’est possible que grâce au bas coût du pétrole et à la dilapidation irresponsable d’une source d’énergie non renouvelable. Tout en constituant une contribution majeure aux émissions de GES, le transport routier permet la généralisation de la sous-traitance et du fonctionnement en flux tendu au cœur du fonctionnement industriel contemporain et de la surexploitation de la force de travail.
La planification démocratique est au cœur de ce projet : pas de maîtrise possible des choix économiques sans planification, pas de mise en œuvre possible du processus de transformation écologique et sociale des forces productives sans planification, pas de prise en compte possible des contraintes écologiques sans planification, pas de planification de la satisfaction des besoins sociaux sans démocratie, pas de démocratie non plus sans maîtrise des choix économiques et de leurs conséquences donc sans planification. Dans une perspective égalitaire, la planification est une condition de la démocratie, et la démocratie une condition de la planification.
Une planification démocratique n’implique par ailleurs nullement une exclusion de tout mécanisme marchand, mais suppose que le marché ne soit plus le régulateur fondamental mais un instrument subordonné et maîtrisé, sous contrôle social, et dont l’usage dépend des biens concrets à gérer et des besoins à satisfaire.
La satisfaction écologique des besoins sociaux n’est concevable que démocratiquement. Il s’agit des besoins sociaux dans l’acceptation la plus large : l’ensemble des besoins essentiels à la vie et au développement humain (se nourrir, se vêtir, se chauffer, s’éduquer, accéder à la culture, être en bonne santé, bénéficier de bonnes conditions de travail, disposer de temps libre pour soi et ses proches, disposer du temps nécessaire pour se consacrer à la chose publique, etc..). Cette satisfaction suppose et implique à la fois que soit garantie l’effectivité des droits civils, politiques et sociaux fondamentaux.
10- On peut définir notre projet comme écosocialiste. Qu’est ce que l’écosocialisme ? Une société où est réalisée la satisfaction écologique des besoins sociaux démocratiquement déterminés, combinée avec l’effectivité des droits pour toutes et tous. Cela suppose une appropriation sociale et publique des grands moyens de production et d’échange en même temps que la transformation écologique et sociale du système productif, une économie démocratiquement planifiée, une démocratie où chacun est codécisionnaire des grands choix d’orientation et d’organisation de la société et des choix d’organisation qui le concernent directement, une réduction drastique des inégalités de richesses entre individus passant par une redistribution des patrimoines accumulés et des richesses nouvellement créées.
Signalons que dans cette perspective, ce qui constitue une véritable révolution politique doit trouver sa cristallisation juridique dans la définition de nouveaux principes de droit fondamentaux, d’une nouvelle constitution s’imposant y compris aux délibérations populaires, une fois adoptée démocratiquement après un intense processus de discussion. L’impératif écologique devrait ainsi se traduire par l’édiction d’une série de principes généraux du droit dans le cadre desquels les grands choix seraient effectués. Le principe de précaution en est un, mais aussi par exemple le principe d’opérer les choix économiques de façon à garantir la pérennité des ressources et le bon fonctionnement des écosystèmes, le principe de maintien de la biodiversité, etc…Il n’y a certes aucune garantie juridique in fine du caractère écologique du processus de transformation comme d’ailleurs de son caractère social, mais il est déterminant de comprendre le rôle protecteur et régulateur de la redéfinition constitutionnelle des principes juridiques fondamentaux. [2]
11- Il n’y a pas de contradiction insurmontable entre impératif écologique et besoins sociaux tels que définis :
• Tout d’abord, une autre répartition des richesses permettrait sans difficulté de satisfaire les besoins vitaux de toute l’humanité dans de bonnes conditions
• Ensuite, de sérieux arguments permettent de considérer que la maîtrise démocratique des choix productifs et d’organisation de la société entraînerait une mutation radicale de la structure des besoins : les besoins découlant de l’organisation anarchique de la société capitaliste dépériraient, tels que ceux qui accompagnent l’obsolescence accélérée et programmée de nombreux biens matériels, de nouveaux besoins plus relationnels émergeraient progressivement avec l’affaiblissement des relations sociales inégalitaires et le développement des relations sociales de coopération.
Le mode de vie dans les sociétés capitalistes est fondamentalement déterminé par le fait que la production résulte des choix opérés par la minorité détentrice des moyens de production dans une logique où la valeur d’échange domine. Renverser le pouvoir de cette minorité, changer la logique réglant la production, donner la maîtrise des choix collectifs à la population grâce à un processus d’auto-organisation et à une organisation réellement démocratique ouvre la voie à l’émergence d’un autre mode de vie.
• Cela ne signifie pas qu’aucune tension entre contrainte écologique et satisfaction des besoins sociaux ne pourrait exister. Il serait bien optimiste et déraisonnable de faire cette hypothèse. Il est vraisemblable de postuler l’inertie de besoins générés et façonnés par l’ancien système et dont la satisfaction pose des problèmes sociaux et/ou écologiques. Mais les moyens politiques de gérer démocratiquement cette tension sans provoquer une crise de confiance majeure dans la nouvelle société en construction existeraient dès lors que les choix opérés apparaîtraient comme le résultat d’une délibération populaire réellement démocratique, mais aussi que l’effectivité des droits sociaux fondamentaux serait garantie, tel les droits à l’emploi et au revenu.
