Dans son texte du 27 février 2010, Hendrik Davi veut donner une cohérence unique à un éventail de débats nourris par la politique électorale du NPA (pour sa part, il milite pour l’unité à la gauche de la gauche et la candidature d’Ilham Moussaïd). Il vise en effet à « définir un nouveau paradigme permettant de changer la société et de sortir du capitalisme ». Rien que cela. Sa polémique multiplie faux procès, allusions assassines et amalgames. Mais il expose parfois clairement ses propres conceptions, notamment sur l’anti-impérialisme. C’est cette question-ci que je veux traiter ici, même s’il y a bien d’autres aspects qui méritent d’être repris.
Pour Hendrik, il y a d’un côté une gauche qui s’empêtre dans le « ni ni » (genre « ni Otan, ni taliban ») et une gauche (la sienne) qui sait à quel point l’impérialisme occidental « doit être notre principal ennemi ». Il y a plus d’une façon de comprendre ce qu’implique cette notion d’ennemi principal. Les conclusions qu’en tire Hendrik Davi s’avèrent malheureusement particulièrement graves. J’espère qu’il ne représente qu’un point de vue très marginal dans notre organisation. Mais il exprime quelque chose de « l’air du temps » qui renvoie à d’importantes controverses. Alors mieux vaut ne pas ignorer cette question.
Pour illustrer son propos, Hendrik se réfère au Hezbollah, au Hamas et aux talibans. Pour illustrer le mien, je ne traiterai que des talibans que je connais mieux.
Pas de « jugement » politique ? « Les choix de ceux qui luttent contre cet impérialisme, note Hendrik, ne regardent qu’eux, il ne sert à rien de les juger ». Cette phrase est consternante. Il est entendu que nous ne sommes pas des « professeurs rouges », des donneurs de leçons faciles. Il faut comprendre ce que chaque combat et chaque mouvement a de spécifique : le Hezbollah n’est pas le Hamas qui n’est pas les talibans. Mais pour cela il faut étudier, analyser, caractériser – et donc donner des éléments de jugement politique.
Les talibans forment un courant intégriste hyper-réactionnaire, xénophobe, obscurantiste, parmi les pires sexistes, particulièrement intolérant, virulemment anticommuniste – et pas anticapitaliste. Encore plus extrême que les wahabbistes, ils imposent à la société un régime de terreur, allant jusqu’à l’interdiction de la musique et l’incendie des boutiques de K7.
Quand on milite, on ne peut échapper sans dommages à la nécessité de définir les mouvements politiques auxquels on est confrontés ; qu’ils soient politico-religieux ne change rien à l’affaire. La tâche peut être ardue et la réalité de ces mouvements peut-être complexe, évolutive… La définition « conceptuelle » des talibans peut être sujette à débat (que sont les fascismes du tiers-monde ?). Mais par le type de terreur qu’ils exercent sur la société, ils occupent une place qui les apparente effectivement aux fascismes ; cette réalité-là au moins n’est pas compliquée à cerner ! Il ne faudrait ni le dire ni en tenir compte ?
Pas de « dénonciation morale » ? Pour Hendrik, « une critique moraliste des mouvements de luttes nationales aide mécaniquement la propagande occidentale et américaine ». De quoi parle-t-on dans le cas pakistano-afghan ? De la subordination radicale des femmes chassées de l’espace public ; de la destruction des écoles pour filles interdite d’éducation ; d’étudiantes aux visages vitriolés parce qu’elle ne sont pas (assez) voilées ; d’une justice expéditive qui, au nom de l’ordre moral, lapide des femmes et égorge des hommes…
Che Guevara aimait citer une phrase de José Marti dans laquelle il voyait “ le drapeau de la dignité ” : “ Tout être humain véritable doit sentir sur sa joue le coup donné à n’importe quel autre être humain ”. Ainsi, internationaliste est celui qui ressent “ comme un affront personnel toute agression, tout affront à la dignité et au bonheur de l’homme, n’importe où dans le monde ”. [6]
Je pensais moi aussi qu’un révolutionnaire devait s’indigner de toutes les oppressions, partout dans le monde. Cela ne semble pas l’opinion d’Hendrik Davi puisque, affirme-t-il, toute critique, toute indignation aideraient « mécaniquement la propagande occidentale et américaine ». Il faudrait donc taire, mentir, abandonner à leur sort les victimes des talibans ? Ce serait vraiment pousser très loin la logique de « l’ennemi principal ».
