Le mois qui précède Noël est sans doute le moins propice pour appeler la population de la planète à réduire sa consommation. Le rituel des cadeaux inspire chez nous tout ce qu’il y a de plus charmant et absurde, de plus généreux et irrationnel. Nous échangeons des dons identiques, cravate de mauvais goût contre cravate de mauvais goût ; nous privilégions le geste contre le raisonnement, la poésie contre la comptabilité. Qui se vanterait d’avoir réduit ses dépenses festives ? Quel galant serait fier d’offrir à sa bien-aimée un diamant soldé ?
Dire que nous redevenons des consommateurs sobres pendant les onze autres mois de l’année relèverait de l’auto-flatterie. Nous demandons à la recherche environnementale de trouver de nouvelles technologies pour réduire la consommation de nos véhicules, quand chacun a déjà une solution immédiate pour la réduire : acheter un véhicule moins puissant, ou plus petit.
Pour comprendre notre éco-hypocrisie, tournons-nous vers Hollywood. De nombreuses vedettes de la célèbre colline ont été épinglées par un article du 29 novembre dans The Sunday Times qui cite des porte-parole de la bonne pensée écologiste comme John Travolta (propriétaire de cinq avions privés, dont un 707), Tom Cruise (cinq avions) et Harrison Ford (cinq avions et un hélicoptère). Le geste écologiste le plus chic consiste à acheter une Toyota Prius pour la garer à côté de ses 4 × 4. Comme l’explique un agent de stars cité dans l’article, la Prius est le seul véhicule à réputation écologiste qui ne donne pas l’impression que la carrière du propriétaire est en panne.
Critiquer l’éco-hypocrisie est futile car nous pratiquons tous le geste flamboyant, nous nourrissons tous des rêves d’excès. L’anthropologue américain Geoffrey Miller décrit dans son nouveau livre, Spent (éd. Viking Books), comment la publicité promet de nous aider à nous présenter, par nos gestes, comme des gens exceptionnels. Le coût démesuré de notre style de vie n’est pas un effet secondaire regrettable mais sa raison d’être.
Peut-être la contrefaçon sauvera-t-elle la planète ? Quand les marques les plus réputées seront toutes copiées dans des ateliers chinois et vendues au dixième de leur prix, le consommateur ne réalisera-t-il pas la futilité de sa course absurde ? Là, déception encore : selon une étude menée par le professeur Renée Richardson Gosline au MIT, la contrefaçon est le plus sincère compliment qu’on puisse payer à la vraie marque. Les femmes porteuses de faux sacs sont davantage incitées à acheter des habits de marque, pour donner une aura d’authenticité à leur faux achat.
La contrefaçon sert même comme piste d’apprentissage : 46 % des femmes achetant une contrefaçon acquièrent un sac de la vraie marque moins de deux ans plus tard. Au lieu d’essayer d’interdire la contrefaçon, les fabricants d’objets de luxe devraient même penser à la subventionner.
Il ne faut rien attendre des gestes écologistes car dans le geste réside tout notre instinct d’excès. Seules des mesures sobres, comme des hausses de prix du carbone (et donc du carburant) [1], peuvent agir dans la durée.
Et si les spectateurs boycottaient tous les films dont les stars étaient propriétaires d’avions privés ? Pour une fois, ce geste donnerait des incitations de carrière à Hollywood à ceux qui suivent une action vraiment écologiste. Il ne faut pas rêver : comme le Père Noël, ce genre de vrai geste efficace n’existe pas. Mais en ce mois de décembre, on en voit des faux partout.
Paul Seabright, de l’Ecole d’économie de Toulouse.