• Il convient de rompre avec la perspective du socialisme définit comme abondance, car ce terme s’accommode mal avec l’idée de prise en compte des limites écologiques. Certes ces limites ne s’imposent pas d’emblée absolument indépendamment du mode d’organisation sociale ou de l’état des connaissances, mais elles n’en existent pas moins. La surconsommation de viande de certains pays occidentaux par exemple n’est pas extensible à toute la population de la planète car la consommation du bétail se ferait au détriment des besoins de consommation en produits végétaux des hommes et des femmes. Cela tombe d’ailleurs bien puisque cette surconsommation est nocive pour la santé humaine.
• Aucun argument sérieux n’impose de définir le socialisme comme une société de la « frugalité » voire d’une « certaine austérité » pour reprendre les termes de certains décroissants. Ceux-ci ne font pas la démonstration que la satisfaction des besoins essentiels tels que définis plus haut de manière extensive soit incompatible avec la contrainte écologique. Le socialisme mettrait fin au gaspillage effréné de ressources du capitalisme et aux comportements des consommateurs qu’il induit. La fin de la dilapidation de ressources épuisables, l’exploitation de ressources renouvelables dans les limites des capacités de reconstitution, le changement de mode de production énergétique, la production de biens durables et réparables, etc…, joints à la maîtrise collective des choix économiques exercée par chacun permettrait une mutation radicale des besoins. Contrairement au capitalisme, le socialisme serait une société de la sobriété collective et de la suffisance matérielle car il serait régi par la recherche de l’efficacité dans la dépense de force de travail et l’utilisation de ressources, non par la surexploitation et la dilapidation.
12- L’urgence écologique conduit à remettre au cœur du discours politique anticapitaliste certains axes d’orientation devenus très propagandistes. Il en est ainsi de la planification. La nécessité d’une planification doit faire une nouvelle entrée en scène dans le discours politique :
• Il n’y a pas de sortie possible d’un système économique fondé sur la dilapidation de ressources épuisables sans planification
• Il n’a pas d’organisation possible de la production dans le respect de la capacité de recyclage et d’épuration des écosystèmes sans planification
• Il n’y a pas de réorganisation d’ensemble du système productif possible, impliquant abandons, transformations et créations de nouvelles filières productives, telle que la crise climatique la rend nécessaire par exemple, sans planification
Il est d’ailleurs frappant de constater que le système génère des formes abâtardies de planification. Les marchés de droits à polluer sont ainsi basés sur la fixation d’un objectif quantitatif à respecter dans un délai donné. Les contradictions théoriques et pratiques de ce type de dispositif les conduisent de fait soit à un succès en trompe l’œil (cas du marché de SO2 aux Etats-Unis) soit à un échec cinglant (marché de droits d’émissions de CO2 dans l’Union Européenne). Faire piloter par le marché un objectif planifié conduit à une impasse.
13- L’argument contre la planification fondé sur le bilan écologique désastreux des pays bureaucratiques revient à assimiler planification démocratique et planification bureaucratique sans démocratie. Or l’analyse du système bureaucratique montre précisément un dysfonctionnement profond de la planification lié au défaut de détermination démocratique des besoins et de contrôle démocratique du plan et de son application, et de la production. Le caractère productiviste du système bureaucratique ne provient pas du rôle joué par la planification mais des contradictions d’une planification bureaucratique répondant aux décisions d’une caste cherchant à asseoir son pouvoir et son existence. La profonde crise de croissance ayant conduit à l’effondrement de ce système marque d’ailleurs le fait qu’il n’était pas intrinsèquement productiviste, mais plus marqué par le déséquilibre des différents secteurs de la production, le développement hypertrophique de l’industrie lourde s’effectuant au détriment de la production de biens d’équipement et de consommation courante. Le productivisme bureaucratique est avant tout un productivisme politique. Les dégâts écologiques proviennent de la démesure des orientations politiques d’une minorité cherchant à consolider son emprise sur la société, combinée au fonctionnement erratique d’une production « planifiée » bureaucratiquement. Ce volontarisme productiviste politique s’est certes nourri des lacunes et ambiguïtés du corpus théorique marxiste et socialiste, mais il constitue avant tout l’orientation politico-économique d’un groupe tentant de pérenniser sa domination, d’asseoir les bases de la reproduction du système et donc de son existence, tentant de se muer en classe. Il est ainsi possible de comprendre l’attitude mimétique de ces régimes par rapport au cours suivi par les grands pays capitalistes.
14- C’est dans le cadre de cette orientation de satisfaction écologique des besoins sociaux que doit être abordée la question de la croissance et de la décroissance : notre projet de société ne fait pas de la croissance économique son but. La croissance ne peut être qu’un moyen, subordonné à l’objectif de satisfaction écologique des besoins sociaux. Dans ce cadre, la croissance, si croissance il y a, ne peut être qu’utile et soutenable, c’est à dire en cohérence avec l’avancée vers l’objectif.
Suivant les moments et les pays, le résultat aggloméré de l’activité économique peut-être soit la croissance soit la décroissance. En tout état de cause, la phase de transition, où s’opère un bouleversement du système productif implique nécessairement la croissance forte de certains secteurs comme la décroissance radicale d’autres.
