Pékin Correspondance
Un calme provisoire est revenu à Kokang, région du nord de l’Etat shan en Birmanie, aux frontières du Yunnan chinois, après trois jours de combats entre l’armée birmane et la milice locale, connue sous le nom de la Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA), un groupe armé insurgé avec lequel le régime a signé un cessez-le-feu en 1989. Dimanche 30 août, la télévision birmane a reconnu que ces affrontements avaient coûté la vie à 26 policiers et soldats des forces gouvernementales, et à 8 rebelles.
Quelque 37 000 habitants de Kokang s’étaient, selon l’agence chinoise Xinhua, réfugiés ces derniers jours du côté chinois de la frontière, à Nansan (ouest du Yunnan). Ils sont incités par le gouvernement chinois à retourner en Birmanie. Plusieurs témoignages ont toutefois fait état de pillages par les soldats birmans des commerces chinois. Un citoyen chinois a été tué en Chine par un obus de mortier, et un autre côté birman.
Car les 150 000 habitants de Kokang sont aux trois quarts des Birmans de l’ethnie chinoise han, et, pour près d’un quart, des migrants et entrepreneurs chinois. Casinos, salons de massage, petits commerces et officines d’import-export en ont fait une enclave de prospérité dans l’orbite du Yunnan voisin. La monnaie d’échange est le renminbi chinois.
Sur le terrain, l’armée birmane, qui est intervenue lundi 24 août prétextant une opération anti-drogue, aurait pris le contrôle de Laukkai, capitale de Kokang, et renversé son homme fort, Pheung Kya-shin (Peng Jiasheng en chinois). Celui-ci a pris le maquis avec son armée et a riposté, jeudi, avec des soutiens locaux.
Le jeu des alliances sur les territoires de l’ex-guérilla communiste birmane, longtemps soutenue par Pékin, assure, en effet, aux rebelles l’aide de groupes armés ethniques locaux tels que la United Wa State Army (UWSA), la Shan State Army (SSA) et la Kachin Independant Army (KIA). Voire des groupes criminels tels que la Mong Thai Army (MTA) du seigneur de l’opium Khun Sa. Selon le site d’information shanland.org (Shan Herald) basée en Thaïlande, 45 000 combattants pourraient, en théorie, reprendre les armes contre la junte birmane après vingt ans de cessez-le-feu.
Ces alliances n’ont pourtant pas empêché la chute de Kokang. D’après The Irrawaddy, le site d’information de l’opposition birmane en Thaïlande, quelque 700 miliciens de Kokang auraient même rejoint la Chine et rendu leurs armes aux autorités chinoises.
MAILLON FAIBLE
C’est l’intransigeance de la junte face aux exigences d’autonomie des représentants ethniques Wa, Kachin et Kokang dans le cadre de la Constitution de 2008 qui a raidi la situation. Selon The Irrawaddy, le régime birman aurait fixé à octobre la date limite du ralliement des anciens groupes insurgés à sa garde frontalière.
Depuis un mois, l’armée birmane tente de faire tomber Kokang, considéré comme le maillon faible de l’alliance en raison de la petite taille de son armée. Des raids lancés contre la résidence de Peng Jiasheng et un atelier de réparation d’armes ont conduit à des face-à-face tendus entre militaires et forces locales. La Chine, qui abhorre les facteurs d’instabilité à ses frontières, et estime avoir contribué par son influence économique directe à sortir ces territoires du Triangle d’or de l’économie de la drogue, aurait tenté en vain d’empêcher que la situation ne dégénère. La plus grande ironie, signale The Irrawaddy, « c’est que, gros fournisseur d’armes et indéfectible allié du régime répressif depuis vingt ans, la Chine s’est révélée impuissante dans ses efforts pour persuader les dirigeants de la junte de trouver une solution politique à ce problème (avec les groupes ethniques) ».
Pékin a enjoint la Birmanie, qui s’est excusée pour les victimes chinoises, « de résoudre de manière appropriée ce problème interne afin de préserver la stabilité de la zone de frontière Chine-Myanmar ». L’édition anglaise du journal chinois Global Times titrait vendredi sur le dilemme auquel est confrontée la Chine avec, à ses frontières, des pays chaotiques et instables, et un conflit qui implique « un grand nombre de personnes d’ethnie chinoise ».
Aux Etats-Unis, le département d’Etat a appelé lundi les autorités birmanes « à cesser leur campagne militaire et à développer un dialogue authentique avec les groupes ethniques minoritaires ».