L’ennemi principal. Nous devons lutter contre notre propre impérialisme, sans concession ; soutenir les luttes de résistance, sans condition. Militant en France, c’est notre première responsabilité. Mais faut-il pour autant oublier que notre « ennemi secondaire » (les talibans) s’attaque à tous les mécréants ? Le LPP au Pakistan se développe dans le Nord-Ouest du pays, où opèrent les talibans. Ces derniers ont déjà tué trois de nos camarades. Faut-il recommander au LPP de renoncer à défendre les populations pachtounes pour ne pas porter ombrage aux « combattants anti-impérialistes » ?
Dans ses Fragments mécréants [7], Daniel Bensaïd a publié un merveilleux poème d’Eric Fried qui vaut bien des traités de stratégie : « Tout à ma lutte / contre l’ennemi principal / j’ai été abattu / par mon ennemi secondaire / non par derrière traîtreusement (…) / mais franchement (…) / et conformément / à ses intentions déclarées » [8]
Dans le Vaucluse, loin de tout danger taliban, Hendrik Davi peut librement jouer avec la notion d’ennemi principal ; cela ne l’engage pas à grand-chose. Mais rares sont les progressistes et les révolutionnaires afghans ou pakistanais– même quand ils sont opposés à l’occupation et à la guerre de l’OTAN – qui peuvent oublier la réalité quotidienne de cette menace.
Le monde réel. On ne saurait aussi oublier que le développement de mouvements fondamentalistes dresse musulmans contre musulmans. Que l’ennemi du fondamentaliste sunnite est le chiite (et vice-versa) bien plus encore que l’Occident. Qu’il plonge les pays musulmans dans des guerres de religion comme la Chrétienté en a jadis connu (bien des attentats au Pakistan illustre dramatiquement cette question). Que la majorité des victimes sont musulmanes et non des soldats des armées impérialistes.
Les cris d’alarme se multiplient, venant du monde musulman lui-même. Ainsi, en décembre 2005, d’Abdurrahman Wahid : « Il est temps que les hommes de bonne volonté de toutes les confessions et de tous les pays reconnaissent qu’un danger terrible menace l’humanité » [9]. L’important ici n’est pas le parcours politique d’Abdurrahman Wahid (dit Gus Dur) et ses contradictions [10], mais ce qu’il représente dans l’islam asiatique et ses traditions laïques. Décédé en décembre 2009, il avait dirigé la principale association musulmane (60 millions de membres) d’Indonésie, à savoir le plus grand pays musulman du monde, avant de devenir le premier président de ce pays après la chute de la dictature Suharto. Ce n’est pas une voix marginale…
Un aparté. Cette alarme sonnant d’Asie concerne-t-elle la France ? Il semble bien que les mouvements fondamentalistes soient effectivement présent ici. Lesquelles et avec quelles force, je n’en sais rien. Mais il ne faut pas les sous-estimer. L’argent de l’Arabie saoudite ou de l’Iran fait des miracles. Quand, à l’occasion d’une manifestation Palestine des groupes de fidèles se mettent à prier sur le trottoir, il ne s’agit pas de l’expression usuelle d’une foi ; dans les rues de Lahore, on ne voit pas les passants s’agenouiller brusquement dans la poussière. Il s’agit d’un geste politique. Mieux vaudrait donc savoir ce qu’il en est.