Il est cependant important de souligner que :
• le processus de ce bouleversement ne peut que se traduire par de la croissance à court et moyen terme, en effet les activités de reconversion et de création de nouvelles filières sont des activités générant de la croissance (si l’on s’en tient aux catégories comptables actuelles)
• au Sud, la croissance est nécessaire pour enclencher un autre développement
15- Notre projet implique donc un profond bouleversement de la structure des forces productives : la transition vers l’écosocialisme suppose une transformation écologique et sociale radicale du système productif, notamment :
• les productions néfastes ou dangereuses doivent être abandonnées ou drastiquement réduites : abandon du nucléaire civil et militaire, de l’essentiel de la production d’armements, réduction drastique de la production de pesticides, par exemple
• l’agriculture et l’industrie doivent être totalement réorganisées : la sous-traitance par exemple doit être limitée. La consommation d’eau et d’énergie doit être considérablement réduite, tout comme le gaspillage de matières premières. Les produits doivent être conçus de manière à être réparables et recyclables.
• Les lieux de production et de consommation doivent être rapprochés, ce qui suppose un mouvement important de relocalisation des activités productives. Il ne s’agit pas de viser une impossible autarcie, mais de réduire les échanges au nécessaire.
• le secteur de la production et transformation énergétique doit être réorienté à marche rapide vers les énergies renouvelables
• le secteur des transports doit être réorganisé de manière à réduire drastiquement sa dépendance à l’énergie fossile
• la distribution doit être réorganisée : le modèle de la grande distribution fondé sur la surexploitation des petits producteurs et des salariés mais aussi la surconsommation des clients doit être cassé. Comme sa logique spatiale qui contribue à l’extension de la ville et la domination de l’automobile. La transformation vers le développement de circuits courts, de relations économiques équilibrées, et de conditions de travail et de rémunération correctes pour les salariés passe par la prise de contrôle public des grands négociants et distributeurs.
• les services publics doivent être étendus à la production ou à la gestion de l’ensemble des biens communs et rendus démocratiques, donc placés sous le contrôle des salariés et des usagers.
• la publicité doit être supprimée, pour être remplacée par un service public d’information au consommateur sur les produits et services en vente
Il ne s’agit pas de faire fonctionner différemment les forces productives dont on hérite, mais de se débarrasser de nombreux secteurs nuisibles ou dangereux, de développer de nouveaux secteurs, et de réorganiser les anciens secteurs conservés de manière à réorienter leurs finalités, à rendre compatible leur fonctionnement avec de bonnes conditions de travail et des emplois qualifiés, et à permettre leur maîtrise démocratique.
16- Ce bouleversement du système productif doit donc se faire sans que les travailleurs en fassent les frais : sans responsabilité sur les choix productifs advenus, la réorganisation de l’appareil productif ne saurait se faire sur leur dos, que ce soit comme citoyen, comme producteur, ou comme consommateur. Ils doivent en être les principaux bénéficiaires ainsi que les petits paysans.
Ils doivent donc aussi nécessairement en être le moteur : il ne saurait y avoir bouleversement du système de production sans bouleversement du pouvoir dans l’entreprise, sans gestion des unités de production et contrôle de l’organisation du travail par les travailleurs eux-mêmes.
Dans cette perspective quatre axes de réponses écologiques et sociales combinées sont déterminants :
• la fermeture d’activités induite par la réorganisation ne doit pas conduire à des licenciements. Doit être repris ici le schéma revendicatif mis en avant sur l’interdiction/suppression des licenciements : les contrats de travail et l’ensemble des droits afférents dont la rémunération doivent être maintenus, jusqu’à reclassement sur un emploi de rémunération et qualification au moins équivalente, sans mobilité subie. Dans le cadre de suppression d’un secteur productif entier, ce reclassement doit s’inscrire dans un plan de reconversion des travailleurs concernés.
• le bouleversement du système productif doit aussi être celui des conditions de travail afin de garantir la santé au travail : cela suppose une reconfiguration de l’organisation du travail dans l’ensemble des secteurs productifs. Le capitalisme use et tue les travailleurs : il en est de leur corps vivant comme du reste de la nature, il fait l’objet d’une exploitation sans vergogne. L’écart d’espérance de vie entre ouvriers et cadres de 6.5 années montre suffisamment à quel prix la plus-value est extorquée. Le droit à la santé au travail doit être garanti et commander l’organisation du travail.
• la réduction du temps de travail constitue un point clé dans cette perspective de changement des conditions de travail. Elle doit permettre de réajuster le temps de travail et le volume de l’emploi par rapport aux gains de productivité engrangés. Si nous sommes contre le productivisme, nous ne sommes pas pour autant pour moins de productivité (produire autant en moins de temps) dès lors que cette amélioration ne signifie pas une dégradation des conditions de travail par intensification du travail par exemple : l’affectation des gains de productivité doit alors alimenter en partie la réduction du temps de travail. L’autre partie doit permettre de développer certaines activités ou d’en créer d’autres utiles et soutenables par réaffectation des emplois.
• Ce bouleversement est source de création d’emplois socialement et écologiquement utiles dans de nombreux secteurs : dépollution, déconstruction, énergie, bâtiment, agriculture, transports, information aux consommateurs, etc... Un certain nombre de ces nouveaux secteurs devraient nécessairement constituer des nouveaux services publics : par exemple l’énergie dès lors que l’on considère que l’accès de toutes et tous à une énergie gratuite ou à bas prix et en quantité suffisante (mais non illimitée) doit constituer un droit.
Le changement des conditions de travail présuppose la gestion par les travailleurs eux-mêmes de l’organisation du travail et de la production, même si celle-ci ne constitue certainement pas une garantie suffisante.
