La conférence de Copenhague sur le climat, en décembre, s’annonce comme le rendez-vous de tous les dangers. Parmi les enjeux figure la mise en place d’un mécanisme de réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts – appelé REDD – qui fait l’objet d’âpres négociations dans un contexte où la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre est proclamée par tous et où chaque pays essaie d’échapper le plus possible à ses obligations.
De quoi s’agit-il ? De comptabiliser au titre des réductions d’émissions la part correspondant à une réduction de la déforestation. La déforestation a un effet considérable sur le réchauffement climatique (20%), réduisant le stock de carbone piégé par les forêts et en dissipant par la combustion du bois. La déforestation donnerait lieu à l’octroi de crédits carbone pouvant être utilisés pour compenser d’autres émissions.
Pourquoi s’inquiéter ? Parce que cette prise en compte de la déforestation dans la réduction des gaz à effet de serre a toutes les chances d’aboutir à des diminutions fictives de la déforestation accompagnées d’attaques sociales. REDD est un mécanisme ardemment promu par les pays du Nord. Il s’agit pour eux, dans le cadre notamment du mécanisme de développement propre (MDP) mis en place par le protocole de Kyoto, de pouvoir se défausser sur les pays du Sud de leur responsabilité. Ce sont en effet les pays industrialisés qui sont responsables historiquement de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre. En outre, les réductions de déforestation sont extrêmement difficiles à comptabiliser. Personne ne sait ainsi évaluer avec précision l’ampleur annuelle de la déforestation au Brésil ou en Indonésie. On voit donc mal comment la réduction de cette déforestation pourrait être exactement comptabilisée. Au-delà de cet obstacle technique majeur, le risque est celui d’un vaste mouvement d’appropriation des forêts du Sud par les multinationales en quête de crédits carbone à même de compenser la continuation de leur pollution au Nord.
Les dangers de ce mouvement d’appropriation privée sont politiques, sociaux et écologiques. Il se mettrait sur pied un mécanisme de contrôle néocolonial du patrimoine naturel au détriment des peuples qui vivent au sein de ces forêts, les entretiennent depuis de nombreuses générations et seraient menacés dans leur existence même. Cette appropriation constituerait une violation ouverte de la souveraineté de ces peuples sur leur territoire de vie.
Il n’existe aujourd’hui aucune distinction dans les projets entre forêt et plantation. L’appropriation pourrait se traduire alors par la destruction des forêts initiales et leur remplacement par des plantations d’eucalyptus (éventuellement génétiquement modifiés) comme au Brésil ou de palmiers à huile comme en Indonésie. Outre que cette substitution signifie une augmentation nette des émissions de CO2 puisque les forêts primaires stockent cinq fois plus de carbone que les plantations, elle implique aussi une destruction de la biodiversité sans équivalent des forêts tropicales. Et ceci au service de la production industrielle possible d’agrocarburants.
Face àla menace REDD, les peuples indigènes se mobilisent et alertent l’opinion publique mondiale. Nous devons nous battre àleurs côtés. Cet exemple illustre àquel point la bataille contre la crise climatique ne peut dissocier réponses sociales et écologiques. Partout sur la planète, la politique concrète des classes dominantes aboutit à combiner de fausses réponses écologiques avec de véritables attaques sociales. Seule la mobilisation internationale permettra de les arrêter.
Laurent Menghini