Berlin,
En septembre 2005, Oskar Lafontaine, chef du groupe parlementaire de l’Alternative électorale pour le travail et la justice sociale (Wasg), avait envoyé aux 860 membres berlinois de son parti une lettre plaidant pour l’union du Wasg et du Linkspartei (ex-communistes, LPDS) lors des élections du Land de Berlin prévues à l’automne prochain. Enjeu : ne pas compromettre la fusion, au niveau national, du Wasg et du LPDS. Mais ses vœux n’ont pas été exaucés. Deux partis à la gauche du SPD (sociaux-démocrates ayant formé une coalition gouvernementale avec la CDU, parti de droite d’Angela Merkel) se disputeront donc la faveur des électeurs.
Le Wasg berlinois apporte de solides raisons pour justifier sa décision, et il réaffirme qu’il est fondamentalement favorable à la fusion, au niveau national, des deux partis de la gauche alternative. De concert avec certains membres du LPDS, il critique la politique berlinoise du LPDS associé, pour la gestion de ce Land, au SPD. Si, comme le Wasg, le Linkspartei critique, au niveau national, la coalition gouvernementale CDU/SPD, il est beaucoup plus silencieux dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale et, surtout, à Berlin, où il gouverne en alliance avec le SPD, et où il mène une politique d’austérité.
Allié au SPD, le LPDS du Land de Berlin est responsable de la privatisation partielle du service des eaux de Berlin, de la mise en application de la réforme néolibérale dite « Hartz IV », de l’introduction d’emplois au rabais, appelés « emplois à un euro », de la vente à des investisseurs américains de 65 000 logements appartenant à la ville, de la suppression de 15 000 emplois dans les services publics du Land, de la suppression de la gratuité du matériel scolaire dans les écoles, et d’une réduction de 20 % de l’allocation versée aux aveugles.
Depuis que le PDS participe au gouvernement berlinois, sa cote de popularité est tombée de 22 à 10 %. Malgré les slogans utilisés lors des élections de septembre 2005 - qui s’élevaient contre la privatisation des biens publics, contre les dispositions « Hartz IV », contre « les emplois à un euro » et appelaient à une redistribution équitable des richesses du haut vers le bas -, le Linkspartei reste partisan, à Berlin, de la coalition avec le SPD.
La direction du Wasg a commencé à réaliser la fusion avec le LPDS au niveau national. Une candidature indépendante de ses membres à Berlin passe pour une remise en question du projet d’un grand Linkspartei unitaire. L’un des arguments que l’on entend répéter est le suivant : selon l’article 10 du règlement, le statut de groupe parlementaire au Parlement national serait menacé si des candidats issus de ses rangs s’opposaient dans des élections. Mais, selon l’opinion des membres berlinois du Wasg, il ne s’agit là que d’un moyen de pression dissuasif. Il n’est pas question, en effet, d’une alliance comme celle conclue entre la CDU et la CSU (autre parti de droite) au Parlement fédéral, mais d’un PDS rebaptisé qui permettrait à quelques membres du Wasg de se porter candidat sur ses listes.
Dans le doute, il s’agit de peser les avantages et les inconvénients, et ceci ne concerne pas seulement les 860 membres du Wasg à Berlin. Le chef du LPDS, Lothar Bisky, pense que c’est essentiellement en participant au gouvernement qu’on agit en politique. Pour lui, le modèle berlinois de coalition SPD-PDS peut être appliqué au niveau national. Un nouveau parti qui, à peine apparu sur la scène politique, met immédiatement en danger sa crédibilité, aide peut-être certains à faire carrière en politique, mais ils ne constitue, en aucune façon, une alternative sérieuse.