Le 25 janvier, sur TF1, Sarkozy a retrouvé son rôle préféré, celui du bonimenteur, pour tenter de vendre sa politique alors que commence la campagne des élections régionales. Démagogue, paternaliste, revêtant les habits usés du candidat de la « France qui se lève tôt », il a joué d’une fausse compassion, triste masque du cynisme et de l’arrogance d’une politique au service des classes privilégiées.
Malgré la mise en scène taillée sur mesure pour la com’ du président et les banalités distillées par Jean-Pierre Pernaut, animateur du débat, la véritable situation et les difficultés du monde du travail se sont invitées sur TF1. Jean-Georges, retraité de 68 ans, doit vivre avec 410 euros par mois auxquels s’ajoutent 1.000 euros par trimestre. Il a dû reprendre un petit boulot, trois jours par semaine, pour s’en sortir. Marguerite Gauthier a 58 ans, son mari est au chômage : « Que faire pour l’emploi des plus de 55 ans ? » « Tous nos efforts sont mobilisés là-dessus. Mais il faut travailler plus, il faut que les magasins soient ouverts le dimanche », répond le bonimenteur ! À Bernadette, employée d’une grande surface, qui n’arrive pas à joindre les deux bouts, il demande son régime fiscal ! Pierre Le Menahes fustige « les grandes surfaces qui font aussi la misère des producteurs de lait » faisant écho à Sophie Poux, une productrice du Tarn, au salaire réel de « zéro euro », obligée d’emprunter pour « nourrir sa famille cette année ». Pierre Le Menahes est ouvrier dans l’automobile, syndiqué à la CGT. Il dénonce les délocalisations. « Monsieur, on peut avoir des désaccords mais convenez que le plan de soutien à l’automobile a protégé l’emploi », répond Sarkozy. « Non, ça n’a pas servi l’emploi, sinon ça se saurait. Et ça, c’est la France qui se lève tôt, Monsieur Sarkozy » lui répond Pierre pour enchaîner : « À aucun moment vous n’avez évoqué la situation des actionnaires qui, eux, au niveau des profits, c’est extravagant ». « Le problème des salaires, c’est que vous ayez de bons patrons. Je préfère un bon patron bien payé, qu’un mauvais patron mal payé » pontifie, creux, Sarkozy pour rajouter, démagogue : « La question des salaires est très importante parce qu’elle choque les gens. Vous savez ce qui me choque comme salaires, c’est les salaires mirobolants de certains footballeurs ou de certains sportifs » ! Ce qui ne l’empêche pas de justifier les 1,6 million d’euros annuels à EDF d’Henri Proglio…
Martine Millet, infirmière dans un service d’urgence à Argenteuil depuis 20 ans, qui dénonce la « dégradation des conditions de travail [qui oblige] à soigner des gens dans les couloirs », n’aura d’autre réponse qu’une invitation à partir à la retraite cinq ans plus tard. Face à un enseignant qui évoque le manque de moyens accordés à l’école, Sarkozy provoque : « Il faut moins de fonctionnaires, mieux payés, moins précarisés ». En fait, moins de fonctionnaires, moins payés ! Et quand Rex Kazadi, infographiste à Villiers-le-Bel, interroge : « Que devient le plan Marshall des banlieues de Fadela Amara, qui devait tout changer en banlieue ? » Sarkozy tergiverse, noie le poisson, se dérobe pour broder autour de la création d’internats d’excellence… Toutes les ficelles éculées du discours officiel y passent, la « moralisation du capitalisme », les 35 heures qui ont été « catastrophiques », la démagogie anti-immigrés à propos des 123 Kurdes qui « seront raccompagnés chez eux » ou le débat sur l’identité nationale. « La France restera en Afghanistan parce que si on s’en va, on va laisser le pays aux talibans » affirme doctement Sarkozy.
« Personne ne sera abandonné »
Sur les retraites, prudent, il se veut consensuel. « avant la fin de l’année, nous aurons pris les décisions qu’il faut. Il faut trouver des solutions (...). J’aimerais le consensus le plus large possible. La perspective d’un allongement des durées de cotisation est une perspective sur laquelle nous travaillons. » En imposant la question des retraites dans la campagne électorale des régionales, Sarkozy cherche à mettre le PS en difficulté pour poser comme défenseur de « l’intérêt » général. Il prend son temps pour mieux faire tomber son opposition parlementaire dans le piège de ses capitulations et les directions syndicales dans celui des reculs et concessions antérieures. Son objectif ? Les faire plier devant ses propres choix.