Je suis certes bien conscient que l’on ne peut pas interpréter de la même façon les manifestations “d’identité” au sein de populations soumises, comme en France, à la stigmatisation anti-musulmane et au racisme anti-arabe, avec ce qui se passe dans les pays musulmans. Je ne prétend pas aborder cette question ici, dans une contribution concernant essentiellement les talibans ! Mais bien des courants fondamentalistes s’organisent sur le plan international et certains ont pris pied en France. Pour qui travaille dans les “quartiers populaires”, il est nécessaire de savoir qui et où – comme il est nécessaire de connaître l’implantation du Front national (où celle de mouvements évangélistes chrétiens d’extrême droite, dans les populations d’origine africaine).
Guerre de civilisation. Nous devons lutter contre l’idéologie de la « guerre de civilisations » si chère à George Bush. L’impérialisme – et singulièrement l’impérialisme états-unien – porte une responsabilité majeure dans la diffusion de ce poison mortel. Mais les talibans ne la combattent pas. Ils s’inscrivent activement dans sa géopolitique, ils s’en nourrissent. On retrouve ici une dialectique particulière du « principal » et du « secondaire ». Les talibans sont des protagonistes d’un terrain de confrontation façonné par l’impérialisme. Ce terrain nous est étranger, mais ils le considèrent leur. Les amis fondamentalistes de Bush et les talibans sont en ce sens des étoiles jumelles.
Se ranger derrière les talibans, c’est se retrouver prisonnier d’une dynamique (la « guerre des civilisation ») que nous combattons farouchement.
Anti-impérialistes ? Il y a des mots dont l’usage finit par obscurcir le sens. C’est le cas aujourd’hui « d’anti-impérialiste » qu’il faudrait manier avec plus de prudence.
L’impérialisme est l’organisation inégalitaire du monde par le capitalisme. A moins de penser que des « bourgeoisie nationales » vont permettre l’émergence d’un autre ordre capitaliste mondial, plus « progressiste », dans quelle mesure peut-on être à la fois « anti-impérialiste » et… procapitaliste ?
La situation est aujourd’hui bien différente de ce qu’elle était dans les années 1960-1970. Le cas des talibans illustre ici aussi les problèmes politiques auxquels nous sommes confrontés. On peut faire une analyse fine des moyens par lesquels les talibans ont pu gagner temporairement un soutien de populations tribales au Pakistan : usage de la radio pour les prêches, pénétrant ainsi le domaine domestique où se trouvent les femmes ; remplacement d’un Etat défaillant en réglant des conflits quotidiens de voisinage que la justice pakistanaise laissait traîner des années durant, etc. Mais là n’est pas l’essentiel.
Les talibans sont avant tout une création des services secrets de l’armée (ISI, Inter-Services Intelligence) qui voulait à Kaboul un gouvernement ami de façon à pouvoir gagner en Afghanistan une « profondeur stratégique » permettant de manœuvrer en cas de conflit avec l’Inde. Les talibans (et d’autres courants fondamentalistes) ont pu ainsi organiser librement des écoles coraniques (madrasas) d’endoctrinement, où les familles pauvres mettaient leurs enfants faute de meilleure possibilité. Avec l’appui d’Islamabad, ils ont gagné le pouvoir en Afghanistan et n’ont pas été « anti-impérialiste » jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001 et l’intervention de l’OTAN sous tutelle états-unienne.
Le 11 septembre 2001 a créé une situation nouvelle forçant l’armée pakistanaise à jouer double jeu envers les talibans. Pour résumer, elle s’oppose aujourd’hui aux formations talibanes qui opèrent au Pakistan tout en protégeant celles qui, bien que basées dans les zones tribales pakistanaises, n’opèrent militairement qu’en Afghanistan. D’où des tensions avec Washington quand la ligne états-unienne est celle de l’offensive militaire, qui s’apaisent temporairement quand les USA approuvent l’ouverture de négociations avec les « bons » talibans en Afghanistan.
Tout cela n’a décidément pas grand-chose à voir avec le nécessaire combat anti-impérialiste.
