« HOME », le film-événement de Yann-Arthus Bertrand est disponible gratuitement sur internet depuis le 5 juin dernier et visible en technicolor HD à peu près partout sur terre. Difficile donc d’y échapper.
Ce long-métrage, réalisé par celui qui a couvert pendant 10 ans le très néocolonial Paris-Dakar du haut de son hélicoptère, est sponsorisé à hauteur de 10 millions par le groupe PPR (Pinault-Printemps-Redoute), auquel le début du générique offre une magnifique tribune publicitaire. Parmi les bienveillants mécènes, on trouve donc de nombreuses marques de luxe (Gucci, Yves Saint Laurent, etc.) ainsi que des grandes surfaces (Fnac, Conforama, etc.), profitant là d’une opportunité unique de greenwashing (marketing vert) à grande échelle.
Les esprits chagrins qui auront noté l’absence totale de la question nucléaire dans le film (il n’en est même pas fait mention !), ne pourront s’empêcher de penser qu’il y a là un lien avec le sponsoring de longue date de notre photographe par EDF. Le réalisateur profite d’ailleurs de sa tournée promotionnelle pour répéter qu’il « ne [voit] pas comment on pourrait se passer du nucléaire ». Que la course au profit, le luxe, la publicité, le capitalisme et le consumérisme soient en grande partie responsables de la crise écologique ne semble pas non plus effleurer notre hélicologiste...
Au final, reste un film qui, à grand renfort de ralentis, d’images aériennes et de musique new age dresse un constat sans appel (et malheureusement réaliste) de la catastrophe écologique et humaine en cours sur la planète. Sans surprise, les solutions esquissées par YAB sont tout aussi effrayantes, puisqu’on n’y décèle pas la moindre critique sérieuse du système à l’origine de cette catastrophe et des inégalités qu’il dénonce. Toute la responsabilité est alors remise entre les mains des « consomm’acteurs ».
Bref, en attendant tout de même de voir l’impact pédagogique et la prise de conscience que « HOME » pourrait potentiellement générer dans le grand public, nous garderons en tête les paroles de François-Henri Pinault, mécène du dit-film (cinquième fortune de France) qui ne cesse de répéter que « la solution n’est pas de consommer moins, mais de consommer différemment ». Voilà qui résume bien l’idéologie du développement durable : tant qu’on continue à consommer sans remettre en cause le système, tout va bien.
Alors qu’on croyait naïvement que les riches étaient trop occupés à détruire la planète... ils trouvent encore le temps de venir nous faire la morale pour nous expliquer comment la sauver !