C’est un exercice difficile que de faire l’éloge d’un camarade, d’un ami, qui vient de disparaître alors que nous avions tant de projets communs, tant de valeurs communes à défendre […]
Beaucoup ici connaissent Daniel Marco comme militant depuis 40, voire plus de 50 ans. […] Daniel fut pour nombre d’entre nous une boussole, un appui, un adversaire aussi parfois, mais surtout un passeur. Il fait partie de ces personnages qu’on ne pouvait ignorer. Se renouvelant sans cesse, il a su garder pied dans les bouleversements de l’Histoire qu’il a traversée. Il est né dans une famille où le communisme et l’Union soviétique étaient la référence […] Il a été député du canton, sur les bancs du Parti du Travail de 1965 à 69, puis ce fut Mai 68, l’invasion de la Tchécoslovaquie écrasant le printemps de Prague, son expulsion du PdT avec plusieurs dizaine d’autre militants, l’escalade de la guerre du Vietnam… la démolition du mur de Berlin, la fin des « Trente-glorieuses » [...]. Depuis 1974, les crises économiques et financières mondiales qui se sont succédées, ont secoué régulièrement le monde. Lui tentait à chaque étape, devant chaque coup de boutoir du Capital sur le Travail, de contribuer à organiser la résistance intellectuelle et pratique.
Les habitant·e·s de notre ville lui doivent beaucoup. Il était non seulement fort en gueule, intransigeant sur les réflexions qui le menaient vers des rivages intellectuels qu’il défrichait avec d’autres penseurs contemporains […] Il savait que les choix politiques, la réflexion, l’idéologie ne sont rien si l’on ne les développe pas dans l’action, sur le terrain avec les autres. C’est pourquoi il était là, comme fondateur de la Fédération des associations de quartiers, dans son association de quartier avec d’autres habitant·e·s, lors de grèves dans le bâtiment, avec des chômeurs·euses dans des comités, on lui doit aussi la création d’un atelier de chômeurs répertoriant et cataloguant l’état des immeubles de notre ville. [...]
Depuis le plus loin qu’il nous soit possible de nous souvenir, il s’est impliqué dans l’aménagement du territoire, réfléchissant à ce que pourrait être une pensée socialiste urbaine. La ville pour lui était le centre de ses préoccupations. Notre ville lui doit aussi le groupe de « 500 m de ville en plus » qui débloqua la réflexion un peu malthusienne qui régnait dans les années 80 à Genève et qui participa au soutien du lancement de l’idée du CEVA. Projet qu’il a encore défendu juste avant son entrée à l’hôpital lors d’une conférence de presse de la CGAS. […]
Camarade Marco, Daniel, il est temps de nous quitter, mais sache que les pensées que tu as su faire vivre en nous, les joutes oratoires auxquelles tu te livrais volontiers – un peu moins ces dernières années – ont contribué à nous forger une vraie conscience individuelle et collective de gauche. […] Demain, ton acharnement nous aidera à traverser les événements qui bouleversent le monde et à organiser les luttes que nous devrons continuer à mener malheureusement sans toi. Notre cœur et notre affection vont à ta famille qui reste, comme nous, orpheline.
Rémy Pagani