Emancipation. Hendrik Davi conclut son texte par une énumération composite de ce que serait aujourd’hui « le nouveau sujet porteur d’émancipation », à même d’envisager ensemble « la sortie du capitalisme » : « C’est cette unité là qu’il nous faut reconstruire ». Je ne vais pas entrer ici dans le détail de l’énumération, mais, à moins de sombrer dans un « post-modernisme » caricatural, il faut s’attaquer à la question : comment constituer cette unité ? Etrangement, dans son dernier paragraphe, Hendrik Davi ne mentionne pas explicitement ce qui semble pourtant découler de source : dans un combat anticapitaliste commun.
Le combat politique se mène sur tous les terrains, de la culture aux oppressions, chacun de ces terrains ayant un rôle propre dans la construction des alternatives. Mais on ne peut « sortir du capitalisme » sans mobiliser sur des « contradictions motrices » qui pèsent d’un poids majeur dans la transformation des sociétés. Vu le sujet qui nous occupe ici (les talibans…), je vais en choisir deux, sachant qu’il y en à d’autres comme les rapports sociétés humaines/nature (domaine de l’écologie politique).
La contradiction de classe. Elle reste au cœur du mode de production capitaliste. Or, les mouvements islamistes en général, et les courants fondamentalistes en particulier, défendent l’unité de leurs communautés de croyants. Ils ne veulent pas qu’elles se divisent selon des lignes de partage sociales – et se rangent face à ce risque du côté des possédants. A l’inverse, nous construisons l’unité des exploités par-delà les frontières communautaires.
La contradiction de genre. Le féminisme ne concerne pas un « secteur » d’intervention parmi de nombreux autres. Il concerne la condition faite à la moitié de l’humanité, présente dans tous les secteurs, et il s’attaque à une oppression particulièrement ancienne et universelle. Le féminisme débusque donc le patriarcat dans toutes les sphères de la société, y compris les idéologies dominantes – dont les religions. Le féminisme « de lutte de classe » comme nous disions permet de lier l’une à l’autre les deux « contradictions » mentionnées ici.
Nous seulement des courants comme les talibans préservent des rapports d’exploitation capitalistes (voire féodaux), mais ils aggravent des modes d’oppression (y compris tribaux) déjà extrêmes. [11] Non seulement ils n’ont pas le même « projet de société » que nous, mais ils s’opposent frontalement à des combats dans lesquels nous sommes dès aujourd’hui engagés.
Religion des pauvres ? Des mouvements « à définition religieuse » comme on dit aujourd’hui peuvent combattre l’ordre établi ; mais dans ce cas, ils s’opposent aux classes dominantes et à la hiérarchie de leurs églises. Cela se voit. En ce domaine, l’organisation la plus connue en Asie (pour nos générations) fut celle des Chrétiens pour la libération nationale (CNL) aux Philippines (le seul grand pays d’Asie majoritairement christianisé), de la « théologie de la lutte » identifiée à Ed dela Torre. Sous la dictature Marcos, dans les années 70, les CNL sont entrés dans la clandestinité et la lutte armée, ils ont cofondé le Front national démocratique dirigé par le Parti communiste des Philippines (maoïste).
Dans le monde musulman asiatique, le Sarekat Rakyat (SR) représente probablement l’un des exemple les plus importants de radicalisation anticolonial et anticapitaliste d’un courant islamique, étant une scission de gauche du Sarekat Islam (SI). Le SI avait été l’une des sources de la base de masse du jeune Parti communiste indonésien (PKI), mais la rupture entre les deux organisation s’est précisément faite en 1923 sur la question de la lutte de classe et de l’autonomie des mouvements de masse par rapport aux élites sociales.
Il semble plus difficile de trouver des mouvements de ce type et d’une importance équivalente au Pakistan, encore que Tariq Ali mentionne à ce sujet le « calibre » de musulmans radicaux comme Mahmud Hasan et Obeidullah Sindhiau au début du XXe siècle (bien avant la partition de l’Empire britannique des Indes). [12] Pour l’Afghanistan, j’avoue mon ignorance à ce sujet.
Nous ne sommes malheureusement plus dans les années 1960-1970. Aujourd’hui, les mouvements du type « théologie de la libération » sont très faibles. [13] En revanche, la réaction se renforce dans toutes les religions que nous évoquons (catholicisme, protestantisme, judaïsme, bouddhisme, hindouisme, islam…). Les talibans représentent un versant extrême de ce processus.
