Quelle est la conséquence du mouvement social qui prive une partie des automobilistes de leur essence ? Une baisse des émissions de gaz à effet de serre, bien sûr ! Or plutôt que de saluer les travailleurs qui sacrifient leur salaire pour bloquer les dépôts d’essence, plutôt que de féliciter les Français de supporter ce désagrément avec assez bonne humeur, plutôt que de montrer l’exemple en roulant à vélo, que fait le ministre de l’écologie ? Il s’obstine, nuit et jour, à faire venir des carburants de l’étranger. Ce garçon n’a pas son bon sens.
Tenez, le 25 octobre marquait le troisième anniversaire du discours solennel de M. Sarkozy lors du Grenelle de l’environnement mis en musique par M. Borloo. Nous a-t-on bassinés, avec ce Grenelle, des « révolutions » par-ci, des « changements de paradigme » par-là, des « new deals écologiques » en veux-tu en voilà... Eh bien pour l’anniversaire, motus et bouche cousue. Parce que ce fameux « esprit de Grenelle », si utile pour donner, en 2007, une image verte à un gouvernement qui menait en parallèle une politique outrageusement néolibérale (j’écris « néolibérale » parce qu’il paraît que « capitaliste » n’est pas poli), l’esprit de Grenelle s’est évanoui. Pendant ce temps, les riches vont bien, merci.
Que reste-t-il du Grenelle ? Taxe carbone : aux oubliettes. Transports : relance d’un programme autoroutier de 900 km, soutien à la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, lancement de TGV écologiquement discutables pendant que le réseau ferroviaire classique se dégrade, pas de soutien au vélo. Energie : soutien systématique au nucléaire, molle politique d’économie d’énergie, pas de vraie politique de rénovation du bâtiment existant - ah, un point positif : une bonne réglementation thermique pour les bâtiments neufs, c’est toujours ça. Agriculture : maintien pour l’essentiel de la traditionnelle politique productiviste, défiscalisation maintenue d’agrocarburants au bilan écologique négatif. Lutte contre l’étalement urbain : vide sidéral. Révision de l’indicateur du PIB : au placard.
Bien sûr, il y a des points positifs dans cette politique - tel le bonus-malus automobile ou le moratoire sur la culture d’OGM -, cependant minoritaires par rapport au mouvement général. Rien n’est plus intéressant que de se faire raconter par les députés UMP sincèrement soucieux d’environnement (si, ça existe !) leur difficulté à faire avancer quelques pions face à une majorité conservatrice.
On me dit que M. Borloo pourrait être premier ministre. Grand bien lui fasse. Les écologistes ne garderont pas un fort souvenir d’un homme qui sait mieux faire briller les mots que changer les choses.
Hervé Kempf (Chronique « Ecologie »)