Dans notre dernier numéro, nous avons publié la position de notre mouvement relative à l’élection à l’exécutif cantonal, qui a été adoptée à une large majorité par l’AG de solidaritéS. Elle n’appelle pas à voter pour le PS et les Verts et laisse donc libre de voter blanc, de s’abstenir, de voter pour la liste des Communistes au label « Gauche combative », de voter pour les Verts et/ou les socialistes, ou de voter pour les Communistes, les Verts et les socialistes.
Mais cette position insiste surtout sur un objectif qui est à nos yeux le plus important, au-delà de cette élection : former un large front de résistance, syndical, associatif et politique, sur des revendications immédiates et concrètes répondant aux besoins de larges secteurs de la population. Un tel front social devrait se préparer à combattre les décisions d’un Grand Conseil et d’un Conseil d’Etat réactionnaires en recourant aux armes de la démocratie semi-directe (initiative, référendum), mais aussi en appelant à la mobilisation dans la rue, sur les lieux de travail… et demain dans les urnes.
L’essentiel est ailleurs
Cet appel n’est pas une figure de style pour justifier notre « désengagement » de la bataille électorale pour le Conseil d’Etat. Nous devons nous donner les moyens de contribuer à le concrétiser avec d’autres, dans les mois à venir, en dépassant nos faiblesses politiques et organisationnelles et en renforçant notre implantation sur le terrain social. Les réponses que nous devons trouver dans une telle situation ne se situent donc pas d’abord sur le terrain électoral. Pour s’en convaincre, revenons à l’échéance prochaine de l’élection du Conseil d’Etat, le 15 novembre prochain.
Nous aurions pu appeler à voter pour les candidatures vertes et socialistes, au nom du « moindre mal », pour « barrer la route à la droite »… Nous l’avions fait en 2005. Mais ce serait oublier que ce gouvernement à majorité « de gauche », le premier depuis Léon Nicole dans les années trente, a mené une politique sociale franchement régressive. Il porte ainsi une responsabilité évidente dans le désarroi de la population, ainsi que dans le succès du MCG et de son populisme de droite. Or, on ne peut guère douter – comme une minorité du PS l’a compris – que reconduire une majorité verte et socialiste pour mener (et justifier) une politique antisociale pendant encore quatre ans, serait un obstacle de plus à la constitution d’un front de résistance sur le terrain social.
Nous ne donnons pas de consigne de vote
Cela dit, une majorité de l’électorat des Verts et des socialistes considère – malheureusement – que la présence des leurs au gouvernement constitue un moindre mal. Ce n’est pas en appelant à l’abstention ou au vote blanc que nous allons les convaincre du contraire. Nous disons donc que c’est aux candidat·e·s verts et socialistes d’annoncer un clair changement de politique pour gagner les suffrages de « nos » électeurs et électrices, mais force est de constater que rien ne laisse entrevoir un tel tournant...
En outre, si nous voulions – directement et sérieusement – soutenir les candidatures vertes et socialistes, comme le suggérait Jean Ziegler l’autre jour dans la Tribune de Genève, nous devrions présenter un-e candidat-e sur un ticket commun avec eux, en taisant de façon opportuniste le « bilan » franchement négatif que nous tirons de leur prestation gouvernementale.
Restait donc la possibilité d’une liste propre de la « gauche de la gauche », qu’a d’ailleurs décidé de lancer le petit groupe des Communistes en présentant trois des leurs sous le label « Gauche combative ». solidaritéS aurait pu s’engager sur une telle voie avec lui et d’autres, si nous avions considéré que c’était là une bonne solution.
Une liste de la gauche de la gauche ?
Pourquoi ne l’avoir pas fait ? D’abord parce que cette option propagandiste – nous n’avons aucune intention d’être représentés au Conseil d’Etat dans le contexte actuel – aurait eu comme principal effet de favoriser l’élection d’une majorité de droite. Sauf à appeler à rajouter les candidat-e-s PS/Verts sur notre liste, ce qui serait revenu à les soutenir activement. Enfin, et peut-être surtout, parce qu’une telle démarche nous aurait amenés à nous substituer – en anticipant unilatéralement son programme – au front social le plus large que nous voulons construire ensemble, sur le terrain, pour les batailles des mois et années à venir.
La liste des Communistes s’est donné un tel programme, improvisé et problématique sur plus d’un point, notamment la revendication de « l’engagement prioritaire des chômeurs résidant dans le canton », celle incongrue de « rendre le vote obligatoire »... sans piper mot sur les droits politiques des immigré-e-s, etc. Il contient bien entendu une série de revendications légitimes, certaines que nous avons largement portées, comme le droit à un salaire minimum, ou celle d’un revenu minimum garanti. Mais ces revendications méritent et exigent mieux que quelques semaines de campagne pour le Conseil d’Etat sous les couleurs d’une petite organisation politique, quelle qu’elle soit.
Pierre Vanek