Nous devons porter l’exigence de « changer le travail » avec en ligne d’horizon l’abolition du salariat. L’amélioration des conditions du travail, la réduction du temps de travail, le changement de l’organisation du travail et la gestion collective par les travailleurs des unités de travail [3], doivent être engagés tout de suite dans le cadre du processus de bouleversement de l’ordre social : amorcer concrètement le changement du travail est certainement un puissant moyen de renforcement de la légitimité du bouleversement en cours.
Il n’en reste pas moins que ces évolutions ne permettront pas de faire reculer significativement les formes les plus problématiques de la division du travail, à commencer par la division sexuelle du travail ou celle entre travail manuel et intellectuel. Mais leur consolidation permettrait de créer les conditions pour penser et mettre en œuvre de profondes transformations en la matière.
Quel programme anticapitaliste écologiste ?
17- Ces axes généraux doivent déboucher à la fois sur un programme articulé détaillant réponses générales, de fond (que mettre en œuvre pour passer d’un système à l’autre ?) et réponses urgentes (que faire tout de suite pour stopper l’aggravation de la crise écologique et résorber ses conséquences sociales ?). Développons quelques axes en prenant pour fil conducteur la crise climatique, sans doute le principal défi auquel l’humanité doit faire face à court terme.
18- La crise climatique constitue un terrible acte d’accusation de deux siècles de développement capitaliste. Produire pour produire, ventre à terre, à toute vapeur, avec comme point focal l’accumulation et le profit maximum, a conduit à déstabiliser le climat de manière dangereuse pour l’humanité. Arrêter la dégradation en cours suppose de rompre avec la dynamique même du système économique qui l’a générée et ne cesse pour l’heure de l’alimenter.
Attendre des acteurs qui dirigent et profitent du système qu’ils en sapent les bases constitue à l’évidence une impasse complète. Le bilan de l’action des principaux pays industrialisés, plus de 15 ans après Rio et 10 ans après Kyoto est sans appel : les émissions continuent à augmenter au Nord, aucun changement structurel n’a été engagé, par contre la financiarisation du marché du carbone a offert de nouvelles sources de profits aux grandes multinationales pollueuses. Le paquet énergie-climat adopté en décembre 2008 par l’Union Européenne ne fait que confirmer l’incapacité des classes dominantes à prendre les mesures nécessaires : le niveau de réduction visé est en deçà de ce qu’exige le consensus scientifique international, et le dispositif adopté s’appuie en priorité sur le marché des droits à polluer malgré son échec.
Les anticapitalistes doivent se saisir de cette question qui va être de plus en plus au centre des débats politiques et sociaux. Il faut développer un programme de sortie de crise, cohérent et crédible. Il faut dénoncer les illusions des magiciens du capitalisme vert dont les réponses ne peuvent qu’enfoncer un peu plus l’humanité et la planète dans la crise et la catastrophe.
Il faut œuvrer à la construction d’un mouvement de masse sur la question climatique, un mouvement unitaire le plus large possible pour un traité mondial efficace, juste et solidaire, dans le cadre duquel il convient d’impulser le regroupement d’un pôle écosocialiste à l’échelle européenne et mondiale.
Ce mouvement doit se structurer autour du double objectif de la réduction du niveau d’émissions au seuil jugé non déstabilisant pour le climat, et du droit à un niveau égal d’émission pour chaque habitant de la planète. Compte tenu de la dette écologique accumulée par le Nord envers le Sud, cette égalité passe par le droit à un niveau supérieur d’émission par tête pour le Sud par rapport au Nord pendant le temps nécessaire sans dépassement du seuil global d’émissions compatible avec la stabilité climatique.
19- Les anticapitalistes doivent promouvoir et pratiquer un écosyndicalisme, et mener la bataille pour convertir les gauches syndicales à une orientation écosyndicaliste.
Les grands axes de cette orientation sont ceux déclinés plus haut : transformation écologique et sociale de la production et du transport sous le contrôle des travailleurs et sans licenciements, développement d’emplois socialement et écologiquement utiles dans le cadre de nouveaux services publics, appropriation publique et sociale des secteurs clés de la production et des échanges, réduction du temps de travail, contrôle des salariés sur l’organisation du travail, droit effectif à la santé au travail.
20- La crise mondiale généralisée de l’ensemble de l’industrie automobile constitue un enjeu décisif de ce point de vue. Outre qu’elle permet à une échelle de masse d’illustrer l’inefficacité sociale, économique et écologique du mode de gestion capitaliste des firmes, elle rend nécessaire la bataille simultanée pour l’emploi et le climat. Sortir de cette crise dans l’intérêt des salariés suppose d’articuler refus des licenciements, maintien des contrats de travail, donc de la rémunération et de la qualification, et reconversion des collectifs de travail, et transformation de la production.
21- Répondre à la crise climatique impose de bouleverser le système de production et d’échanges : révolution énergétique, révolution des transports, relocalisation et redéfinition des productions, révolution agricole, révolution urbaine sont nécessaires pour stopper le processus et faire face aux conséquences des modifications déjà provoquées. Les mesures nécessaires prennent le système capitaliste à rebrousse poil.
22- Transformer le monde en modifiant les prix ?
Face à la crise climatique, les réponses dominantes mettent l’accent sur l’action sur les prix pour opérer les changements nécessaires, que ce soit par la mise en place de marchés de droits à polluer ou par l’instauration d’écotaxes.
