Michel Rocard, à qui Nicolas Sarkozy a confié la mise sur pied de la Contribution climat énergie, ou taxe carbone, a remis son rapport vendredi 24 juillet. Sous couvert de politique écologique, ce sont les intérêts des travailleurs et des plus démunis qui seront encore une fois attaqués. Alors que les dépenses énergétiques représentent déjà 2 300 euros en moyenne pour un foyer français, soit plus d’un mois de revenus pour de très nombreux ménages, c’est en alourdissant encore cette facture que le gouvernement envisage de lutter contre le changement climatique. En effet, la proposition formulée par Rocard est d’alourdir les factures énergétiques en les taxant à hauteur de 32 euros par tonne de CO2 émise. Cela représentera environ sept centimes d’euros par litre d’essence et une augmentation d’environ 15% des factures de gaz. Et ce n’est qu’un début… la taxe devant tripler d’ici 2020 et être multipliée par dix d’ici 2030 !
Alors que l’accès à l’énergie devrait être un droit reconnu à tous les ménages, à commencer par les plus modestes, cette nouvelle taxe nous en éloigne encore un peu plus.
La taxe carbone, qui rapportera, dans un premier temps, 8 milliards d’euros par an à l’Etat, doit être compensée par la diminution équivalente d’un autre impôt afin de remplir la promesse de Sarkozy de non augmentation globale des prélèvements fiscaux. Sur ce point, rien ne semble encore décidé, mais la tentation est forte d’utiliser ce pactole pour compenser la disparition de la taxe professionnelle ou pour offrir aux patrons un allégement de « charges sociales ». Dans ce cas, les travailleurs seraient doublement perdants : sous prétexte de lutte contre le changement climatique, le gouvernement leur ferait payer un nouveau cadeau au patronat. Pour de très nombreux foyers, rendre plus coûteux l’accès à l’énergie ne changera rien à leur consommation qui permet tout juste de répondre à leurs besoins élémentaires (se chauffer, se déplacer, s’éclairer, cuisiner…), mais elle les appauvrira encore un peu plus.
Une grande part de la consommation énergétique est induite par l’organisation capitaliste de la société. En effet, l’usage de la voiture individuelle, l’allongement des distances quotidiennes parcourues par les travailleurs, la multiplication des transports de marchandises sont des conséquences de l’organisation de la production, dictée par la recherche permanente du profit maximum. Or, cette taxe ne s’attaque en rien à cette logique mortifère. Pour preuve, les gros industriels, pourtant fortement contributeurs à l’aggravation de l’effet de serre, en seront exemptés.
Damien Joliton
Pour une lutte déterminée contre le changement climatique
Inefficace écologiquement et injuste socialement, le projet de taxe carbone doit être abandonné. Il est indispensable de baisser de 80 à 95% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, mais ce n’est pas en s’attaquant aux travailleurs et aux populations les plus en difficulté que cet objectif pourra être atteint. Cela demandera des changements sociaux et structurels profonds. Pour faire face aux défis climatiques qui nous attendent, il est urgent de prendre des mesures permettant vraiment aux travailleurs de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre :
– transports en commun gratuits et de qualité,
– plan de réhabilitation des logements mis en œuvre par un nouveau service public du logement et financé grâce aux surprofits des compagnies pétrolières et gazières,
– politique ambitieuse en matière de logement et d’urbanisme, mettant à disposition des travailleurs des habitations à proximité de leur lieu de travail,
– programme public de développement de l’énergie solaire financé par la réorientation des crédits actuellement alloués au nucléaire,
– remise en cause de la flexibilité du travail qui contraint les travailleurs à l’utilisation de leur voiture…