Faux fuyants, phrases creuses, cynisme mais aussi mensonges évidents. « Dans les semaines et mois qui viennent, vous verrez reculer le chômage […] dès cette année » dit-il tout en sachant que toutes les grandes entreprises et les administrations ont planifié licenciements et réductions du personnel. « Personne ne sera abandonné » dit-il à propos du million de chômeurs qui vont arriver en fin de droit en 2010 alors que la majorité d’entre eux n’aura même pas droit au RSA. « La France n’a pas besoin d’assistanat » assène-t-il. Sauf le patronat, aurait-il dû ajouter. « Je ne peux pas dire oui à tout le monde », certes, et tout le monde avait compris que, pour dire oui au patronat et aux banques, Sarkozy disait non aux classes populaires. Nul besoin pour nous en convaincre de deux heures d’autosatisfaction provocante. L’exaspération qui a réussi à s’exprimer dans le cadre artificiel du plateau de TF1 saura trouver les moyens de s’exprimer dans le vrai monde du travail et des luttes, y compris en utilisant les élections à venir.
Yvan Lemaitre
Henri Proglio, libéralisme d’Etat
L’affaire Proglio révèle à quel point les frontières déjà bien minces entre l’État et les grands groupes privés sont en train de disparaître complètement.
Lors de son show télévisé de lundi, Sarkozy n’a pas laissé paraître le moindre trouble sur l’affaire Proglio. « Pendant quelques mois, a-t-il affirmé, il sera président non exécutif de Veolia [...] et lorsque la transition sera faite, il se consacrera à 100 % à ses fonctions ». On ne pouvait manifester plus grande indifférence à l’émotion suscitée par le double salaire d’Henri Proglio (1,6 million d’euros d’EDF et 450 000 de Veolia) et sa double casquette de PDG de ces deux groupes, à la tête de 500 000 salariés.
Peu de temps auparavant, Proglio, nommé fin novembre à la tête d’EDF tout en gardant ses fonctions à Veolia, a renoncé aux 450.000 euros. Il gardera néanmoins une retraite chapeau de Veolia de 13,1 millions d’euros et cinq plans de stock-options dont la valeur n’a pas été révélée.
Pour prendre la tête d’EDF, Proglio avait posé comme condition d’avoir un salaire équivalent à celui qu’il touchait comme PDG de Veolia. À l’époque, fin novembre 2009, François Fillon avait trouvé cela « tout à fait normal ». Quant à la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, elle a justifié la semaine dernière à l’Assemblée nationale le double salaire, sous les huées d’une partie du PS et même de la droite : « Le président d’EDF n’est pas payé plus que quand il était patron de Veolia.
Il faut se rendre à la réalité : il y a un marché, des concurrents, un monde qui a changé ! »
Le gouvernement a donc reculé sans reculer. Proglio reste à la tête et d’EDF et de Veolia, de même que Mestrallet est à la tête du groupe GDF-Suez, avec un salaire de plus de 3 millions d’euros. Veolia est issu de Vivendi Environnement, venant lui-même de la Générale des Eaux, tout comme Suez. Vivendi et Suez ont été les grands bénéficiaires de juteux marchés publics que l’État et les collectivités locales leur ont offerts dans les années 1980-1990, générant au passage nombre d’affaires de corruption qui ont mis en cause le personnel politique.
Les voici maintenant mariés d’une façon ou d’une autre avec les deux plus gros opérateurs, anciennement publics, de l’énergie.
Même si l’État en est encore actionnaire à près de 85%, EDF, comme en son temps France Télécom, s’est développé à l’international comme n’importe quel groupe du privé. Il a racheté dernièrement, sous la présidence de Gardonneix, British Energy, pour 15,7 milliards d’euros, et la moitié des activités nucléaires du groupe américain Constellation, pour 4,5 milliards d’euros.
D’autres manœuvres sont en préparation, pour renforcer la « force de frappe » du groupe, sa compétitivité et sa rentabilité à l’échelle internationale. Toutes choses qu’EDF s’apprête à faire payer à ses anciens usagers devenus « clients » par une augmentation de ses tarifs de l’ordre de 25 % sur les cinq années à venir, comme l’a annoncé le journal les Échos.
Galia Trépère
* Paru dans Hebdo TEAN 40 (28/01/10).
Communiqué du NPA. Indécent et scandaleux !
Le NPA avait dénoncé en son temps la double casquette d’H. Proglio, patron de Véolia et président d’EDF. Cette double casquette est bien utile pour lui car elle lui permet de toucher un double salaire, une double rémunération soit, « officiellement », plus de 2 millions d’euros par an.
C’est indécent et scandaleux de voir de tels privilèges exister quand, dans le même temps, les salariés d’une grosse entreprise qui fait des profits, comme Sanofi-Aventis, sont renvoyés dans les cordes par leur patron lorsqu’ils osent demander 150 euros d’augmentation par mois.
