Mexico,
La Parota est un « méga barrage » que la Commission fédérale d’électricité (CFE, entreprise publique mexicaine) espère construire au nord d’Acapulco, au Mexique, dans l’État du Guerrero. Les faits : 17 000 kilomètres carrés de terres cultivables et de forêts, 25 000 paysans affectés selon les opposants, 3 500 selon la CFE, qui ne comptabilise pas tous ceux qui perdent leurs terres puisqu’ils seront indemnisés. La CFE traîne un lourd passé au Mexique. Elle n’a jamais rempli - ou bien mal - ses engagements contractés lors des processus d’expropriations nécessaires à la construction des barrages. De nombreuses personnes attendent, parfois depuis 40 ans, que « la CFE paye ». Dans le même temps, la CFE propose un « plan de développement alternatif » pour vendre la Parota. D’abord, la pêche, alors que l’eau sera rapidement polluée par les eaux grises de la capitale de l’État, Chilpancingo, et que l’érosion est déjà forte. Ensuite, le tourisme, alors que personne n’ira devant ce réservoir d’eau couleur café, le Pacifique étant à seulement 40 minutes de là. Il n’y a là rien de bien nouveau, il s’agit de « la méthode de développement durable de la CFE », reproduite dans beaucoup de barrages au Mexique. À chaque fois, les paysans sont chassés de leurs terres.
Pour qui et pourquoi ? 900 MW de production espérée pendant 50 ans (dans l’optique optimiste). Sous l’égide de la CFE, la Parota sera construite par des entreprises privées et représente un investissement de 900 millions de dollars, que le peuple mexicain remboursera. Faisant partie du Système d’intégration centraméricain (Sica), la Parota permettra de vendre de l’énergie depuis le Panama jusqu’aux États-Unis.
Les paysans ont vite compris qu’ils n’avaient rien à gagner dans l’histoire, et ont déjà perdu deux des leurs, assassinés pour s’être opposés au projet. La CFE corrompt les appuis locaux, les présidents municipaux et les petits caciques en tout genre, pour réaliser des assemblées générales truquées avec des faux paysans payés (souvent reliés au Parti révolutionnaire institutionnel) qui votent haut la main l’approbation du barrage, quand les vrais propriétaires de la terre affrontent jusqu’à 1 300 policiers pour tenter de faire entendre leur voix.
Fin décembre 2005, la CFE annonce que le barrage a été approuvé dans les dix-neuf communautés de la zone. Les paysans publient leur manifeste, dénoncent la corruption, les violations des droits de l’Homme et préviennent le gouvernement qu’il peut y avoir un massacre sur ces terres. Pour preuve, ils citent les 400 Indiens maya achis assassinés pour la construction du barrage Chixoy, au Guatemala, en 1985. Le manifeste rappelle également les passages de l’étude d’impact réalisée par l’université de Mexico (Unam), balayés de la main par les ingénieurs de la CFE : « Un haut risque sismique » y est souligné, le côté gauche du barrage reposant sur la faille sismique la plus dangereuse du Mexique (lieu du prochain grand séisme dans le pays selon les géologues). Ce risque augmentera avec le poids du barrage. La Parota contribuera au « stress hydrique » que vivra le Guerrero, en altérant les principaux fleuves et les zones de recharge. La population de la zone est donc mise en danger, pour faire marcher plus de télévisions, de micro-ondes et de machines à air-conditionné dans les foyers américains.
• Le Comité des ejidos et communautés opposées à la Parota (Cecop) invite, avant la session du Tribunal international de l’eau, en mars, les organisations et la presse internationales à visiter les terres du barrage et discuter des enjeux avec eux. Cette visite a lieu les 13 et 14 mars pour les francophones. Elle est organisée par la section internationale de la Coalition des organisations mexicaines en défense de l’eau (Comda).