Le marché européen des droits à polluer a fait la preuve de son échec : il a généré de coquets profits pour les grands pollueurs sans permettre d’avancée notable dans la réduction des émissions. Ce dispositif souffre de plusieurs défauts majeurs : il favorise les réductions les plus simples à opérer et tend par la même à repousser tout changement qualitatif majeur permettant de changer d’échelle dans cette réduction. Son développement tend à favoriser des montages complexes conduisant à la comptabilisation d’un nombre important de fausses réductions : les mécanismes de flexibilité permettent ainsi aux grandes firmes du Nord de gagner des crédits d’émissions en investissant à bon compte au Sud dans des projets qui souvent auraient été mis en œuvre de toute façon.
L’autre solution miracle serait l’écotaxe. Ses promoteurs, extrêmement nombreux, en font l’alpha et l’oméga de la lutte contre le changement climatique : il suffirait par exemple de mettre en place une taxe sur la consommation de carburant augmentant progressivement et continûment pour modifier les choix de production et les comportements de consommation. Tout d’abord on voit mal un gouvernement fixer une taxe réellement dissuasive augmentant continûment. Le risque est alors que la taxe soit fixée à un niveau qui pénalise de manière très différente les consommateurs, et constitue en même temps une manne de financement budgétaire pour l’Etat. C’est bien la situation que l’on connaît actuellement avec la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) en France : elle taxe de manière égale le consommateur quelque soit son niveau de revenu, quel que soit son statut (particulier ou entreprise), et est devenue indispensable au budget de l’Etat, qui n’a pas intérêt à une baisse de la consommation car une recette fiscale essentielle disparaîtrait. Le coût élevé du prix de l’essence frappe une frange importante de la population active prisonnière de l’usage de la voiture : c’est le cas de nombreux salariés contraints de dépenser une part de leur salaire considérable car ils ne disposent pas d’alternative réelle à l’automobile. D’autre part, la grande majorité des projets d’écotaxe avancés par les libéraux, les socio-libéraux mais aussi bon nombre d’associations écologistes envisagent de compenser le surcoût entraîné par l’instauration de la nouvelle taxe par la baisse des cotisations sociales patronales. On se trouve alors face à un projet dangereux de déstabilisation du financement de la protection sociale, par ailleurs remise en cause de toute part.
Il convient donc d’être extrêmement vigilant sur ce type de projets. Cela signifie t-il pour autant que nous soyons opposer à tout type de taxation environnementale ? Non dès lors que l’on conçoit ces taxes comme un outil d’accompagnement des changements structurels profonds, que cette taxation n’est pas compensée par une mise en cause du financement de la protection sociale, et que les consommateurs sont traités de manière différenciée en fonction de leur niveau de revenu et/ou de l’usage. C’est seulement dans la mesure où un salarié entendrait continuer à utiliser sa voiture alors qu’une solution alternative acceptable en transport en commun lui serait offerte, qu’une taxation supplémentaire de ses déplacements serait justifiée.
On verra plus loin par ailleurs qu’il est souhaitable de raisonner en quotas individuels gratuits ou à bas coût pour l’accès à une série de consommations de base, énergie et eau en premier lieu.
Enfin, nous devons nous opposer à toute taxation des seules consommations énergétiques de source fossile, au risque de favoriser le nucléaire.
23- Révolution énergétique :
On ne peut comprendre le développement du capitalisme sans prendre en compte le fait que le capitalisme dont on parle est un capitalisme fossile. Le pillage des gisements en charbon, en pétrole et en gaz constitue un facteur déterminant pour expliquer la trajectoire du capitalisme et son fonctionnement : sans bas prix du pétrole, pas de développement possible des échanges internationaux au niveau actuel, pas de sous-traitance et de flux tendu généralisés comme aujourd’hui. Cette dépendance fossile implique que les émissions de GES sont indexées sur le fonctionnement courant du capitalisme.
Un système énergétique spécifique est donc associé au capitalisme. Ce système a été construit pour optimiser la captation de la rente énergétique découlant de l’appropriation des ressources. Il s’agit d’un système centralisé et gaspilleur où la rentabilité financière est largement déconnectée du rendement énergétique.
La possibilité d’une auto mutation énergétique du capitalisme apparaît tout à fait problématique : si les énergies renouvelables ouvrent des marchés, ceux-ci restent des débouchés secondaires par rapport aux besoins et au mode d’organisation du cœur du système économique. L’abondance de l’énergie solaire et éolienne et le coût limité des dispositifs de captation empêche la reconstitution de rentes d’exploitation lucratives et des surprofits associés.
La relance du nucléaire ne peut par ailleurs être une solution à la crise énergétique : d’une part elle ne saurait répondre au problème clé des transports, d’autre part les ressources en uranium sont elles aussi limitées. C’est en réalité une nouvelle ruée sur le charbon, dont les réserves sont encore importantes, qui se prépare, un charbon qui n’est propre que dans le discours marketing.
Il faut donc rompre avec la logique de ce système énergétique pour sortir de l’impasse actuelle et engager une véritable révolution énergétique. L’axe premier de cette révolution, c’est la chute de la consommation énergétique. Sans cette chute, il est illusoire de vouloir sortir du nucléaire et du fossile. Cette baisse de la consommation n’implique absolument pas une baisse du niveau de vie actuel de la grande majorité de la population tant les gisements d’efficacité énergétique sont grands.