Une petite poignée de dirigeants, en fait, ont mis la main sur les grosses entreprises. Siégeant dans de multiples conseils d’administration, ils se votent mutuellement, en toute opacité, de confortables salaires et rétributions diverses.
Le gouvernement qui, aujourd’hui, défend le double salaire d’H. Proglio montre bien, une fois de plus, qu’il gouverne pour qu’une minorité s’enrichisse alors que la crise fait des ravages dans les classes populaires.
Le NPA dénonce ce détournement des richesses par une petite minorité de privilégiés.
Une autre répartition des richesses, c’est urgent. Depuis 30 ans, les patrons, sur les richesses produites, ont volé aux salariés 10% des richesses en plus qui, auparavant, allaient dans la poche des salariés, soit 170 à 180 milliards d’euros chaque année.
300 euros net de plus par mois pour tous et un SMIC à 1500 euros net c’est possible en récupérant ce que les patrons détournent à leur profit chaque année.
Le 21 janvier 2010
Voeux de Sarkozy : cynisme et provocations
Lors de ses vœux pour 2010, Sarkozy a affiché une sollicitude pleine d’hypocrisie pour ceux qui souffrent de la situation économique. Mais ce sont de nouvelles attaques contre les droits sociaux et démocratiques de la population qu’il prépare pour continuer à servir les responsables et profiteurs de la crise.
« L’année qui s’achève a été difficile pour tous. » C’est par ce mensonge, incroyable de cynisme que Sarkozy a introduit ses vœux pour 2010, le soir du 31 décembre. Au même moment, on sablait le champagne à la Bourse de Paris où le CAC 40 a gagné plus de 22% en un an, un record depuis 2005. Les actions du secteur qui a le plus licencié et mis au chômage partiel ses salariés, celui de l’automobile équipementiers compris, affichent un bond annuel de 75%, avec en particulier, pour Renault et Peugeot, une hausse de 95%. Quant à celles des banques qui ont bénéficié à plein des largesses de l’État au plus fort de la crise, elles engrange une hausse de 70% sur un an.
Autant dire que la sollicitude de Sarkozy pour, selon ses mots, « ceux qui ont perdu leur emploi » n’est pas seulement hypocrite, c’est une véritable provocation. En effet, toute son action et celle de son gouvernement ont été consacrées à permettre aux responsables de la crise de continuer à faire d’insolents bénéfices en licenciant des centaines de milliers de travailleurs et en réduisant le salaire, par le chômage partiel, de centaines de milliers d’autres.
Une politique qui, loin d’« éviter le pire », comme s’en est vanté Sarkozy, n’a fait que préparer une nouvelle aggravation de la crise !
Mensonges et autosatisfaction ! Feignant d’ignorer la chute de sa cote de popularité, en deçà des 40%, ainsi que les revers subis par son gouvernement au cours de ces dernières semaines, comme, en particulier, le rejet par le Conseil constitutionnel de la taxe carbone qui aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier, Sarkozy s’est félicité sans la moindre retenue des réformes « accomplies ». Il a prétendu sans rire que « des problèmes qui paraissaient insolubles, comme les bonus extravagants ou les paradis fiscaux, [étaient] en voie d’être résolus » et que le sommet de Copenhague, un échec de l’aveu de tout le monde, était un succès.
Il a égrené les atteintes aux droits démocratiques et sociaux qu’il a réussi à imposer dans tous les domaines (suppression de la taxe professionnelle, réforme du lycée, autonomie des universités, RSA, casse du système hospitalier, réforme de la justice…) comme autant de succès. Mais s’il a évité d’en citer les bénéficiaires, le Medef, tout en rendant hommage au « grand sens des responsabilités » des « partenaires sociaux », dont font partie avec celui-ci les directions des confédérations syndicales, il a, en revanche, attaqué à mots couverts ceux qui s’opposent à cette régression sociale et qui représenteraient, selon lui, « l’immobilisme ».
Attaques contre les retraites, réforme territoriale, coupes claires dans les dépenses de l’État utiles à la population sont au menu de son année 2010. Voilà pourquoi Sarkozy veut une « France rassemblée », voilà pourquoi il a longuement insisté sur son souhait de nous voir « rester unis », adressant ses vœux, en particulier, « à nos soldats, séparés de leur famille qui risquent leur vie pour défendre nos valeurs et garantir notre sécurité ». Façon hypocrite de justifier la sale guerre de la France en Afghanistan !
Eh bien, ce sera sans nous et sans des millions d’autres, travailleurs, jeunes, chômeurs, toutes celles et ceux qui – et c’est ce que nous souhaitons pour l’année 2010 – vont reprendre confiance dans leur force collective et affirmer avec force les droits du plus grand nombre contre l’arrogance insolente des classes privilégiées et de leurs mandataires !
Galia Trépère
* Paru dans Hebdo TEAN 37 (07/01/10).