La députée socialiste Danielle Bousquet a demandé, mardi 23 février, au ministre de l’immigration Eric Besson « un moratoire sur les expulsions de femmes étrangères victimes de violences ». Danielle Bousquet, également présidente de la mission parlementaire sur les violences faites aux femmes et instigatrice d’une proposition de loi sur ce thème qui sera discutée jeudi à l’Assemblée, dénonce, dans un communiqué, « l’expulsion de Najlaé, une lycéenne de 19 ans, battue par son frère, vers le Maroc où elle est menacée de mariage forcé ».
Elle rappelle que la proposition de loi propose notamment « que les femmes victimes de violences, françaises ou étrangères, soient égales devant le droit d’être protégées en urgence par une ordonnance de protection » et que « le renouvellement du titre de séjour soit de droit pour les femmes placées sous ordonnance de protection ».
« LES FEMMES RENVOYÉS AU SILENCE »
L’expulsion de Najlae Lhimer a été dénoncée lundi par RESF (Réseau éducation sans frontières). Selon l’association, cette élève au lycée professionnel Dolto à Olivet (Loiret), en France depuis 2005 parce qu’elle a voulu échapper à un mariage forcé dans son pays, est maltraitée régulièrement par le frère chez qui elle réside. Le 18 février, la jeune fille a déposé une main courante au commissariat de Montargis, puis le lendemain elle a porté plainte à la gendarmerie de Château-Renard. C’est là qu’elle est alors placée en garde à vue avant d’être expulsée samedi en direction du Maroc, toujours selon RESF, qui précise que la jeune femme a présenté aux autorités un certificat médical avec une incapacité de travail de huit jours.
La présidente de l’association féministe Ni Putes Ni Soumises Sihem Habchi a qualifié cette expulsion « d’intolérable » : « Les services de l’Etat sont censés renforcer l’accueil des femmes dans les commissariats et les gendarmeries, si les femmes en allant déposer plainte, peuvent se retrouver expulsées, c’est un message qui les renvoie au silence. »
Mardi la préfecture du Loiret a justifié cette expulsion. « Il n’y a pas de problème juridique, les conditions dans lesquelles elle a été interpellée sont régulières » et « la loi a été appliquée », a déclaré le secrétaire général de la préfecture, Michel Bergue. Il a expliqué que la reconduite avait été « rapide » car la jeune fille âgée de 19 ans « avait ses documents de voyage et qu’il y avait un vol » à destination du Maroc.
LE QUATRIÈME CAS EN QUELQUES MOIS DANS LE LOIRET
« Madame Lhimer Najlae n’a pas été interpellée alors qu’elle venait déposer plainte pour violences », affirment cependant les services préfectoraux. Elle se serait présentée à la gendarmerie pour « être accompagnée au domicile de son frère pour y récupérer ses affaires et ses documents d’identité », écrit la préfecture. Les gendarmes lui ont alors signalé qu’elle se trouvait en situation irrégulière, avec une obligation de quitter le territoire français remontant au 24 novembre 2009 et l’ont convoquée vendredi « pour l’examen de sa situation administrative ».
Il s’agit, en quelques mois, du quatrième cas de femme battue menacée d’expulsion ou expulsée dans le Loiret. Comme de nombreux politiques et associations, le sénateur PS du Loiret Jean-Pierre Sueur a lui aussi interpellé le gouverment. Dans des courriers adressés au chef du gouvernement et à différents ministres, il demande que la décision d’expulsion de Najlae Lhimer soit « reconsidérée ». Des manifestations de soutien sont prévues le 6 mars à Château-Renard et le 8 mars à Paris, date de la journée internationale du droit des femmes.