Sur la photo, un groupe de militaires colombiens exhibe, triomphant, le cadavre de « Pepe ». Fallait-il vraiment le tuer ? Le débat est vif. Ni guérillero ni narcotrafiquant, Pepe n’était qu’un pauvre hippopotame en cavale. Il a été abattu, avec l’aval des autorités environnementales du département de l’Antioquia (nord-ouest), le 16 juin. La photo a été publiée le 10 juillet.
Depuis, écologistes, défenseurs des animaux, éditorialistes et citoyens se sont mobilisés en Colombie pour sauver Matilda, la femelle de Pepe, et de leur bébé, Hip. Deux institutions - le zoo de la ville de Pereira et un parc d’attractions de Bogota - se sont portées preneurs des animaux. Mais les attraper n’est pas facile, et les entretenir coûte cher.
Des hippopotames dans les Andes ? C’est à Pablo Escobar, tué en 1993, que la Colombie doit ses pachydermes. Dans les années 1980, le mafioso au fait de sa puissance fait aménager sa propriété, l’hacienda Naples, pour accueillir des dizaines d’animaux sauvages importés clandestinement d’Afrique. A la mort du « patron », le gouvernement prend le contrôle des terres et répartit les animaux dans les différents zoos de la région. Tous, sauf les hippopotames, qui, trop lourds à transporter, sont abandonnés à leur sort. Et à leur libido.
S’ensuit une ribambelle de bébés hippopotames qui grandissent et font, à leur tour, des petits : 22 bestiaux paissent aujourd’hui dans les verts pâturages de l’hacienda. Il y a deux ans, l’intrépide Pepe et sa compagne faisaient le mur pour partir à la découverte des eaux troubles du grand fleuve Magdalena.
MORT « TRÈS COLOMBIENNE »
Les autorités environnementales justifient le permis de « chasse contrôlée » donné, invoquant les dangers que les bêtes en vadrouille font courir aux pécheurs et aux cultures. Mais « aucun incident sérieux n’a été enregistré depuis deux ans », rappelle l’éditorial d’El Tiempo.
Le principal quotidien du pays considère que le gouvernement a mal calculé l’impact « d’une solution militaire au problème des hippopotames ». Le chroniqueur Daniel Sampler dénonce, lui, la mort « très colombienne » de Pepe dans un pays « qui règle ses problèmes à coups de fusil ».
Sur le Web, les internautes disent leur indignation. « Les hommes sont bien plus dangereux pour la planète que les hippopotames », rappelle l’un. « S’il fallait tuer tout ce qui est dangereux, il ne resterait plus grand monde dans ce pays », renchérit l’autre.
Mardi 14 juillet, une manifestation était prévue devant les locaux du ministère de l’environnement à Bogota. Cecilia B., elle, s’étonne : « Quand l’armée présente en trophée de chasse le cadavre d’un guérillero ou d’un délinquant, personne ne s’en émeut. »