Dans les médias, tout le monde y va de son commentaire pour expliquer cette percée inédite des écolos : l’altercation entre Bayrou et Cohn-Bendit du jeudi 4 juin sur les plateaux de France 2, la diffusion du documentaire « Home »,de Yann Artus Bertrand, vendredi 5 juin, avec une audience de 9 millions de téléspectateurs, les enjeux européens et seuls ces enjeux-là mis au cœur de la campagne, commencée très tôt, des Verts, expliqueraient ces bons résultats. Ce faisceau de circonstances a sans doute contribué au succès. Mais, à y regarder de plus près, la crise du « politique » et les préoccupations profondes de la population sur la crise écologique peuvent expliquer cet engouement pour les listes Europe écologie : à la fois, un vote pas « très politique », séduit par la présence de « personnalités » (Bové, l’altermondialiste, EvaJoly, la juge anticorruption et, bien sûr « Dany le vert », en meneur de liste), et un vote révélant une inquiétude forte face aux dangers menaçant la planète.
Mais qui a exprimé ces préoccupations ? Là encore, force est de constater qu’il faut être prudents sur cette « percée » : après une première analyse des résultats globaux, le vote pour la liste Europe écologie est fortement un vote de citadins. C’est à Paris, dans les centres des villes, dans les capitales régionales notamment, qu’on observe des pourcentages très élevés, au-dessus de la moyenne nationale. Le vote vert n’est pas franchement un vote des classes populaires, qui se sont largement abstenues (abstention relativisant la portée des résultats) et qui majoritairement ne vivent pas dans les centres-ville.
Europe Ecologie a sans doute grignoté l’électorat du Modem, mais a aussi mordu sur les autres listes à gauche. Le PS, en particulier, semble en avoir fait les frais. Ainsi, la liste Europe écologie a réussi à apparaître comme à part, en dehors du système. Or, son orientation globale se situe entièrement dans le cadre du système, pour un capitalisme vert : la préoccupation majeure des abstentionnistes, la crise et ses conséquences sociales, est absente de sa campagne. Cohn-Bendit ne cache pas son ralliement à l’économie de marché. Preuve en est ses positions sur les services publics : d’après lui, pour sortir du nucléaire, il faut en finir avec le monopole d’EDF et il faut des services publics d’intérêt régional ! C’est-à-dire en finir avec les services publics. On est bien loin des services publics européens sous monopole public, ce qu’exigeaient ceux qui se battaient contre la Constitution libérale en 2005, dont… José Bové !
Alors quel avenir pour ce type de rassemblement hétéroclite ? Durable ou éphémère comme une poussée de fièvre ? Peut-être que Cohn-Bendit a apporté un élément de réponse dès le lendemain des votes : les Verts européens négocient déjà avec les socialistes européens « pour essayer de faire une majorité ». Du déjà vu.