Sils étaient déjà nombreux dans les manifestations et les collectifs antiguerre avant même le début des hostilités, les jeunes continuent à être massivement présents dans le mouvement contre la guerre. Depuis que les Etats-Unis et leurs alliés serviles l’ont déclenchée, les actions spécifiques à la jeunesse sont par ailleurs quotidiennes.
Dès le 20 mars et le début de la busherie, des dizaines de lycées, d’universités ont enregistré des « débrayages ». Les jeunes ont quitté par milliers leurs établissements ou leurs quartiers pour venir exprimer leur rejet de la guerre.
Ils s’organisent
Beaucoup viennent les mains dans les poches aux manifestations, mais nombreux sont aussi ceux qui se sont préparés. Ils ont écrit « Bush assassin », « non à la guerre »... sur des tee-shirt blancs. Parfois, pour symboliser le sang qui coule, le blanc est tacheté de rouge. Ces jeunes ne sont dupes. Ils savent qu’une guerre n’est jamais propre. Quelques-uns ont préparé des banderoles, avec le nom de leur lycée « contre la guerre » ou pour dire « no imperialism ».
Parfois, c’est sans grande illusion sur la suite du conflit qu’ils viennent. Ainsi, Céline, présente à la manifestation étudiante et lycéenne du 25 mars à Paris : « Ça ne sert pas à grand-chose de manifester mais, au moins, on peut dire qu’on n’est pas d’accord. » A l’inverse, selon Marie-Hélène, « c’est important que la jeunesse se mobilise contre la guerre, car on peut l’arrêter si on s’y met tous ». L’état d’esprit n’est peut-être pas homogène, mais le dégoût est généralisé, tout comme l’envie de « faire quelque chose ». Les cours ne sont pas séchés parce qu’en ce début de printemps on serait mieux dehors, mais parce qu’au sein de la jeunesse, l’opposition à la guerre est forte et qu’être dans la rue est « un moyen de montrer notre solidarité au peuple irakien », affirme Ahmed, un lycéen de Seine-Saint-Denis qui a participé au rassemblement « jeune » du 27 mars, place de la République, à Paris.
Les organisations
Toutes les organisations qui sont présentes et interviennent dans la jeunesse participent au mouvement, entendu ici au sens le plus diffus et le moins structuré.
Des tracts de la Fidl (syndicat lycéen) circulent, les autocollants antiguerre de l’Unef s’arrachent. Des membres du réseau lycéen émancipé (né entre les deux tours de l’élection présidentielle), qui avaient organisé l’occupation d’un centre de recrutement de l’armée en février, participent aussi aux manifestations. Dans ces dernières, on voit des drapeaux de SUD-Etudiants, dont les militants expliquent qu’ils refusent « l’union sacrée derrière Chirac, qui ouvre l’espace aérien français aux avions américains ». La structure la plus en vue est Agir contre la guerre (ACG), un regroupement que Rodolphe a choisi parce que « c’est un collectif qui réunit des personnes organisées et d’autres qui ne le sont pas ». Dans ACG, on retrouve en effet des jeunes qui manifestent pour la première fois derrière une banderole clairement identifiée et d’autres qui militent aux Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR), à la LCR, à Socialisme par en Bas (Speb)... Pour Antoine, de Speb et d’ACG, si « on n’est pas opposé au cartel d’organisations, on pense qu’il faut des collectifs de base, pour permettre l’auto-organisation des gens ». Trente de ces collectifs se sont retrouvés à Paris, le 23 mars, pour essayer de mettre en place une coordination nationale.
Si les JCR, la LCR et Speb interviennent par le biais d’ACG, ces trois organisations apparaissent aussi en tant que telles dans le mouvement, où l’on peut voir encore la JC (l’organisation de jeunesse du PCF), les jeunes Verts et le MJS (l’organisation de jeunesse du PS). Dans le cas des deux dernières organisations citées, la présence est cependant plus symbolique qu’autre chose, au moins pour ce qui est des manifestations parisiennes. Ainsi, les quatre militants du MJS, présents à Odéon le 25 mars pour le départ de la manifestation précédemment évoquée, n’ont-ils pas participé au défilé. Ils sont restés, seuls, à Odéon. C’est peut-être cela qui illustre le mieux les rapports du PS aux mouvements sociaux. Il y a des attaches, mais l’esprit et les yeux sont tournés vers autre chose.
Si les manifestations sont nombreuses, d’autres formes d’actions sont organisées. Comme celle du réseau G8 illégal, qui, le 27 mars, a donné des sueurs froides à une police qui a suivi, sans connaître leur destination, 150 jeunes qui ont fini par se coucher devant la direction de l’armée de l’air, pour dénoncer l’hypocrisie d’un Chirac prétendument antiguerre ; un Chirac qui permet aux avions de la mort de traverser l’espace aérien français.
Avec toutes les actions, manifestations... au sein des collectifs, s’enracine un mouvement antiguerre de la jeunesse. Des milliers de jeunes entrent en lutte pour arrêter cette guerre et empêcher toutes les autres promises par Bush. Ils apprennent un mot qui paraissait désuet - « impérialisme » -, un mot et ce qu’il signifie en termes de richesses pillées, de droits bafoués et de sang versé.
Anthony Bégrand