Le 17 janvier, Rosarno, en Calabre, les blessures infligées à des migrants ont déclenché la révolte des travailleurs saisonniers employés dans la récolte des agrumes. Hélas, ce n’était pas la première agression !
A Rosarno, des faits analogues s’étaient déjà produits en décembre 2008. Des groupes appartenant à la N’dragheta, la mafia calabraise, s’étaient exercés dans un macabre tir au pigeon en tirant au fusil à air comprimé contre des migrants.
Toujours en 2008, en septembre, l’exécution de six travailleurs immigrés par des membres de la Camorra, la mafia napolitaine, à Castel Volturno, en Campanie avait mis en lumière la nature violente du système de contrôle et de gestion de la main d’œuvre migrante et précaire.
Ils ont osé garder la tête haute !
Mais cette fois, les migrants, en grande majorité africains, ont refusé de continuer à subir : ils sont descendus dans les rues avec une détermination et une volonté de lutter qui en ont surpris plus d’un. L’organisation spontanée de ces travailleurs a mis sur leurs gardes les groupes criminels, le gouvernement et les appareils répressifs de l’Etat qui se sont lancés dans une surenchère de racisme institutionnel et d’exacerbation du racisme populaire. L’opération a réussi. Les immigrés se sot retrouvés pris entre deux feux : l’Etat et ses pouvoirs répressifs d’un côté et, de l’autre, des secteurs des populations locales excédées par la crise.
Ceux qui ont invoqué l’intervention de l’Etat ont été servis : c’est en masse que les migrants de Rosarno ont été déportés dans ces véritables prisons ethniques que sont les Centres d’identification et d’expulsion. Une fois identifiés et expulsés sur ordre du ministre de l’Intérieur Maroni, de la Lega Nord, ces migrants qui ont osé garder la tête haute ne pourront plus avancer de prétentions d’être payés pour le travail particulièrement dur qu’ils nt fourni dans les campagnes de Rosarno.
L’intervention convergente du gouvernement et de la N’dragheta se sera ainsi soldée à l’avantage de tous ces entrepreneurs qui ne voulaient plus payer les immigrés « clandestins ». Voilà une fois encore démontrée la complémentarité dans de vastes territoires de l’Italie du Sud entre l’Etat, le gouvernement et l’action des organisations criminelles.
Laboratoires de l’exploitation sans limites
Durant la saison de la récolte des agrumes, beaucoup de régions de Calabre et de Campanie deviennent de vrais laboratoires de l’exploitation de la force de travail migrante sous la surveillance armée des différentes « familles » du crime organisé.
En effet, les différentes lois sur l’immigration promulguées ces dernières années aussi bien par les gouvernements de centre-gauche que par le centre-droite subordonnent l’octroi d’un permis de séjour à l’obtention d’une place de travail. Privant les migrants des droits les plus élémentaires, ces lois sont fonctionnelles à la poursuite de l’exploitation de la force de travail migrante.
L’ « usine verte » qu’est devenue l’agriculture de l’Italie du Sud, celle dans laquelle ont reflué les travailleurs licenciés des entreprises du Nord, ne pourrait pas fonctionner sans ceux qui sont prêts à accepter n’importe quel travail et à n’importe quelles conditions, sésame indispensable pour obtenir un permis de séjour attendu depuis des mois. Elle ne pourrait fonctionner sans ceux qui perdent leur permis de séjour, sans ceux qui ne l’obtiendront jamais à cause du système des quotas, sans ceux qui attendent l’asile, qui sont criminalisés et frappés de l’infamante définition de « clandestin ».
… y compris par la grève !
La réponse à ce qui s’est passé à Rosarno ne peut se contenter d’appels à la solidarité avec les immigrés. La solidarité doit aller au-delà d’elle-même et impliquer toutes les travailleuses, tous les travailleurs, qu’ils soient italiens ou migrants.
S’inspirant de l’appel lancé en France par les associations antiracistes, les structures de lutte des migrants, protagonistes de plusieurs luttes au cours de ces dernières années, organisent une journée nationale de mobilisation le 1er mars. Et, cette fois, la mobilisation ne devrait pas hésiter devant l’organisation de grèves dans les secteurs productifs qui emploient un nombre important d’immigrés.
Felice Mometti