New Delhi Correspondance
Avec une hausse, cette année, de 30 % du nombre d’exposants au salon international des armements terrestres et navals Defexpo, qui s’est tenu à New Delhi du 15 au 18 février, le marché indien de la défense suscite les convoitises.
Le ministère indien de la défense, A. K. Antony, a annoncé début 2010 que l’Inde dépenserait 50 milliards de dollars (37 milliards d’euros) d’ici à 2015 pour « moderniser et équiper » une armée qui compte près de 1,1 million de soldats. Le renouvellement de ses équipements qui, pour la plupart, ont été importés de Russie, d’Israël, d’Angleterre ou de France dans les années 1970 et 1980, a longtemps été reporté, notamment en raison des soupçons de corruption qui ont retardé des appels d’offres.
Les besoins en équipements militaires de l’Inde sont d’autant plus pressants que le pays compte à ses frontières deux rivaux, le Pakistan et la Chine. Les attaques terroristes de Bombay en novembre 2008 ont mis en lumière la vulnérabilité de sa défense maritime. Un appel d’offres portant sur l’acquisition de 126 avions de combat (environ 10 milliards de dollars), auquel Dassault a répondu, est en cours. Le fabricant d’hélicoptères Eurocopter, filiale de l’européen EADS, a indiqué mardi qu’il avait déposé plusieurs offres pour remporter des marchés estimés entre 7 milliards et 8 milliards de dollars.
L’Inde, qui importe 70 % de son matériel militaire, veut passer d’une relation de « clients à fournisseurs », à une relation de « partenariat ». « Le développement d’une production nationale dans le secteur de la défense constitue maintenant la priorité du gouvernement », a déclaré Raj Kumar Singh, secrétaire d’Etat indien à l’industrie de la défense, lors de l’inauguration de Defexpo. Le pays veut « indianiser » son équipement au travers de partenariats avec des entreprises étrangères avec, à la clé, des transferts de technologie. Actuellement, la part de production locale exigée par l’Inde dans un contrat passé avec une entreprise étrangère est de 30 %. Mais elle pourrait passer à 70 % d’ici à fin 2010. Un objectif jugé « trop ambitieux » par Xavier Marchal, directeur en Inde du constructeur français de navires militaires DCNS, du fait de la « faiblesse du tissu industriel indien dans le secteur, et leur relatif manque d’expérience ».
« Beaucoup de patience »
Le gouvernement indien veut aussi renforcer la part du secteur privé dans la production d’armement, qui ne représente encore que le cinquième du chiffre d’affaires du secteur. Des conglomérats du pays ont annoncé leur intention de pénétrer ce marché. Mahindra & Mahindra a signé un accord de partenariat avec le britannique BAE Systems. Il va investir 21,2 millions de dollars sur trois ans dans la construction de blindés. Larsen & Toubro va moderniser les tanks T72 de l’armée indienne en partenariat avec l’américain Raytheon. Enfin, Mata Motors a présenté au salon son premier véhicule blindé de combat d’infanterie.
Environ vingt-cinq entreprises françaises étaient présentes sur le salon. Le français DCNS, qui construit déjà six sous-marins en partenariat avec le chantier Mazag Dock Ltd, espère remporter un contrat portant sur dix-huit autres navires. Nexter, ex-GIAT Industries, devrait bientôt répondre à un appel d’offres portant sur l’achat de systèmes d’artillerie (1,5 milliard d’euros). Le groupe public d’armement terrestre, qui ne réalise qu’une dizaine de millions d’euros de chiffre d’affaires dans le pays, espère y multiplier par dix ses revenus à l’avenir. « L’Inde exige beaucoup de patience, et il faut envisager des investissements à long terme pour pénétrer ce marché faramineux », estime l’un de ses représentants.
Julien Bouissou