Le 18 mars, comme d’habitude, je suis montée à Paris pour aller commémorer la Commune avec quelques autres membres de l’association qui s’applique à faire vivre sa mémoire. Tous les ans nous défilons dans un lieu de la capitale qui a été témoin des événements de 1871 et c’est à chaque fois un joyeux bordel : on tourne un peu dans tous les sens, on bloque parfois un grand boulevard en pleine heure de pointe, il arrive même qu’on se trompe d’objet de culte comme le jour où, sous une pluie battante au cimetière Montparnasse, on a failli rendre hommage aux communards devant le monument dédié aux morts d’un autre charnier ! Il faut dire qu’en l’espèce, l’Histoire n’est pas avare… Cette année, en souvenir de celui qui a si bien chanté la Commune, la sono de la camionnette tentait de faire entendre Jean Ferrat ; je dis tentait, car comme me l’a fait remarquer mon camarade de rang : « le diamant du tourne-disque doit être un peu usé… ». Cette manif a un charme fou : non seulement on arpente le pavé parisien un drapeau rouge ou noir à la main, mais on se croirait aussi en plein tournage d’un film de Jacques Tati !
En plus de perpétuer l’œuvre et l’idéal de celles et ceux qui « partirent à l’assaut du ciel », l’association a longtemps bataillé pour obtenir à Paris une place de la Commune. Et ça n’a pas été du gâteau puisque il a fallu attendre 129 ans qu’un siècle soit passé et un nouveau millénaire entamé, pour qu’au début de l’an 2000 une place de la Commune puisse enfin être inaugurée sur la Butte aux Cailles.
129 ans… Quand on pense que la dépouille du pape Wojtyla n’était pas encore froide que le maire - socialiste - de la ville de Paris, le citoyen Delanoë, s’empressait de rebaptiser le parvis de Notre Dame « place Jean Paul II » !
Le cœur de la ville Lumière ! Quasi le milieu du monde, le centre de l’univers… Place Jean-Paul II ! Si c’est pas malheureux… Avec un peu d’audace et de poésie, on pouvait tout imaginer pour qualifier ce parvis : place des Révolutions, place des Femmes oubliées, place de tous les Peuples, place des Grands espoirs et des lendemains qui chantent, place des Belles utopies, place de l’Humanité…
Et quand bien même fallait-il absolument honorer la soutane et le goupillon, ne pouvait-il penser, ce premier maire de « gauche » de la capitale, à l’archevêque Romero, à l’abbé Pierre ou mieux encore, au curé Meslier ?
Mais, purée, Jean-Paul II … Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu pour mériter ça !
Ariane Bailat