Ensuite, il faut construire un processus de transition énergétique qui combine arrêt rapide du nucléaire, arrêt de la culture des agrocarburants, réduction drastique de la consommation fossile et montée en puissance des énergies renouvelables. Cela signifie passer d’un système centralisé et gaspilleur à un système décentralisé et efficient.
Opérer cette transition énergétique suppose de la planifier démocratiquement. Elle nécessite l’appropriation publique et sociale des grands moyens de production, transformation et distribution de l’énergie et leur intégration à un service public, pour pouvoir les transformer en un système énergétique largement décentralisé et autonome, faisant une place importante à des services publics locaux. Par ailleurs elle implique la mise en place de politiques sectorielles radicales dans les transports, l’industrie, le logement et l’agriculture.
Comme souligné plus haut, cette orientation écologique doit s’accompagner de réponses sociales : la transition énergétique est source de créations d’emplois nombreux et qualifiés, l’arrêt ou la transformation des activités doit s’opérer sans licenciement, le contrat de travail ou le statut des travailleurs étant maintenu avec les droits afférents dont la rémunération jusqu’à reclassement effectif sur un emploi de rémunération et qualification équivalentes sans mobilité subie.
Nous nous battons par ailleurs pour garantir effectivement le droit à l’énergie pour toutes et tous : on peut ainsi proposer l’attribution de quotas de Kwh (ou de litres de fiouls) gratuits ou à très faible coût par personne et par an pour la consommation privée, avec une augmentation progressive du prix du Kwh consommé au-delà du quota, et une pénalisation particulière à partir de certains seuils de surconsommation ou pour certains usages. On permet ainsi, par une taxation différenciée en fonction du revenu (plus la surface habitable par tête est grande, plus cela coûte cher) de l’usage (largement lié au revenu : quatre-quatre, yacht, jet privé,…) et de la surconsommation, de combiner égalité d’accès de tous et toutes à l’énergie et politique de maîtrise de la consommation.
24- Révolution des transports :
Le secteur des transports est un secteur déterminant dans l’émission de GES. Il s’agit par ailleurs d’un secteur clé de la mondialisation capitaliste. Les transports routier et maritime de marchandises sont basés sur un prix dérisoire du pétrole et la surexploitation des travailleurs, conducteurs ou marins, mis en concurrence directement à une échelle continentale ou mondiale. Le faible coût de transport constitue une des conditions de base de fonctionnement du capitalisme contemporain. Sans lui, ce sont des choix structurels lourds du système qui sont remis en cause : flux tendu, sous-traitance hors site, production délocalisée, niveau des échanges commerciaux.
Il s’agit ici d’un point névralgique du fonctionnement contemporain du système économique et des mécanismes de production des émissions de GES à l’origine de la crise climatique.
Là encore, les grands axes d’orientation doivent combiner le social et l’écologique.
Il faut exiger d’une part :
• La limitation drastique du transport routier de marchandises : interdiction du transport longue distance et du transit international
• L’arrêt des vols aériens court courriers commerciaux
• L’arrêt de la construction de nouvelles autoroutes
• Le développement du transport ferroviaire et fluvial de marchandises et du cabotage maritime
• Le développement des transports collectifs de personnes : trains, trams, bus
• L’aménagement urbain et des zones d’activité pour favoriser l’utilisation du vélo et de la marche
Et en même temps :
• La gratuité des transports collectifs de proximité
• Un plan de reconversion des travailleurs des transports concernés par ces réorganisations : pas de licenciement, maintien du contrat de travail avec rémunération jusqu’à reclassement sur un emploi de rémunération et qualification équivalentes.
• Un service public de transport organisé aux niveaux local, régional, national et continental
• Le démantèlement des pavillons de complaisance
25- Révolution agricole :
L’intégration sans cesse accrue de l’agriculture au capitalisme mondialisé provoque une crise écologique, sociale, alimentaire : développement des agrocarburants au détriment des cultures végétales alimentaires, expansion des OGM, appropriation du vivant par les grandes firmes par les brevets, dépendance aux pesticides, stagnation voire baisse des rendements de la production de plusieurs céréales, régression des cultures vivrières au détriment des cultures d’exportation au Sud, réduction de la diversité des espèces et variétés cultivées, érosion des sols, épuisement de certains aquifères et pollution des eaux, domination des marchés par les grands firmes de négoce du Nord, étranglement de la petite paysannerie au Sud comme au Nord, empoisonnement de nombreux paysans aux pesticides.
Les anticapitalistes doivent se saisir de la question agricole dans sa dimension sociale comme dans sa dimension écologique. Question essentielle au Sud, elle l’est également à une perspective de transformation sociale dans les pays du Nord. Il s’agit de gagner la petite paysannerie à un modèle de production basée sur la qualité, l’autosuffisance et le développement de l’emploi agricole, en rupture avec le dumping social associé au pillage du tiers monde, en rupture avec la pollution généralisée aux nitrates et aux pesticides, en cohérence enfin avec un projet d’aménagement du territoire porteur d’une autre articulation entre villes et campagnes et compatible avec la préservation de la biodiversité.
Nous défendons :
• L’arrêt de la production d’OGM et d’agrocarburants
• Le développement d’une agriculture paysanne, autonome et soutenable, donc peu ou pas utilisatrice d’intrants chimiques et de pesticides, économe en énergie et en eau, avec une priorité à l’agriculture biologique
• Une réduction drastique de la production de pesticides et engrais chimiques, avec un plan de reconversion pour les travailleurs affectés aujourd’hui à ces productions
• L’arrêt de toute aide aux cultures d’exportation et aux gros producteurs
• Des aides à la petite paysannerie
• Des droits sociaux renforcés pour les salariés agricoles
• La prise de contrôle publique des grands intermédiaires, négociants ou centrales d’achats, le développement de réseaux de distribution courts publics ou coopératifs.