Qui soutenons-nous en Afghanistan et au Pakistan ? Certains ont proposé la constitution d’un « front anti-impérialiste » mondial alliant extrême gauche et islamistes musulmans, y compris fondamentalistes. J’y suis opposé. J’espère qu’Hendrik Davi aussi
Nous devons en revanche soutenir des organisations comme l’Association des femmes d’Afghanistan (Rawa, Association of the Women of Afghanistan) [14], des personnalités militantes comme Malalai Joya, des mouvements comme l’Organisation révolutionnaire des travailleurs afghan (ALRO, Afghan Labour Revolutionary Organization) ou d’autre groupes politiques issus notamment du maoïsme, les étudiants en lutte... Au Pakistan, des partis comme le Parti des travailleurs (LPP, Labor Party Pakistan) et les mouvements sociaux (syndicats, associations paysannes, organisations femmes…) qui poursuivent au quotidien combat de classe et féministe...
Hendrik Davi propose-t-il que nous soutenions à la place les talibans – qui menacent de mort nos camarades ?
Lutter sur deux fronts. Tout le texte d’Hendrik Davi vise à dénigrer la politique du « ni ni ».
Pourtant, nous sommes bien souvent amener à nous battre sur deux fronts (au moins). Il n’y a rien d’étrange ni de honteux à cela. Le monde ne se réduit pas à deux camps, nous n’avons pas qu’un seul ennemi, nous ne faisons pas face à seul danger.
Ceux que nous devons soutenir en Afghanistan et au Pakistan luttent bien sur deux fronts. Contre l’impérialisme américain et les régimes dictatoriaux. Contre l’OTAN et les talibans. Contre l’armée et les fondamentalistes. Contre l’OMC et les élites féodalo-bourgeoises dans leurs propres pays. Contre la « guerre de civilisation » et le patriarcat. Hendrik Davi le leur reproche-t-il. ?
L’internationalisme ne se résume pas à combattre notre impérialisme. Il exige aussi le soutien aux luttes d’émancipation démocratique et sociale dans le monde. Hendrik Davi croit-il vraiment que les talibans sont une force d’émancipation ?
Si j’enfonce ainsi le clou, c’est que ces questions exigent véritablement clarification.
Pierre Rousset
Annexe : Hendrik Davi par lui-même
Voici intégralement les parties du texte d’Hendrik Davi discuctées ci-dessus.
Surmonter deux débats pour la gauche anticapitaliste
Les élections régionales sont déjà marquées par le débat autour du voile et l’absence d’unité à gauche du PS dans la plupart des régions. Revenons sur ces deux grandes questions qui structurent la gauche radicale française : (i) les questions relatives à l’immigration et à l’islamophobie montante depuis 2001 et (ii) la stratégie vis-à-vis des institutions et le rôle des élections. Ces deux débats sont en partie orthogonaux et ils ne dessinent pas les mêmes clivages : au sein de chaque parti, les « affaires du voile » et la question de l’unité aux élections produisent des divisions aux géométries totalement différentes. Mais si ces divergences sont réelles et ont des racines historiques très lointaines, nous devrons les dépasser pour ensemble définir un nouveau paradigme permettant de changer la société et de sortir du capitalisme.
Je fais ici un constat engagé, assumée comme étant non neutre, membre du NPA, j’ai milité depuis 2005 pour l’unité à la gauche de la gauche et sur la seconde question j’ai défendu Alma et Lila en 2003 et Ilham Moussaïd en 2010….
