J’ai d’abord vu d’un bon œil la création du Nouveau Parti
anticapitaliste (NPA) jusqu’à ce que je constate, comme beaucoup
d’électeurs de la gauche antilibérale déçus par la chose, que ce
nouveau parti n’avait de nouveau que le nom, car il prorogeait la
vieille technique des partis classiques qui parlent, pensent et
agissent d’abord en boutiquiers défenseurs de leur petite entreprise,
sans véritable souci de s’attaquer à la misère réelle de ceux qui,
nombreux, font les frais de la politique libérale de Nicolas Sarkozy.
Le drapeau et le sigle qui figure sur la profession de foi du NPA pour
les prochaines élections européennes dit tout : un mégaphone ! Voilà
le programme : le slogan plus l’électricité... Avec pareil projet,
c’est sûr que la gauche antilibérale ira loin et que Nicolas Sarkozy
tremblera lors de sa course au second mandat !
Il y a plus grave. En l’occurrence dans l’erreur de raisonnement, un
paralogisme pour le dire clairement, qui consiste pour le NPA à
refuser l’union aujourd’hui avec les gauches qui ne sont pas lui, sous
prétexte que demain l’union ne durerait pas, tout en faisant ce qu’il
faut pour qu’elle n’ait jamais lieu !
En effet, le NPA envoie la gauche antilibérale dans les bras du PS et
lui reproche cette union contre nature. Mais c’est faute d’union du
NPA avec le restant de la gauche antilibérale que cette dernière se
trouvera dans l’obligation d’alliances avec le Parti socialiste. Car
la politique est affaire de rapports de forces et non d’idéaux
flottant dans un ciel platonicien...
Par l’espoir qu’il a créé d’un large rassemblement de la gauche
antilibérale, par l’indéniable qualité de son leader, le NPA a
réellement le pouvoir d’inverser le rapport de forces, puis d’en créer
un autre sur la base d’une large et réelle union des gauches
antilibérales. Il pourrait ainsi donner naissance à un véritable foyer
majoritaire qui contraindrait le PS, devenu minoritaire à gauche, à
chercher ses alliances ailleurs qu’avec le MoDem.
PERVERS, INFANTILE OU SUICIDAIRE
C’est en gauchisant sa position, pure, certes, mais totalement
inefficace pour les pauvres qui « trinquent » tous les jours, que le
NPA contribue au jeu politique comme il est. Ce refus de faire de la
politique concrètement et ce refuge dans la politique politicienne du
parti, qui mène sa barque tout seul, fait malheureusement du NPA un
allié objectif de l’UMP, du PS libéral et des alliances de ce PS avec
le MoDem.
On ne peut contraindre les autres à s’allier avec des adversaires
parce qu’on refuse l’union avec eux et leur reprocher ensuite cette
union contre nature. C’est soit pervers, soit infantile, soit
suicidaire, soit inconséquent, en tout cas irresponsable à l’endroit
du peuple qui souffre de la violence libérale et qui attend autre
chose qu’un combat de chefs méprisant la populace qui, consciente de
ces petits jeux pitoyables et désespérants, tourne massivement le dos
à la consultation électorale.
Or cette élection est importante. Si l’on veut l’Europe, qu’on ne peut
plus ne plus vouloir, mais qu’on refuse sa formule libérale, alors il
faut dire le moindre mal. Non pas l’idéal, l’absolu, le parfait, qui
fascinent tant le NPA, mais une autre formule, concrète, réelle,
pragmatique, une Europe sociale, antilibérale, dans laquelle le marché
ne ferait pas la loi, mais la solidarité et la fraternité, valeurs
bien oubliées de la République laminée sous le rouleau compresseur
libéral.
Dans cette configuration, le Front de gauche donne la bonne direction.
Il réunit le PC, Jean-Luc Mélenchon et les siens, Christian Picquet
et, avec lui, les anciens de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR)
minoritaires dans le NPA et conduits pour ce faire vers la sortie par
les anciens trotskistes...
Cette première cristallisation importe : elle dit que la parole est
désormais aux électeurs qui peuvent signifier qu’ils en ont assez de
la politique politicienne des boutiquiers et qu’ils veulent autre
chose : à savoir une large union des gauches initiée par le haut avec
le Front de gauche et possiblement confirmée par le bas avec les
électeurs.
On ne peut vouloir faire de la politique uniquement avec un mégaphone,
ni appeler à la révolution planétaire sans même être capable de
présider aux destinées d’un village de campagne. Le mégaphone n’est
pas une fin en soi, mais un moyen pour plus et mieux que lui.