STOCKHOLM CORRESPONDANCE
Plus de 5 000 personnes ont défilé le 18 juin à Riga pour manifester contre les mesures d’austérité qui s’accumulent en Lettonie pour tenter d’endiguer une crise d’une ampleur exceptionnelle. Les secteurs de la santé et de l’éducation sont particulièrement touchés. Mercredi, le ministre de la santé, Ivars Eglitis, a présenté sa démission, après avoir fait le constat que L’Etat ne sera plus capable de fournir des services de soins à la plupart des Lettons. « En tant que médecin, je ne peux pas l’accepter », a-t-il déclaré.
La situation est de plus en plus tendue après le vote par le Parlement le 16 juin d’un nouveau plan d’austérité qui prévoit une réduction budgétaire de 500 millions de lats (718 millions d’euros), soit environ 10 % du budget. « Le pays a été sauvé de la banqueroute », a déclaré le premier ministre, Valdis Dombrovskis, au lendemain du vote. Mais à quel prix, et pour combien de temps ? Le salaire minimum est baissé de 20 %, à 140 lats (200 euros).
Afin d’obtenir l’aide du Fonds monétaire international (FMI) et de la Commission européenne, dont le prochain versement de 1,2 milliard d’euros devrait intervenir à la mi-juillet, le gouvernement s’est résigné à amputer les retraites de 10 % alors qu’il s’était engagé à ne pas y toucher. Cette amputation des pensions, déjà faibles, doit être vue comme un geste désespéré du gouvernement.
A partir du 1er septembre, les salaires des enseignants seront réduits de 50 %. En mars, la ministre de l’éducation, Tatjana Koke, avait déclaré au Monde espérer que les enseignants les plus âgés partent à la retraite. « Celles-ci ne sont pas élevées, avait-elle dit, mais dans les campagnes, ils ont leur potager, ils pourront s’en tirer. »
Ces dernières semaines, certaines communes ont commencé à prendre des mesures qui semblent sorties d’un autre âge : distribuer des lopins de terre aux chômeurs afin qu’ils cultivent des légumes et fassent des conserves avant l’hiver.
La hausse du chômage, qui atteint 17,4 %, combinée à la baisse des salaires fragilise encore l’économie, qui devrait enregistrer en 2009 un recul de 18 % du produit intérieur brut (PIB).
Face aux rumeurs de dévaluation de la monnaie, lancées essentiellement depuis l’étranger, le gouvernement a choisi la dévaluation interne : baisses des salaires, réductions des dépenses publiques et maintenant des retraites. Le responsable régional du FMI, Jens Henriksson, a déclaré le 16 juin à Stockholm qu’il ne pensait pas que la dévaluation serait une bonne solution. Elle perdrait beaucoup de son intérêt quand les pays susceptibles d’importer des produits à meilleur marché grâce à la dépréciation de la monnaie sont eux-mêmes en grande difficulté financière. Environ 20 % des Lettons ont des emprunts non pas dans leur monnaie nationale mais en euros, et ils perdraient beaucoup à une dévaluation. Ce qui mettrait à leur tour les banques suédoises, grosses créancières dans la région, en difficulté.
De l’autre côté de la mer Baltique, en Suède, les banquiers suédois, essentiellement Swedbank et SEB, sont toujours extrêmement nerveux. Selon les tests sur leur solidité financière en cas de détérioration de la conjoncture, rendus publics le 10 juin par l’Inspection suédoise des finances, ces établissements devraient pouvoir résister à d’importantes pertes dans les pays baltes, de l’ordre de 15 %, à condition que les pertes de crédit ne dépassent pas 1,5 % en Suède. Les pertes des banques suédoises dans les pays baltes et en Ukraine pourraient s’élever à 200 milliards de couronnes (18,5 milliards d’euros) entre 2009 et 2011.
L’onde de choc s’étend aussi aux deux autres pays baltes, l’Estonie et la Lituanie, également très touchés par la crise. La situation s’est brutalement dégradée en Lituanie où le ministre des finances, Algirdas Semeta, a annoncé mercredi que le PIB pourrait reculer de 18,2 % en 2009. La TVA va être augmentée de 2 % et les salaires publics réduits de 9,5 %. L’Estonie, dont le PIB devrait se contracter de 12 % en 2009, adopte aussi des mesures d’austérité.