(…)
Partie II : La question coloniale
La question coloniale aujourd’hui se traduit pas trois débats en apparence distincts mais qui de mon point de vue se rejoignent :
1/ Les nouvelles guerres impérialistes (Irak 1, Serbie, Afghanistan, Irak 2, Iran, Palestine)
Il y a eu un consensus entre la gauche libérale et la droite sur la légitimité des nouvelles guerres impérialistes (sauf pour la seconde guerre d’Irak). Consensus bien compréhensible pour des défenseurs du capitalisme vu l’importance économique (pétrole) que revêtent les régions touchées par ces guerres. Mais au sein de la gauche radicale il existe aussi des divergences importantes même si elles n’apparaissent pas clairement. En effet, une partie considère que l’impérialisme occidental et ces intérêts politico – économiques expliquent en grande partie tous ces conflits et cet impérialisme doit être notre principal ennemi. Les choix de ceux qui luttent contre cet impérialisme ne regardent qu’eux, il ne sert à rien de les juger. Cette première position suit finalement (parfois sans le savoir) une ligne matérialisme radicale héritière de Marx. Selon cette position, ce n’est pas en jugeant l’orientation du Hamas, que l’on aide les palestiniens, par contre une critique moraliste des mouvements de luttes nationales aide mécaniquement la propagande occidentale et américaine. Donc le jugement moral de tel ou tel groupe qui lutte contre l’impérialisme dans son pays n’apparaît pas d’une grande utilité. Une seconde position existe, elle est l’héritière de la gauche réformiste radicale ou des anarchistes. Pour elle, la dénonciation morale et idéaliste de « quelque chose de mal » est une absolue nécessité. Du coup, cette gauche là est à la fois contre la guerre en Afghanistan et contre les talibans, contre la politique des colonies israéliennes et contre le Hamas ou le Hezbollah, et contre l’invasion américaine mais contre Saddam Hussein. Cette politique du « ni ni » et du « contre contre » est peut être théoriquement juste mais elle mène à une certaine forme de relativisme et s’insère hélas assez bien dans la logique de guerre des civilisations promue par la droite américaine. Ce point de vue aussi prend ces racines dans l’attitude vis-à-vis de la colonisation. Rappelons qu’ « en 1956 encore - c’est-à-dire deux ans après le déclenchement de l’insurrection nationale en Algérie - le PC continuait à demander le maintien de l’Algérie dans l’Union française et se prononçait contre l’union de l’Algérie avec la Tunisie et le Maroc indépendants au sein d’un Maghreb arabe ». [1]
(…)
Partie III : Quelles stratégies pour sortir du capitalisme ?
(…)
Enfin, nous ne savons pas exactement comment nous nous débarrasserons de ce système, mais l’hypothèse la plus probable demeure un début de révolution par les urnes. J’ai un rêve : Des luttes de masses, des émeutes, des travailleurs solidaires, une auto-organisation à la base dans tous les quartiers, et l’élection d’un gouvernement de gauche radicale s’engageant à rompre avec le libéralisme, le racisme et le colonialisme et envisageant la sortie du capitalisme…C’est un rêve mais ce scénario a déjà eu lieu ailleurs, après Allende, Chavez et Morales ont été vecteur d’espoir, ne les laissons pas seuls face à l’impérialisme, car la révolution sera mondial ou ne sera pas et toute révolution partielle finira dans la barbarie….
Pour cela il nous faudra donc dépasser toutes nos divisions et définir le nouveau sujet porteur d’émancipation : c’est le faucheur OGM, la croyante musulmane militant pour la Palestine, le chrétien qui aide le sans papier, le syndicaliste de chez total, le leader kanak ou guadeloupéen, l’infirmière intérimaire, le postier gréviste, l’incendiaire de voitures, l’autonome émeutier lors des G8, le paysan bio organisant sa distribution autour d’une AMAP, les associatifs aidant les enfants des quartiers, les femmes battues ou les gitans, l’intermittent du spectacle…
C’est cette unité là qu’il nous faut reconstruire, reste à définir les moyens pour y parvenir. Pour cela, il nous faut redéfinir notre but et esquisser des ébauches de la société future que nous souhaitons. Mais nous devons aussi revoir nos méthodes : le respect des uns et des autres, l’unité d’action la plus large, la démocratie, la transparence, la mise en mouvement du plus grand nombre et la solidarité face à la répression. Vaste chantier dans champ de ruines et d’espoirs.
Hendrik Davi, 27 Février 2010.
1. http://www.vacarme.org/article143.html#nb1