François Fillon a été suffisamment clair lors de son discours de politique générale à l’Assemblée : tout d’abord il assume son bilan depuis 2007 et a assuré que « l’élan de la réforme » était intact, et qu’il ne connaîtrait pas de pause. Rhétorique bien connue maintenant, c’est au nom de la crise qu’il faut accélérer le train des « réformes ». Et Fillon d’égrener la longue liste de celles qui ont aggravé la situation des services publics (université, éducation...) ou qui ont attaqué les droits comme celui de grève avec l’instauration du service minimum.
Sans scoop, le Premier ministre a alors affirmé qu’il maintiendra le cap contre vents et marées. Entendez, la politique d’austérité va se poursuivre et s’intensifier : « la nécessaire réduction des déficits » et « la gestion rigoureuse de la dépense publique » sont à l’ordre du jour.
La priorité est donnée à la rigueur budgétaire, ce qui signifie concrètement que les coupes claires dans les budgets sociaux iront de pair avec la casse continue des services publics. Pas de « dépenses publiques supplémentaires ». Comme c’était le cas sous « Fillon I et II », pas de surprise, donc. Mais avec la crise qui s’aggrave en Europe, on ne peut que s’attendre à une accentuation des mesures libérales antisociales.
Dans la ligne droite tracée par Sarkozy une semaine plus tôt, Fillon a présenté les différents chantiers de la fin du quinquennat : justice, emploi des jeunes (avec la perspective de plus d’apprentissage !) et des séniors, révision possible de la Constitution pour y inclure « des principes garantissant la maîtrise des finances publiques », l’engagement de la reprise du référendum d’initiative populaire...
Prochains chantiers
Mais les deux grands axes, pour les derniers mois qui viennent avant les échéances de 2012, concernent surtout la réforme fiscale et la prise en charge de la dépendance.
Pour le premier, Fillon l’a martelé, il n’y aura pas de nouvel impôt, la réforme de la fiscalité du patrimoine, programmée pour 2011, devrait se faire à « produit constant » pour l’État. Le nouvel impôt sur les revenus et les plus-values du patrimoine devra se substituer à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui rapporte environ
4 milliards d’euros par an à l’État. Pas d’inquiétude donc pour les plus riches, pour les hauts revenus de la finance, pour les patrons : ils ne seront pas mis à contribution.
La politique fiscale du pouvoir n’a pour but que de permettre à la France « de gagner en compétitivité », certainement pas de taxer les profits pour faire face au déficit budgétaire ! C’est pourtant là qu’est le problème : ce sont bien les cadeaux fiscaux au patronat qui ont grévé en partie le budget de l’État.
Pour le dossier sur la dépendance, Fillon n’a fait que confirmer ce qu’on craignait déjà, à savoir une prise en charge de la dépendance supportée essentiellement par les personnes elles-mêmes et leurs familles et par l’arrivée des assurances privées. Empruntant le même argumentaire que celui développé pour les retraites, le Premier ministre a justifié cette politique en invoquant une fois de plus l’impossibilité de prendre en charge la dépendance dans les années futures. Or, comme pour les retraites, la Sécurité sociale dans son ensemble, le problème est exclusivement celui de la répartition des richesses. Le salaire socialisé qui permet de satisfaire les besoins liés à la maladie, à la maternité, aux charges familiales, au chômage, à l’invalidité, à la retraite, doit être la base de financement pour la dépendance. C’est cette exigence que nous devons opposer aux assurances et aux fonds de pension. La dépendance va servir pour le pouvoir en place de « cheval de Troie » afin de mettre à mal définitivement la Sécurité sociale. C’est le début ou plutôt la poursuite de la privatisation de cette dernière, sous couvert de concertation nationale sur la protection sociale comprenant la dépendance.
Sur ce sujet, comme nous l’avons fait pour les retraites, résistons et ripostons ensemble !
Myriam Martin
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 80 (02/12/10).
LEUR MONDE...
Senlis sans conseil municipal. L’étau se resserre autour de Jean-Christophe Canter, maire UMP de Senlis (Oise). Le 29 novembre, 19 des 33 élus du conseil municipal lui ont remis leur démission, après un an de crise politique.
Depuis le 30 septembre 2009, Canter est mis en examen pour favoritisme et prise illégale d’intérêts. Il a ainsi fait payer par la commune, entre autres, un bureau en bronze de 9 000 euros, une poubelle à 727 euros, des notes de restaurant au Fouquet’s, des factures non détaillées de prestataires, etc. Un train de vie qui finissait même par choquer les amis du très intègre Éric Woerth...
Depuis un an, Canter s’accroche bec et ongles à son poste, hurlant au complot, malgré plusieurs décisions de justice et le désaveu de sa propre majorité. Après la démission du conseil municipal, des élections anticipées, réclamées depuis des mois par les Senlisiens et par l’opposition (de droite comme de gauche), vont peut-être enfin voir le jour. De là à voir la gauche prendre les rênes à Senlis, ville traditionnellement de droite, il ne faut cependant pas trop rêver.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 80 (02/12/10).