• La production de produits alimentaires de qualité et qui garantisse un revenu décent aux producteurs.
L’agriculture de chaque pays devrait être organisée de façon à assurer sa souveraineté alimentaire. Cela implique la capacité collective à décider des choix de production agricoles de façon à permettre la satisfaction stable des besoins de la population dans un objectif d’autosuffisance, avec un recours accessoire à l’importation et l’absence de subventionnement à l’exportation.
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Au-delà, l’écosocialisme défend le droit à la terre des producteurs directs. Il entend favoriser sans contrainte vis-à-vis des petits paysans la propriété collective ou commune de la terre, le développement d’exploitations collectives ou associées, de coopératives démocratiques. L’expropriation des grands propriétaires est nécessaire. Cela signifie revendiquer une perspective de réforme agraire au Nord comme au Sud indispensable pour assurer l’autosuffisance alimentaire de chaque société dans des conditions écologiques et le développement de l’emploi agricole. Cela suppose la construction d’une alliance entre les salariés et la grande masse des paysans sans terre et de petits producteurs paysans à la fois au niveau national, continental et mondial.
26- Révolution urbaine :
En parallèle à la réforme [4] agraire, une véritable réforme urbaine est nécessaire. L’axe clé de cette orientation c’est la maîtrise publique foncière par la municipalisation des sols, pour ne pas laisser le développement urbain aux mains des spéculateurs privés. Il s’agit de disposer des outils pour orienter démocratiquement le développement urbain de manière écologique : démocratie locale, arrêt de l’extension des surfaces construites, réorganisation complète du réseau de distribution des biens de consommation des ménages, densification de l’habitat, développement des parcs et jardins, des réseaux de transport en commun, des infrastructures publiques, réhabilitation écologique et sociale de quartiers, construction de logements à loyers abordables, encadrement strict des loyers, etc…
Par ailleurs, la révolution énergétique trouve un terrain d’application privilégié en ville : isolation du bâti ancien et nouvelles constructions écologiques, limitation drastique du trafic automobile et routier grâce au développement des transports en commun, etc...
27- Relocalisation et transformation des productions :
La nécessité de réduire drastiquement les émissions de GES du secteur des transports implique de réduire les flux transportés par route, air ou mer. Un mouvement de relocalisation partiel mais important de nombreuses productions en découle, au niveau agricole comme au niveau industriel.
Complémentaire à ce mouvement de relocalisation, il doit y avoir une localisation d’activités productives dans une série de pays qui reçoivent les exportations de pays du Nord, ce qui suppose une politique générale de transfert de technologie vers le Sud.
Il ne s’agit pas ici de plaider pour une autosuffisance économique, une autarcie illusoire, compte tenu de la localisation des gisements de matières premières et des savoirs-faire productifs, mais de souligner l’irrationalité des échanges actuels de marchandises dont un des traits dominants est la part importante d’échanges croisés de produits identiques ou encore de voyages à vide, et de s’opposer à une logique marchande du tout à l’exportation dont les financements et les prix conduisent à la fois au productivisme destructeur et à un étranglement des petites productions vivrières.
Par ailleurs, en cohérence avec les dimensions soulevées précédemment, cette relocalisation des productions et cette réorganisation du système productif doit s’accompagner d’une transformation écosociale des forces productives : abandons, modifications et créations de secteurs productifs ou de services. Les batailles pour l’arrêt du nucléaire, des OGM ou des agro-carburants ou a contrario celles pour le développement de services publics locaux de l’eau ou de l’énergie renouvelable sont ici particulièrement importantes.
28- La bataille de l’eau :
D’autres questions écologiques et sociales clés doivent être abordées, qui excèdent la question climatique, même si elles y sont connectées, dont l’eau et la biodiversité.
Epuisement des aquifères, pollution industrielle et agricole des eaux, appropriation privée des ressources ou de leur gestion, absence de réseau d’assainissement : l’utilisation non durable de la ressource prive ou menace de priver d’accès à l’eau potable gratuite ou à faible coût des parties importantes de la population au Nord comme au Sud.
La gestion de l’eau doit relever du service public de préférence local, les pratiques agricoles doivent être bouleversées de façon à ne pas épuiser les nappes et à ne pas polluer l’eau. La pollution industrielle sévèrement contrôlée et pénalisée.
Un quota gratuit de litres d’eau par personne doit être garanti à chacun pour sa consommation privée : avec une facturation à coût croissant en cas de dépassement. Certains usages doivent être pénalisés (piscine privée, etc…). L’égalité d’accès doit être combinée avec la maîtrise de la consommation.
29- Biodiversité :
La dynamique d’effondrement de la biodiversité constitue une dimension clé de la crise écologique globale, risquant d’être accélérée par le réchauffement climatique en cours : l’affaissement des écosystèmes susceptible d’en résulter peut avoir des conséquences en chaîne désastreuses pour l’avenir de l’humanité, à commencer par sa capacité à s’alimenter. L’épuisement de stocks de nombreux poissons ou encore la mort de colonies d’abeilles constitue deux des exemples les plus préoccupants. Le développement de l’agrobusiness favorise aussi une réduction de la diversité spécifique, variétale et génétique des plantes cultivées extrêmement risquée en cas de brusque développement d’une pathologie d’une des variétés phares consommées, ce qui s’est déjà produit dans l’histoire humaine.
