En France comme dans d’autres pays (Japon, Grande Bretagne par exemple), le projet de privatisation de la Poste suscite des mobilisations. En France, la mobilisation s’est organisée depuis plus d’un an, depuis que le gouvernement a annoncé à l’automne 2008, en pleine crise financière, un projet de changement de statut de La Poste, premier pas vers sa privatisation. Ce projet rencontre une opposition déterminée des usagers et des élu-es locaux, en même temps que des postier-es. Mais le gouvernement Sarkozy joue les rouleaux compresseurs. Les mobilisations en cours sont significatives de l’attachement des populations aux services publics et de leur conscience des dégâts du libéralisme.
Une « vraie » privatisation
Conscient de la popularité de services publics, et en particulier celui de La Poste, le gouvernement ne cesse de marteler qu’il ne s’agit que d’un changement de statut qui n’aurait rien à voir avec une privatisation ! La Poste est actuellement un Etablissement Public et le projet de loi la transforme en Société Anonyme de droit privé. L’Etat dans un premier temps conservera le contrôle de la Société Anonyme. Personne ne peut croire aux bonnes intentions du gouvernement. Chaque fois qu’ils ont privatisé un service public, les gouvernements ont procédé en plusieurs étapes : transformation en Société Anonyme, puis ouverture du capital à des actionnaires privés, avant que l’Etat ne devienne minoritaire dans le capital.
A chaque fois, que ce soit pour France Télécom en 1996 ou pour EDF GDF en 2005, les gouvernements ont juré que jamais il n’y aurait de privatisation. C’est pourtant ce qui s’est passé durant les années suivantes. Alors, aujourd’hui, personne ne croit le gouvernement lorsqu’il dit que la Poste ne sera pas privatisée. Et son caractère de service public de proximité, l’implantation partout sur le territoire, y compris en zone rurale, l’image du facteur font que cette privatisation passe particulièrement mal.
Lutter avec le soutien des usagers
Des privatisations précédentes de services publics, nous avions tiré le bilan qu’on ne pouvait pas gagner par la seule mobilisation des postier-es mais qu’il fallait associer les usagers. Un Comité national contre la privatisation de La Poste (rassemblant plus de 60 organisations syndicales, associatives et politiques) s’est constitué pour exiger un débat public et un référendum sur le service public postal, en s’appuyant sur des nouvelles dispositions existant dans la Constitution française, mais jamais mises en œuvre.
Il est inacceptable que le gouvernement décide pour le seul profit de futurs actionnaires privés. Les populations doivent pouvoir décider de ce qui les concerne. Le gouvernement a fait la sourde oreille et s’est contenté de créer une commission de soi-disant experts qui a entériné son projet. Le gouvernement a laissé passer les élections européennes du printemps dernier pour éviter que la campagne électorale ne soit parasitée par le débat sur la privatisation de La Poste.
Au lendemain des élections européennes, le gouvernement s’est empressé de déposer son projet de loi de changement de statut de la Poste, en plein mois de juillet 2009.
Une mobilisation citoyenne exemplaire le 3 octobre 2009
Face à un tel mépris, l’ensemble des organisations du Comité National ont décidé d’organiser elles-même une consultation populaire sur le projet de loi du gouvernement avec l’appui des municipalités et des élu-es qui le souhaitaient. Les populations et les élu-es locaux se sont emparés de cette initiative pour exprimer leur ras-le-bol de la dégradation des services publics, non seulement du service public postal mais aussi des services publics de santé ou de l’éducation.
Malgré le caractère non officiel de la consultation, malgré son caractère largement improvisé, plus de 2,3 millions de personnes ont participé au vote et se sont prononcés contre la privatisation de la Poste. Beaucoup d’élu-es locaux et même de simples citoyens se sont organisés eux-mêmes pour que le vote puisse avoir lieu dans leur commune ou encore dans leur entreprise. Le président de la République a refusé d’entendre le vote populaire. La seule réaction a été de tourner en dérision l’organisation du vote et d’annoncer le calendrier des débats parlementaires pour l’examen du projet de loi, début novembre au Sénat et mi-décembre à l’Assemblée Nationale.
La majorité parlementaire au Sénat a voté comme un seul homme le projet de loi malgré la bataille acharnée de l’opposition de gauche et les multiples interrogations qui traversaient les élu-es de droite...
La mobilisation s’est poursuivie en novembre et décembre avec un envoi massif de cartes postales au Président de la République (5 millions de ces cartes ont été diffusées dans toute la France), des rassemblements et des manifestations de rue.
Du côté des postiers Parmi les postier-es, personne ne se fait d’illusion sur les éventuels bienfaits de la privatisation. Deux grèves en septembre 2008 puis en septembre 2009 ont été parmi les grèves nationales les plus fortes de ces dernières années et ont montré très clairement l’opposition des personnels à la privatisation. Une intersyndicale a réuni les cinq principaux syndicats de la Poste SUD, CGT, FO, CFTC et CFDT, situation peu courante à la Poste où la règle est la désunion syndicale, du moins à l’échelle nationale. Mais cette intersyndicale est très fragile car la CFDT refuse tout appui sur la mobilisation citoyenne et est très loin de s’opposer vraiment au changement de statut. Et certaines organisations, surtout la CGT, refusent de rompre avec la CFDT et cherchent sans arrêt des compromis avec cette organisation.
SUD Ptt, après la réussite des grèves de 24 heures, a proposé à l’intersyndicale de travailler à une grève reconductible, s’appuyant sur les mobilisations et les manifestations de la population, pour obliger le gouvernement à retirer son projet, Mais l’intersyndicale n’a pu se mettre d’accord sur cette proposition : la CGT s’y opposant fermement. Dans ces conditions, la dernière grève appelée à La Poste a été plus faible et le risque est grand que le gouvernement réussisse à faire voter cette privatisation avant le 1er janvier 2010.
Un service public qui devient une entreprise comme les autres
Au jour le jour, les postier-es subissent la transformation de La Poste en une entreprise comme une autre, d’abord soucieuse de profit et de rentabilité au détriment des usagers et du service public. Le nombre de bureaux de poste a été réduit de plusieurs milliers et un service réduit est de plus en plus assuré par des commerçants ou par les communes. La démarche est de réduire les coûts d’exploitation par l’intensification du travail et des cadences et de diminuer le nombre des emplois. Les réorganisations se multiplient avec pour les postier-es, des changements incessants d’organisation du travail, des changements d’emplois et de métier, des mobilités géographiques pas vraiment volontaires.
Stopper le libéralisme
Le rouleau compresseur de la libéralisation et de la mise en concurrence des activités de service public est lancée, même si l’activité de La Poste n’est pas une activité à forte valeur ajoutée. Le dumping social est à l’œuvre et un des principaux concurrents de La Poste, Alternative post vient de mettre la clé sous la porte faute de rentabilité, jetant à la rue plusieurs centaines de salarié-es du jour au lendemain. Seule la mobilisation unie des salarié-es, des usagers, des populations permettra de stopper le libéralisme.
Fédération SUD - PTT
Décembre 2009