Le 8 mars dernier, à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, la ville de Multan dans la province du Punjab a connu le plus grand rassemblement de tout le pays : plus de 5 000 femmes se sont retrouvées et ont manifesté ensemble contre la discrimination féminine dans la société pakistanaise. A leur tête, le Forum d’Action des Femmes (WAF), importante plate-forme nationale d’organisations féminines et d’individuels qui se bat depuis de nombreuses années pour la protection du statut des femmes et plus particulièrement pour l’abrogation des ordonnances Hudood (Hudood Ordinances) qui n’octroient pas un poids juridique égal aux hommes et aux femmes. Exigence reprise cette année par l’ensemble des organisations et groupes de militants dans leur programme de revendications.
Un même objectif : abrogation des ordonnances Hudood
Parmi les nombreuses revendications de ces milliers de femmes, la suppression des ordonnances Hudood est leur cheval de bataille car ces lois sont sans conteste très discriminatoires et hypocrites : elles rendent impossible leur émancipation et la reconnaissance de leurs droits. Les femmes, victimes de viols, d’inceste, d’adultère, de crimes d’honneur sont toujours considérées comme ayant provoqué ces actes. De victimes, elles deviennent donc coupables, ce sont elles qui sont jugées, salies, condamnées, exclues. Une plainte pour viol déposée par une femme n’est recevable que si elle est confirmée par le témoignage de quatre hommes !
Depuis la création par des hommes de la « Hudood Law » et de sa mise en application, les gouvernements successifs se sont toujours retranchés derrière les représailles possibles des mollahs pour ne pas y toucher et freiner toute action visant à résoudre les problèmes qu’elle engendre. Or cette loi ne s’appuie aucunement sur les recommandations de l’islam... Face à cette réalité Tahira Mazhar Ali Khan, militante très active depuis 65 ans, ne cesse de rappeler que les droits des femmes ne sont pas seulement constitutionnels mais qu’ils doivent être appliqués, au Pakistan ou ailleurs, et que la religion relève du privé et que, par conséquent, aucune restriction ne peut être imposée au nom de l’islam.
Pakistanaises et Indiennes, ensemble ce 8 mars
Parfois accompagnées et soutenues par des militantes indiennes, les Pakistanaises de tous milieux sociaux, culturels et religieux ont été très nombreuses en ce mercredi 8 mars 2006 à participer aux manifestations, séminaires, rencontres sportives etc., organisés dans l’ensemble du pays. Parcourant parfois de très longues distances pour être présentes, ces femmes enthousiastes, pacifiques et constructives ont montré que la lutte continuait. Le message est clair : elles sont citoyennes à part entière - et non citoyennes à part - et entendent bien être reconnues comme telles ! Ainsi, les associations de femmes parmi lesquelles le Joint Action Committee for People’s rights, la Working Women Organisation, la Pakistan Women Lawyers Association (www.pawla.sdnpk.org) , ont exprimé haut et fort leur exigence quant au respect et à la protection de leurs personnes et de leurs droits : égalité juridique, professionnelle, politique, etc.
Mais ne nous y trompons pas, la Journée Internationale des Femmes n’est pas un événement unique de revendications pour ces militantes. Contrairement à l’image que l’on peut s’en faire, les Pakistanaises sont particulièrement présentes et actives dans leur pays. Leur combat pour la reconnaissance et l’application des droits des femmes est quotidien et ce, depuis plusieurs décennies. Le rassemblement dans la ville de Multan n’est qu’un exemple de cette force et de cette volonté qui animent les Pakistanaises dans leur lutte pour un changement de leur statut au sein de la société, et au sein même de leurs familles où la loi n’est pas appliquée. Une bataille qui rencontre un écho grandissant au fil des ans : chaque année les Pakistanaises célèbrent activement le 8 mars, mais cette année, leur mobilisation a été plus massive que jamais.
Les Pakistanaises ne sont pas toutes enfermées dans une société moyenâgeuse, même si cela reste vrai pour beaucoup trop d’entre elles. Les luttes et mouvements que nous venons d’évoquer en sont l’éclatante démonstration : elles sont impliquées, engagées, se savent citoyennes à part entière et entendent êtes reconnues comme telles. Rappelons-nous qu’en 2003, pour la Journée Internationale des Femmes, elles faisaient jouer « les Monologues du vagin » à Lahore, puis à Islamabad !
Comité de rédaction : Frères des Hommes, avec la participation de Michèle Bruhat
Sources : Daily Times, Dawn, the News International.