Par ailleurs, la perte de biodiversité constitue une perte irrémédiable de connaissances potentielles de tous ordres, irresponsable par rapport à l’incertitude de l’avenir de l’humanité.
A cela s’ajoute la tentative d’appropriation du vivant par le développement des brevets sur des molécules ou des séquences d’ADN d’organismes : ce biopiratage permet l’appropriation privée par des firmes de savoirs coutumiers ou de connaissances nouvelles. Basé sur une régression du droit de la propriété intellectuelle, cette évolution a ouvert une nouvelle frontière à la marchandisation : la confiscation et l’expropriation de savoirs ancestraux, le contrôle privé sur l’utilisation de connaissances, permettent de créer de nouvelles rentes d’exploitation.
La protection de la biodiversité nécessite notamment une révolution agricole basée sur la souveraineté alimentaire, une réduction drastique de l’utilisation d’intrants chimiques et de pesticides, de nouvelles pratiques culturales.
Elle nécessite un vaste plan mondial de protection décliné par pays et écosystème, accompagné d’un effort de financement de la recherche sur les modalités de la conservation, et la mise en place de services publics ad hoc.
La pêche industrielle doit être remise en cause : elle est la première responsable de l’épuisement en cours des populations de nombreuses espèces de poissons. Son développement combiné à l’instauration des quotas conduit à l’étranglement des petits pêcheurs, sans permettre pour autant une gestion soutenable de la ressource. Le système de quotas de pêche doit être combiné avec une aide aux petits pêcheurs conditionnée à la mise au point d’un nouveau modèle social, la mise en place de coopératives doit être facilitée.
30- Pour un autre développement
Notre critique écologique du capitalisme débouche sur une critique de civilisation. Elle appelle une rupture de mode de vie, un changement de civilisation, une rupture avec la production pour la production sous le fouet du profit, une rupture avec la quête de croissance comme but de l’organisation sociale et économique.
Elle n’a rien à voir avec le ravaudage de façade que constitue le « développement durable », terme qui sert aujourd’hui d’emballage à la poursuite de l’exploitation non soutenable de la biosphère.
Elle se démarque également de toutes les solutions malthusiennes qui entendent faire des pauvres les premiers responsables de la crise écologique et sociales. Les mesures qu’elles inspirent les visent en priorité, et parmi eux les femmes. L’idée que la planète ne saurait nourrir la population sans porter atteinte aux écosystèmes n’est pas démontrée.
Une orientation anticapitaliste doit être basée sur une critique radicale du développement capitaliste : loin de constituer un modèle le Nord subit un mal développement, dont l’envers est le sous-développement du Sud, exploité et pillé. Ce développement doit être radicalement critiqué car :
• Il se fonde sur le développement inégal à l’échelle international
• Il est insoutenable écologiquement
• Il est insoutenable socialement
• Il pérennise et reproduit les inégalités de genre
Nous ne défendons donc pas l’extension de ce mode de développement à toute la planète mais un autre développement, pour le Sud comme pour le Nord. L’amorce seulement de ce développement alternatif est totalement incompatible avec la structuration hiérarchisée du monde actuel et les instruments sur lesquels elle s’appuie : OMC, Banque mondiale, FMI, et accords léonins signés sous l’égide ou dans le cadre de ces conclaves au service des dominants, mais aussi traités régionaux tels que les traités européens ou encore le traité de libre-échange américain (NAFTA).
En l’absence – peut-être provisoire - de terme plus adéquat, il n’y a aucune raison d’abandonner le mot de développement, sous prétexte qu’il a été galvaudé et mis au service d’un productivisme destructeur, dès lors que sa reprise s’accompagne d’une redéfinition du contenu. L’évolution historique n’invalide pas en effet la nécessité de garantir à tout être humain la possibilité d’accéder effectivement à l’intégralité des droits civils, sociaux et environnementaux, hors d’atteinte aujourd’hui, dans le cadre du capitalisme au Sud comme au Nord. La perspective de cet égal accès à l’échelle mondiale constitue bien un horizon de développement sans précédent des sociétés humaines. Elle n’implique nullement un modèle unique. Au contraire, dans la mesure où elle ne peut être que le résultat d’une prise de pouvoir démocratique subordonnant les choix économiques à des décisions politiques, elle implique une diversité de trajectoires. Rappelons que cette perspective était déjà celle de Marx au 19e siècle qui invitait les socialistes russes à s’appuyer sur le mode de fonctionnement de la commune rurale basée sur la propriété commune, et non à considérer comme une « fatalité » que la Russie rejoigne le chemin suivi par l’occident. Si le socialisme ne saurait être construit dans un seul pays, sa construction dans chaque pays doit chercher à s’appuyer les éléments progressistes de la tradition comme de la modernité ce qui suppose de les préserver en les transformant.
La diversité culturelle ou tout simplement la diversité des choix politiques d’organisation d’une autre société ne peut que se traduire par une pluralité de trajectoires. Pour autant, quels que soient ces chemins, partout la conquête des droits fondamentaux est indissociable de la perspective écosocialiste, parmi lesquels l’égalité sociale, l’égalité entre les hommes et les femmes et la défense de la diversité des peuples et des cultures contre toute logique de domination impériale et néo-coloniale.
Laurent Garrouste